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Forces armées maliennes : Comment mener la guerre à l’heure du coronavirus ?

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Depuis la tenue du Conseil supérieur de défense nationale, le 17 mars dernier, et après que les premiers cas de la maladie à coronavirus aient été enregistrés au Mali, la lutte contre la propagation de la pandémie dans le pays est devenue une question de défense nationale. Les Forces armées maliennes, déjà résolument engagées sur le front de la lutte contre l’insécurité et de la défense de l’intégrité territoriale, doivent désormais faire face à un nouvel ennemi invisible, le Covid-19. Entre l’obligation du respect des mesures préventives et l’absolue nécessité de continuer la guerre, les Fama s’adaptent.

Dans un communiqué en date du 27 mars 2020, le Chef d’État-major général des armées, le général de Division Abdoulaye Coulibaly, informait les militaires que des mesures de prévention et de riposte contre la maladie à coronavirus étaient prises au sein des Forces armées et de sécurité.

Ces mesures s’étendent aux zones où elles opèrent, conformément aux directives énoncées par le ministère de la Santé et des affaires sociales, et sont accompagnées d’actions de réponse menées par la Direction centrale des services de Santé des armées (DCSSA).

« Les Forces armées maliennes, fidèles à leur engagement, mettront tout en œuvre pour l’application rigoureuse des différentes mesures prises par le Conseil supérieur de la défense nationale. D’ores et déjà, les dispositions sont prises au niveau de toutes les garnisons pour renforcer les mesures d’hygiène ».

À fond sur la prévention

Au titre des dispositions prises dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus, la fermeture sans délais des cercles-mess officiers et sous-officiers et des foyers du soldat, « qui sont des lieux de rencontre et de récréation par excellence pour les militaires, leurs familles et le personnel civil ».

« Au premier niveau, il s’agit d’abord de sensibiliser les éléments de l’armée et de les informer sur les mesures de prévention. Ensuite de leur faire respecter scrupuleusement ces mesures partout, dans les bureaux, garnisons ou casernes et sur les théâtres des opérations », explique le colonel-major Diarran Koné, Directeur de la Direction de l’information et des relations publiques de l’armée (DIRPA).

« Nous essayons de faire également participer les militaires eux-mêmes à la sensibilisation partout, dans les campagnes et brousses où ils sont, dans le souci de préserver leurs familles et les casernes. Des instructions fermes ont été données par le Chef d’État-major général des armées dans toutes les régions et États-majors militaires et des rapports sont produits à cet effet chaque jour », ajoute-t-il.

Le Chef d’État-major général des armées a personnellement instruit aux militaires, où qu’ils soient et en toutes circonstances, d’appliquer les mesures idoines d’hygiène individuelle et collective, notamment à travers les gestes barrières.

Par ailleurs, dans l’optique d’épauler le ministère de la Santé et des affaires sociales dans la prévention et la riposte de la maladie à coronavirus, les services de santé des armées sont à pied d’œuvre. Leurs personnels renforcent les équipes sur le terrain et des salles de prise en charge et d’isolement sont mises en place au sein de leurs structures.

En prévision d’une éventuelle phase critique de la pandémie dans le pays, la Direction centrale des services de santé des armées a mis sur pied à Kati un dispositif d’accueil des éventuels malades du Covid-19 en phase sévère. Le même dispositif est en passe d’être déployé dans tous les régions militaires du Mali.

« Les Forces armées et de sécurité doivent se tenir prêtes à intervenir en phase 3, quand les structures sanitaires civiles seront dépassées. Un groupe d’officiers, composé de médecins, pharmaciens et logisticiens, a été mis en place pour élaborer un plan qui sera exécuté en cas de besoin », disait le général de division Abdoulaye Coulibaly le 31 mars dernier, en visite sur les lieux.

Situation propice aux attaques terroristes ?

