Le monde à l’envers. Fin février, le personnel de l’entreprise pharmaceutique Biogen s’est réuni à l’occasion de son congrès annuel, organisé à Boston. Environ 175 personnes sont arrivées des quatre coins des États-Unis, ravies de se retrouver physiquement pour la seule fois de l’année.
Poignées de mains chaleureuses et accolades sincères: tout le monde a commencé par se saluer, avant de partager un petit déjeuner proposé par l’hôtel Marriott Long Wharf de Boston. Le séminaire a ensuite duré deux jours, dans un climat d’auto-célébration, puisque les recettes de la société sont au beau fixe et que le travail au long cours mené par l’entreprise sur un médicament destiné à combattre la maladie d’Alzheimer a avancé de façon très encourageante
Le premier soir même, toujours au Marriott de Boston, un cocktail était donné par Biogen, raconte le New York Times, avec un buffet copieusement garni, sur le principe du self service. On a de nouveau pu se saluer longuement, et les collègues européen·nes venu·es rejoindre l’assemblée ont pu embrasser comme il se doit une partie de leurs collaborateurs et collaboratrices.
Au bout de 48 heures, la plupart des participant·es ont pris l’avion pour regagner leurs domiciles, situés dans au moins six des cinquante États américains. Pour des raisons personnelles ou professionnelles, d’autres ont même pris des vols les menant jusqu’à des pays comme l’Autriche, l’Allemagne, l’Argentine et la Norvège.
Six semaines après le congrès, rien que dans le Massachusetts, on compte 99 personnes touchées par le Covid-19 chez les employé·es de Biogen et leurs proches. D’après le Boston Globe, 70 des 92 premiers cas d’infections repérés dans l’État du Massachusetts sont reliés directement au meeting Biogen, qui a joué le rôle de foyer de contagion. Un comble pour une entreprise dont la mission est de soigner les gens.
Pour certains observateurs, Biogen n’aurait pas dû maintenir ce meeting, auquel ont assisté des représentant·es de pays européens que l’on savait déjà touchés par le Covid-19 à ce moment. Aveuglée par l’ivresse liée à ses récents résultats financiers et scientifiques, l’entreprise a sans doute manqué de clairvoyance, comme tant d’autres à ce moment de l’année.
Des dons pour faire amende honorable?
Certaines entreprises, comme Vertex et Seattle Genetics, avaient apparemment mieux anticipé les choses, annulant la venue de leurs représentant·es en raison de l’annonce des trente premiers cas détectés aux États-Unis. Chez Biogen, la prise de conscience fut plus tardive: dès le deuxième jour de la conférence, raconte le New York Times, une grande partie des participant·es avait cessé de serrer des mains en guise de salut. Trop tard.
Depuis, l’entreprise tente elle aussi de se mêler à la lutte contre le virus, ce qui a commencé par un don de 10 millions de dollars destinés à fournir des tests, des équipements de protection et des repas au personnel hospitalier. Biogen collabore actuellement avec Vir Technology, société spécialisée dans le combat contre les maladies infectieuses, afin de tenter de trouver un traitement potentiel. Ce serait sans doute la meilleure des façons de faire oublier qu’elle a contribué à répandre le virus dans une partie du pays et dans d’autres contrées.
Slate.fr