Les responsables des Comités syndicaux des CHU Gabriel TOURE, Hôpital du Mali, de Kati et du Point G ont conjointement animé une conférence de presse, ce 28 avril 2020, dans la salle-conférence du service gynécologique de Gabriel TOURE. L’objectif de cette rencontre était d’alerter l’opinion nationale sur la situation de malaise qui prévaut au sein de ces 4 CHU.
Cette conférence de presse était animée par le Dr Locéni BENGALI, secrétaire général du Comité syndical de l’Hôpital Gabriel TOURE qui avait à ses côtés, ses homologues de trois autres hôpitaux. Il s’agit du Pr Moussa DIARRA, secrétaire général du SYNACAM à l’Hôpital de Kati ; le Dr Mahamaddou DAMA, SG-SYMEMA à de l’Hôpital du Mali ; et le Dr Fousseïni COULBALY, du SNS-AS-PF (Comité du CHU du Point G).
Au cours des échanges, les syndicalistes ont appelé au respect des engagements pris par les autorités ; la sécurité du personnel et l’amélioration des conditions d’accueil d’hospitalisation et des soins des patients ; l’avènement d’une bonne gouvernance hospitalière.
« Nous osons croire que dans un plus bref délai, nos plus hautes autorités s’activeront à satisfaire les préoccupations suivantes », a-t-il prévu.
Les conférenciers ont fait le point de différents PV de conciliation qui ont sanctionné les mouvements de grève précédents, mais aussi, et surtout d’alerter le Gouvernement sur l’état d’humeur des agents au niveau de ces 4 CHU dans le cadre de la lutte contre la pandémie du COVID-19.
Dans son exposé liminaire, le Dr Amadou MAIGA du SNS-AS-PF de l’hôpital Gabriel TOURE a indiqué cette rencontre faisait suite au non-respect par le gouvernement des engagements pris par les autorités face aux syndicats : la sécurité du personnel dans le cadre de la lutte contre le COVID-19 et l’amélioration des conditions d’accueil d’hospitalisation et des soins des patients.
D’entrée de jeu, le Dr MAIGA est sans langue de bois.
« Nous sommes face à des autorités qui n’ont que mépris pour nous, qui ne daignent même pas répondre à nos correspondances et demandes d’audience pour rechercher des solutions concertées à des problèmes qui peuvent mettre en péril la vie des Maliens », a-t-il critiqué.
Si pour le moment aucun préavis n’est déposé sur la table du Gouvernement, les conférenciers envisagent le faire dans les jours à venir autour des six points de revendication non satisfaits, si rien n’est fait du côté des autorités pour satisfaire lesdites doléances.
Il s’agit de : rendre effectives les dispositions de sécurité et de motivation du personnel dans le cadre de la lutte contre l’épidémie à Coronavirus.
Mettre le personnel biappartenance lésé dans ses droits en : payant intégralement leurs arriérés d’émoluments, intégrant lesdits émoluments dans leur salaire, uniformisant lesdits émoluments dans toutes les structures, réalisant la convention hospitalo-universitaire en associant de ceux déjà intégrés. Parachever le processus d’intégration dans la fonction publique de l’État du personnel contractuel dont les dossiers ont été déjà traités en tenant compte de leur nouvelle situation administrative et régularisant la situation de ceux déjà intégrés.
Rendre effective la prise en charge gratuite des soins médicaux et du médicament pour le personnel socio-sanitaire assujetti à l’AMO, conformément aux engagements et aux textes.
Améliorer les conditions de travail des CHU et hôpitaux concernés par : le recrutement du personnel qualifié, l’amélioration et l’adaptation des plateaux techniques en tenant compte de nouveaux défis sanitaires.
Rembourser intégralement les primes de fonction Spéciales prélevées et procéder à l’augmentation substantielle de ces primes de fonction spéciales ainsi que les primes de garde et des primes de monture.
Selon le Dr Amadou MAIGA, sur les six points de revendication envisagés par les syndicalistes, à part le point relatif aux mesures face au COVID-19, les autres ont fait l’objet de PV de conciliation par le passé.
« Si plus de 9 syndicats des hôpitaux de Bamako et de Kati vous adressent une correspondance et que vous ne répondez pas, ça s’appelle du mépris », a indiqué le conférencier.
Par rapport à la lutte contre le Coronavirus, le Pr Moussa DIARRA, de l’hôpital de Kati, a reconnu que l’État a mis à la disposition des différentes structures de santé des moyens. Mais, dit-il, ces moyens ne sont pas insuffisants.
« On a beaucoup de choses qui manquent. On essaye de travailler avec le peu de moyens que nous avons. Vous avez vu à Kayes que nos collègues se sont mobilisés pour décrier le manque de moyens », a-t-il expliqué avant d’ajouter : « Si les moyens sont insuffisants, ça pose un problème. Parce que, si le personnel n’est pas protégé, c’est la catastrophe. Imaginez un personnel de la santé qui est contaminé et qui ne le sait pas, il va continuer à prodiguer les soins aux patients. Et combien de personnes vont-t-elles être contaminées par jour », s’est-il interrogé.
