Le Directeur d’Afrijet, société de location d’avions au Gabon appartenant à l’homme d’affaires corse Michel Tomi, est traqué par la justice malienne dans le cadre de la réouverture de l’affaire dite ‘’Achat de l’aéronef présidentiel’’. Mais plus qu’un simple Directeur, Marc Gaffajoli est surtout le bras droit d’un homme que le Président de la République considère comme son ‘’frère’’.
Dans un communiqué en date du 27 mars 2020, le Procureur de la République près le Tribunal de Grande instance de la Commune III du district, en charge du Pôle économique et financier de Bamako, Mamoudou Kassougué, annonce que «le Parquet a requis l’ouverture d’une information judiciaire et un Cabinet d’instruction spécialisé du Pôle Economique et Financier de Bamako a été désigné pour instruire sur les faits de faux en écriture, usage de faux et complicité de ces faits, de complicité d’atteintes aux biens publics par usage de faux et autres malversations et de complicité de favoritisme contre les nommés Sidi Mohamed Kagnassy, Amadou Kouma, Nouhoum Kouma, Soumaïla Diaby, Mahamadou Camara et Marc Gaffajoli».
Marc Gaffajoli est le directeur d’Afrijet, une société de location d’avions, basée au Gabon. Elle appartient à l’homme d’affaires français, Michel Tomi. Et c’est Afrijet qui a été choisi comme «conseiller du gouvernement» dans le cadre de l’acquisition de l’avion de commandement du président de la République. D’après plusieurs journaux (Le monde, Mediapart, Jeune Afrique), Michel Tomi «a géré du début à la fin avec l’un de ses collaborateurs au Gabon, Marc Gaffajoli», l’achat de l’avion présidentiel du Mali.
Le 23 juin 2015, Marc Gaffajoli a été entendu dans les locaux de la Direction centrale de la police judiciaire, à Nanterre en France. Les enquêteurs cherchaient à savoir un peu plus sur son rôle dans l’achat de l’avion présidentiel. Cette même affaire a valu, en octobre 2014, à l’ancien ministre de la Défense et des Anciens combattants, Soumeylou Boubèye Maïga, un placement en garde à vue et une audition à Nanterre.
Accord préalable du Président de la République sur le choix du conseiller du Gouvernement
Le Rapport annuel 2014 du Bureau du Vérificateur Général voit dans le choix du conseiller du gouvernement l’existence d’un conflit d’intérêts. Il ressort de ce document, consultable en ligne sur le site internet du Bureau du Vérificateur général, que «le Conseiller du Gouvernement a été ciblé et retenu dans des conditions non transparentes puisque jouissant du privilège d’être l’Administrateur Général de la Société Afrijet Business Service, qui était prestataire de services à la Présidence de la République dans le cadre de la location d’avions ».
Toujours selon le rapport du Végal, l’implication de cet intermédiaire dans l’achat de l’aéronef, dont l’opportunité n’est pas démontrée, a contribué à augmenter le prix. Il a été payé 1,03 milliard de FCFA au «Conseiller du Gouvernement». Et le Trésor Public a été sevré de 557,59 millions de FCFA de droits d’enregistrement et l’Autorité Malienne de Régulation de 92,93 de millions FCFA de redevances. Et, pour cause : le ministre de la Défense et des Anciens Combattants, dans la Lettre d’intention du 27 décembre 2013, s’est engagé à prendre en charge toutes les taxes liées à l’opération.
Dans un document intitulé : «Observations de Soumeylou Boubèye Maïga sur le rapport provisoire du Bureau du Vérificateur Général», l’ancien ministre de la Défense et des Anciens combattants, dont l’Assemblée nationale doit statuer sur la mise en accusation devant la Haute Cour de justice, enfonce le Chef de l’Etat, IBK. «Le choix du conseiller du Gouvernement pour l’acquisition de l’avion, en la personne de Monsieur Gaffajoli, a également été établi sur la base de l’accord préalable du Président de la République».
IBK : « il n’a été question d’argent entre nous »
Le Président IBK s’est prononcé sur ses liens avec Tomi Michel dans la première grande interview qu’il a accordé à Jeune Afrique. Cet entretien, réalisé le 3 mai 2014, a été publié dans le J.A. n° 2784. A la question de savoir s’il reconnait à avoir fréquenté l’homme d’affaires Michel Tomi, le Président IBK répond : « Oui. Je le considère comme un frère. J’ai rencontré Michel Tomi par l’intermédiaire du défunt Omar Bongo Odimba, dont il était très proche. C’était ici, à Bamako, en 1995. Bongo était venu nous rendre visite et Tomi l’accompagnait. J’étais alors Premier ministre. Depuis lors, Michel Tomi est resté mon ami. Mais jamais, au grand jamais, il n’a été question d’argent entre nous. Je ne suis d’ailleurs dans aucune affaire, avec qui que ce soit. La famille Tomi et la mienne se fréquentent, c’est vrai. Il m’a toujours témoigné amitié et fraternité. Tous les chefs d’État qui le connaissent m’en disent du bien, et ses activités dans le domaine des jeux n’ont, que je sache, rien d’illégal. Ce qu’il a pu faire auprès de tel ou tel homme politique en France ne me concerne pas, d’autant qu’il a, je crois, payé pour cela. Rien en tout cas ne justifie que je le renie. Je suis un homme d’honneur».
Pourquoi le gouvernement a choisi Afrijet comme conseiller dans l’acquisition de l’aéronef ? Le conflit d’intérêt est-il avéré ? L’enquête ouverte permettra à l’opinion publique de savoir davantage à condition qu’elle soit menée à terme.
Chiaka Doumbia
Source: Le Challenger