Personne n’aurait parié sur une telle fin de carrière professionnelle de ManassaDagnoko. Ce magistrat a séduit la jeune génération lors de l’historique procès « crimes de sang » du Général Moussa Traoré et ses trente-deux co-accusés, tant elle a tenu d’une main de fer le ministère public. C’est indéniablement ce procès qui a révélé au grand public cette Dame de fer et qui lui a rendu célèbre, car son réquisitoire a été suivi avec grand intérêt par les victimes et a contribué à la manifestation de la vérité. Plus de vingt ans après ce grandiloquent acte, ManassaDagnoko, au lieu de continuer à entretenir cette flamme, cet espoir pour la nouvelle génération, est en passe aujourd’hui de devenir le bourreau de cette même démocratie, à l’avènement de laquelle elle a fortement contribué. Par ses arrêts successifs inopportuns, légers et téléguidés qu’elle a rendus à la tête de la prestigieuse institution, ManassaDagnoko semble sacrifier l’honneur, le prestige sur l’autel de ses intérêts immédiats. Pourra-t-elle se ressaisir pour le temps qui lui reste à la tête de la Cour Constitutionnelle ? Acceptera-t-elle de mettre fin à sa carrière avec ces taches noires qui sont sur le point de ternir son image à jamais ?
Nul n’aurait pu trouver à dire quand le choix du Président de la République s’est porté sur ManassaDagnoko, pour diriger la Cour Constitutionnelle, tant elle a laissé une image séduisante lors du procès « crimes de sang » du Général Moussa Traoré et compagnie. Mieux encore, son choix se justifiait parce qu’elle a été radiée de la fonction publique pour faute professionnelle, selon ses détracteurs, pour ses activités politiques selon ses partisans, donc l’une des nombreuses victimes du régime dictatorial de GMT. Auréolée de ce passé glorieux, cette dame magistrat à la tête de la Cour Constitutionnelle, ne pourrait être qu’une récompense aux immenses efforts qu’elle a déployés pour l’avènement de la démocratie au Mali.
Il a fallu qu’elle exerce cette haute fonction, qui est la présidence de la Cour Constitutionnelle et surtout qu’elle pose certains actes pour que les langues commencent véritablement à se délier à son sujet. Pour beaucoup de citoyens maliens, jamais une Cour Constitutionnelle n’aura été autant manipulée par l’exécutif que celle dirigée par ManassaDagnoko. La conformité des arrêts et décisions de la Cour ne se mesure pas à l’aune de la Constitution, mais à l’humeur du chef de l’exécutif. Qui ne se rappelle pas de l’avis de la Cour Constitutionnelle sur la prolongation du mandat des députés en violation de la loi? Que dire de sa décision d’autoriser la tenue du referendum au moment où les 2/3 du territoire échappaient au contrôle du pouvoir central. La Cour Constitutionnelle avait qualifié l’insécurité qui sévissait au nord et au centre de résiduelle. Par cette décision de la Cour Constitutionnelle, le Mali a frôlé la catastrophe, celle d’une crise majeure, pouvant même entrainer une guerre civile entre les partisans du non au referendum et ceux du oui. Comme si cela ne suffisait pas en 2018, saisi par l’opposition aux fins d’annuler les élections présidentielles, qui semble-t-il a été une parodie d’élections, la Cour Constitutionnelle dirigée par ManassaDagnoko a rejeté tous les recours et a proclamé IBK Président de la République sans sourciller, plongeant le Mali dans une crise postélectorale sans précédent. Le Mali patauge toujours dans cette crise.
En fin de mandat et de carrière, au lieu d’écrire comme en 1992 une nouvelle page glorieuse de l’histoire de notre jeune démocratie, elle s’est plutôt fourvoyée en mélangeant les pédales lors de la proclamation des résultats définitifs du second tour des élections législatives. Jamais les élections législatives n’ont connu un tel chamboulement, qui s’apparente à une falsification des résultats sortis des urnes, d’où des manifestations spontanées un peu partout. Elle vient de louper une autre occasion de se racheter vis à vis de l’histoire.
En somme, celle qui était considérée comme une dame de fer, à savoir ManassaDagnoko, n’est en réalité qu’une tigresse en carton. Le visage qu’elle a montré à l’opinion nationale et internationale, lors du procès contre le Général Moussa Traoré, est loin d’être son vrai visage. Manassa était mue par une haine viscérale et elle était déterminée à prendre sa revanche contre le régime déchu de Moussa Traoré. Son passage à la tête de la Cour Constitutionnelle a été une véritable catastrophe pour la démocratie malienne.
Youssouf Sissoko