Dans son discours, le président de la République, a rappelé le conférencier, a annoncé qu’il propose des cache-nez pour les Maliens. Pendant qu’on est en train de les donner dans les quartiers, à des chefs de quartier, à des marabouts, à Gabriel TOURE, a dit le Pr DIARRA, ‘’nous avons des cache-nez qui ne sont pas dans les normes’’.
Pour lui, il est clair l’État a mis à la disposition des différentes structures des moyens, mais ces moyens sont insuffisants.
« On a beaucoup de choses qui manquent. On essaye de travailler avec le peu de moyens que nous avons. Malheureusement, il y a beaucoup de nos collègues qui ont été contaminés par cette maladie », a-t-il déploré.
Pour changer la donne, il préconise de renforcer les moyens pour permettre au personnel soignant de lutter efficacement contre cette pandémie.
S’agissant des autres revendications, le Pr DIARRA a fait savoir que depuis très longtemps, les agents de santé sont obligés de se battre pour avoir leurs émoluments.
« Chaque fois qu’on garde le silence, ces droits sont coupés », dit-il.
Pendant que le président de la République annonce qu’il y’aura des primes spéciales pour le personnel de la santé dans le cadre de la lutte contre la COVID-19, entre temps, on est en train de couper ce qui existe déjà.
« Après cette conférence de presse, s’il n’y a pas de réaction, nous allons déposer notre préavis de grève », a indiqué le conférencier.
Selon lui, la pandémie n’est pas un prétexte pour faire de la surenchère. « Nous nous lassons parce que nous ne sommes pas dans les conditions. Pire, ils sont en train de grignoter dans nos salaires. Et ça, c’est inacceptable », a-t-il mis en garde.
Le Dr Mahamadou DAMA, secrétaire général du Comité syndical du CHU Hôpital du Mali, rappelle que le Mali a été l’un des derniers pays à être affecté par le Coronavirus. De ce fait, dit-il, on a eu tout le temps de se préparer avant l’arrivée de cette pandémie, mais cela n’a pas été fait. S’agissant des revendications posées par les agents de santé de Kayes, le Dr DAMA a répondu que toutes les structures de santé du Mali sont dans le même bateau.
« Il y a un manque criard de matériel de protection », déploré le syndicaliste qui regrette de constater que nos autorités semblent se limiter à des engagements sur les médias.
De son côté, le Dr Fousseïni COULBALY, du SNS-AS-PF du Comité du CHU du Point G, a axé son intervention sur les moyens de lutte contre le COVID-19 au niveau de sa structure. De ses propos, il ressort que beaucoup de choses ont été dites, et que les mesures annoncées par le Gouvernement tardent à venir. Depuis l’éclatement de cette pandémie dans notre pays, ce n’est qu’en début de cette semaine, le CHU du Point G n’a pas reçu de Kits venant de l’État. C’est des anciens kits qui étaient destinés à la lutte contre Ebola qui ont été utilisés pour prendre en charge les malades du COVID-19. S’agissant des masques, il a fait savoir que dans certains services du Point G, les agents sont dotés de 10 cache-nez pour le mois. Or, il se trouve que la durée maximum de ces outils varie entre 4 et 6 heures de temps. Avec le climat que nous avons aujourd’hui, les masques ne résistent pas longtemps et les agents de santé sont obligés de payer des cache-nez complémentaires pour se protéger dans le cadre de l’exercice de leur métier au service de l’État.
Même si les kits de lavage des mains sont disponibles, le plus souvent, il n’y a pas d’eau ni de solution hydro alcoolique au Point G.
Par ailleurs, a-t-il déploré, au CHU du Point G, les autres malades sont abandonnés à leurs propre sort. On a fermé le bloc des services de réanimation qui sont transformés en salle d’hospitalisation des malades du COVID-19.
Pour sa part, le Dr Locéni BENGALI, dira que les émoluments réclamés ne constituent pas un luxe, mais une partie du salaire des médecins.
« Si la population ne souhaite pas voir un arrêt de travail dans les hôpitaux, elle doit exiger que le Gouvernement honore ses engagements sans délai », dit-il.
Suite à la suspension des salaires des enseignants, certains médecins ont vu une partie de leurs salaires coupés.
« Cela est inadmissible, même s’ils relèvent du ministère de l’Enseignement, c’est du personnel soignant ». Aussi, s’insurge le Dr BENGALI exige que ces primes de l’ordre de 50 000 F CFA soient restituées.
Dans le cadre de l’exercice de leur métier, des agents de santé ont contracté le virus. Mais pour le test, ces agents qui sont exposés tous les jours, on dit qu’il n’y a pas de kits. Comment peut-on comprendre ça au moment où des hommes politiques se font tester alors qu’on dit qu’il n’y a pas de test pour les agents de santé.
« Que les autorités se détrompent pas, ce n’est pas parce qu’il y a la pandémie qu’on ne peut pas faire la grève. On peut arrêter à tout moment le travail même s’il y a épidémie. Épidémie oui, mais le personnel de soins d’abord », a conclu le Dr BENGALI.
Par Abdoulaye OUATTARA
Info-Matin