Les années 1960 sont caractérisées par une profusion d’idées sur la manière d’entreprendre le développement. Elles insistent toutes sur l’urgence nécessité d’accroitre le Produit national brut (PNB). Il y a sans doute croissance du PNB dans certains pays du Tiers-Monde mais les populations n’ont que rarement profité de ce développement sous la forme d’une amélioration de leur niveau de vie et de leurs conditions sociales. L’enthousiasme qui a suivi l’indépendance fait donc place un peu partout au désenclavement. Il n’est pas rare d’entendre dans les campagnes de certains pays des paysans vous demander parfois «quand cette indépendance va-t-elle finir» !
Nous assistons dans toutes les réunions internationales à une mise en cause de «la détérioration des termes de l’échange» ou de «l’échange inégal» comme le disent certains économistes. L’écart entre les pays riches et les pays pauvres ne cesse de s’accentuer.
Et Jeune Afrique dans son numéro du 30 juin 1973 disait: «Si on ne tient pas compte des chiffres trompeurs des taux de croissance, on constate que pour environ les deux-tiers de l’humanité, la croissance du revenu par tête d’habitant a été de moins d’un dollar par an au cours des vingt dernières années. Et cet accroissement, même tout misérable qu’il soit, a été inégalement distribué, les 40% les plus pauvres de la population restant bloqués au même niveau dans leur lutte pour l’existence, et recevant même parfois moins qu’il y a vingt (20) ans».
Cette stagnation est particulièrement marquée dans une série de pays africains. Les théories sur le développement d’inspiration occidentale ne mettaient l’accent que sur le capital financier et l’utilisation de techniques avancées. Il fallait à tout prix accroitre la production nationale; de sa juste répartition, il n’est pas souvent question.
Au contraire, certains économistes occidentaux soutenaient sérieusement la théorie qu’une répartition inégale des ressources permettrait un développement plus rapide. Pourtant, le développement ne consiste pas seulement à accroitre les biens matériels et les services sociaux, médicaux et autres offerts à une population.
Marie Angélique Savané
Source : l’Inter de Bamako