Notre pays dispose-t-il d’un pouvoir compétent, intègre, capable d’œuvrer pour le bien-être des maliens ? La réponse qui vient spontanément à l’esprit est non. C’est une réponse qui n’est pas inventée juste pour entretenir ce qu’on pourrait appeler le «IBK bashing».
Si on soumet la question à un sondage d’opinion plus ou moins représentatif des catégories sociales qui composent notre société, le résultat serait dans une grande proportion identique. Sans être particulièrement sarcastiques, les Maliens pensent majoritairement que le Mali est mal dirigée, et parfois non pilotée du tout. Les institutions existent certes, mais beaucoup diront qu’elles ne servent pas tellement la dynamique de développement que tout le monde attend faute d’une réelle liberté d’action et de prérogatives.
Avec un Président fortement controversé dans sa gestion du pays et une sphère de décision concentrée entre les mains d’un cercle fermé, autant reconnaître que ces institutions ressemblent à des corps sans âme. Elles ne sont, certes, pas purement symboliques, mais le fait qu’elles se tiennent souvent loin des préoccupations des citoyens leur confère un rôle subalterne au lieu d’être capital. Cela dit, nos dirigeants auront beau claironner que malgré tout ils «maîtrisent la situation» dans les domaines les plus sensibles de la vie active, comme l’économie, la politique, la sécurité…le retour d’écoute auprès des masses reste plutôt timide, voire médiocre.
On a d’ailleurs la nette impression que les gouvernants parlent pour eux-mêmes, que leurs discours tournent à vide, même quand il s’agit de sujets très cruciaux en cette période de crise, où un effort de solidarité nationale est demandé à tout un chacun pour mieux amortir le choc des difficultés à venir. L’important, cependant, est de savoir si les messages lancés dans cette direction par le gouvernement sont bien reçus, ce qui dans la réalité que nous vivons laisse traîner quelques doutes compte tenu du fait qu’à force d’être échaudés par des promesses jamais tenues ou par de simples gesticulations politiques, les Maliens ont fini par perdre totalement confiance en leurs dirigeants et donc par ne plus prêter attention à ce que ces derniers leur disent. On compte au demeurant quelques figures de proue dans l’équipe gouvernementale qui incarnent bien cette impuissance des pouvoirs publics à convaincre une population désabusée et qui continue de croire, malgré la gravité de la conjoncture, que tout ce qu’on lui raconte reste virtuel à partir du moment où elle ne se sent pas concernée par les projets mirifiques annoncés.
Des membres du gouvernement comme le Premier ministre, Chef du Gouvernement, ministre de l’Économie et des Finances, le Dr Boubou Cissé ; la ministre des Infrastructures et de l’Équipement,
Mme Traoré Seynabou Diop ; ou le ministre de la Santé et des Affaires sociales, Michel Hamala Sidibé, pour ne citer que ces trois membres de l’Exécutif, en effet, font toujours monter d’un cran le ton de leur communication, en la couvrant de démagogie, pour tenter de ratisser large parmi l’opinion publique, mais sans obtenir l’effet escompté. Il ne suffit pas de parler haut et fort pour faire entendre raison.
C’est plutôt leur crédibilité qui est mise à mal pour avoir été à plusieurs reprises sujette à contestation. Par extension, à travers les élucubrations médiatiques de ces trois ministres qui donnent l’impression, à chacune de leurs sorties, de tirer des plans sur la comète, c’est la notoriété de tout le gouvernement qui est en cause en raison de son incapacité à sortir le pays de son immobilisme, de son manque flagrant de clairvoyance et de rigueur devant les événements et de son absence totale de planification pour gérer efficacement les paramètres de la prospective.
Pouvoir et opposition, dos à dos
En somme, mis à part sa volonté de se maintenir coûte que coûte aux commandes et de se donner les raisons de sa pugnacité à être le seul en mesure d’assumer la responsabilité de la gouvernance, le Pouvoir actuel n’offre aucune alternative viable à même de le réhabiliter devant les Maliens. Il reste farouchement accroché à ses principes autoritaristes, à ses méthodes éculées, surtout à son refus de reconnaître la faillite de sa politique et de son système qui a un besoin urgent d’être réformé. C’est cette position figée qui rejette toute idée d’alternance qui renforce les nombreux blocages ressentis dans un pays où normalement le niveau de développement devrait être trois ou quatre fois supérieur à celui que nous connaissons actuellement si la compétence et l’intelligence étaient intégrées aux leviers de la gouvernance. On sait que les gens du sérail n’aiment pas quand on leur parle de blocages. Ils pensent qu’ils sont dans le vrai et qu’en dehors d’eux il n’y a point de salut pour le Mali.
De là à envisager un jour une… connexion avec l’opposition, dans l’intérêt du pays, reste une vision romantique qui ne sera peut-être jamais réalisée, en tous cas tant que les IBK sont encore au pouvoir. C’est au demeurant cette obstination à refuser la concertation qui fait le plus de mal au pays.
Encore que du côté de cette opposition, qui aime bien se mettre dans la peau d’une victime, tout n’est pas clair, ni rose. Si elle a réussi un tant soit peu à s’unir, à faire cohabiter ses divergences idéologiques, celle-ci demeure encore très vulnérable dans ses plans d’action, dans ses positionnements, dans ses interventions publiques, dans ses approches politiques. Elle est composite, et ses présumés ténors manquent souvent de clarté, voire de punch et d’audace pour espérer faire changer les choses.
Qu’attendre de certains hommes politiques qui passent leur temps à faire le constat d’échec du Pouvoir sans faire de propositions concrètes pour bousculer le sérail et l’amener à l’ouverture démocratique ? Les Maliens qui nourrissent des espérances pour cette ouverture attendent, à l’évidence, de cette opposition qu’elle sorte des sentiers battus et fasse preuve de plus d’imagination. Les discours creux ne font plus d’effet aujourd’hui, et c’est de stratégie dont il est désormais question et qui met les partis d’opposition au pied du mur, en supposant évidemment qu’ils ont un programme pour gouverner. Ce qui ne semble pas pour l’heure être en leur possession.
Cyrille Coulibaly
Nouveau Réveil