Pour Elissa Jobson, Directrice Afrique de l’International crisis group, le risque que la pandémie du coronavirus aggrave les crises et les conflits déjà existants dans les pays touchés par l’insécurité en Afrique est élevé.

Du point de vue d’Ousmane Kornio, spécialiste des questions sécuritaires au Mali, dans la mesure où le gouvernement a en ce moment d’autres préoccupations que la lutte contre le terrorisme, la période pourrait être très propice pour les terroristes pour se préparer à contrattaquer.

Abondant dans le même sens, Baba Dakono, chercheur à l’Institut des études de sécurité (ISS Africa), fait remarquer que les attaques terroristes fonctionnent par évaluation du bénéfice « risque – coût », c’est-à-dire que les auteurs évaluent dans quelle mesure ils peuvent tirer le maximum avec les moindres risques.

« Dans ce contexte, étant entendu que les acteurs sont très occupés maintenant par la crise sanitaire, cela offre une perspective de baisse de vigilance, mais également de détournement de l’attention, qui peuvent profiter à ces groupes, qualifiés de terroristes ».

« Mais il est important de souligner aussi que ce sont des acteurs qui évoluent dans la propagande. Les attaques qui sont menés actuellement bénéficieront de moins de couverture médiatique, donc de moins de propagande, comme cela aurait été le cas dans un contexte normal », nuance-t-il.

Sécurisation malgré tout

Malgré la menace sanitaire, les Forces armées maliennes continuent correctement leur mission quotidiennement au profit des populations, dans les casernes hors de Bamako, selon le colonel-major Diarran Koné.

« Jusqu’à présent, le coronavirus n’a pas dépassé les zones urbaines au Mali. Il n’y a donc pas véritablement de démobilisation des acteurs sécuritaires sur un autre front que celui sur lequel ils étaient », affirme dans la même ligne M. Dakono.

Sur le front sécuritaire, le Mali est, depuis quelques mois, dans une posture double, caractérisée non seulement par la poursuite de la campagne militaire en coopération avec la France et de la nouvelle opération annoncée en début d’année par le Chef de l’État, mais également l’exploration en parallèle de pistes de dialogue avec les djihadistes.

« Le contexte actuel de pandémie de coronavirus ne doit donc pas faire perdre de vue cette dynamique, qui parait être meilleure que à toutes les options jusque-là essayées », pense le chercheur.

Pour lui, même si d’un point de vue strictement militaire il est vrai que la crise sanitaire va peut-être mobiliser l’armée vers d’autres préoccupations, comme par exemple le respect du couvre-feu, « cela ne doit pas véritablement détourner l’armée de sa vocation principale, qui est la sécurisation des populations, que cela soit face à un virus ou face à la menace terroriste ».

Recrutement remis en cause

Le processus de recrutement de 10 000 soldats, annoncé fin janvier par le Premier ministre et qui devrait être effectif début avril, pour le renforcement des capacités et une présence accrue sur toute l’étendue du territoire national, se voit contraint d’être suspendu en raison des différentes mesures prises par le gouvernement pour la prévention du coronavirus.

« Pour les besoins du processus de recrutement, entres autres les compétitions sportives, les visites médicales et les tests, ce sont souvent des regroupements de plus de 500 personnes. Les mesures de prévention du coronavirus impactent donc forcément le recrutement », indique Boubacar Diallo, chargé de communication du ministère de la Défense et des anciens combattants.

À l’en croire, depuis l’annonce faite par le chef du gouvernement, le processus de recrutement avait effectivement démarré, avec plusieurs tests médicaux qui ont été réalisés pour beaucoup de postulants, se traduisant il y a encore quelques semaines par de grands attroupements pour les analyses médicales.

Mais, depuis la déclaration des premiers cas de la maladie et les mesures gouvernementales qui s’en sont suivies, ces attroupements ont cessé. Les instructions qui sont en cours indiquent clairement que « le processus sera interrompu jusqu’à la fin de cette situation, due au coronavirus ».

Germain KENOUVI

Journal du Mali

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