L’isolement forcé des familles au sein de leur foyer a conduit à une hausse des violences conjugales, selon une ONG qui a mené une enquête, restreinte à la capitale, confinement oblige. L’étude, rendue publique mardi, n’a été menée que dans 50 des quelques 200 quartiers qui composent la capitale Antananarivo.
Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud
C’est l’un des effets indirects des mesures adoptées pour lutter contre la pandémie. Dans la majorité des fokontany étudiés de la capitale, que ce soient des quartiers populaires ou résidentiels, le quotidien en vase clos a exacerbé les violences envers les personnes déjà vulnérables au sein de leur foyer.
Des signalements multipliés par cinq
Depuis janvier 2019, l’ONG C-For-C (Capacity-building For Communities), spécialisée dans la lutte contre les violences basées sur le genre – et qui a fait de l’implication des hommes dans cette lutte sa spécificité – recense les signalements effectués dans les fokontany par les femmes victimes de violences conjugales. Pour cette étude, les données d’avril 2019 ont été comparées à celles d’avril 2020, récoltées en plein confinement.
« Le confinement a accru le taux de pauvreté des habitants et cela a augmenté le taux de violences conjugales, explique Sariaka Nantenaina est la directrice exécutive de l’ONG. Dans la majorité des fokontany étudiés, et plus encore pour ceux des bas quartiers, les chiffres récoltés témoignent de cette augmentation des violences. Pour vous donner un exemple, en 2019 dans un fokontany avec lequel nous travaillons, une femme sur deux se disait victime de violences. Et là, durant le confinement, dans ce même fokontany, huit femmes sur dix ont rapporté subir des violences. »
Ces résultats coïncident également avec la hausse significative d’appels de victimes enregistrés sur la ligne verte (813) mise en service durant le confinement par l’UNFPA (le Fonds des Nations unies pour la population). En quelques semaines, le nombre de signalements par téléphone a été multiplié par cinq, précise l’agence onusienne.
Des amendes aux effets pervers
Mais l’étude de C-For-C montre aussi que certains quartiers ont enregistré des baisses de dénonciation. Toutefois, pour l’ONG, ces informations ne sont pas significatives. « Il y a certaines données qui sont irréelles. Avoir zéro plainte dans certains fokontany qui en enregistraient précédemment, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu de violence. Cela signifie, à notre avis, qu’il y a un échec dans le système de la dénonciation de la violence », souligne la directrice de l’ONG.
D’après C-For-C, certaines maisons de quartiers ont instauré une sorte d’amende à payer à chaque dépôt de dénonciation. Le but : dissuader les couples de se disputer. Mais en pratique, si elle ne prévient pas les violences, cette amende dont le montant représente parfois le dixième du salaire mensuel d’un foyer, empêche financièrement la plupart des victimes de porter plainte. Un effet pervers dénoncé par l’association.
D’après l’enquête, les violences psychologiques ou financières sont totalement absentes des registres. Seules les violences physiques graves sont dénoncées. « Les victimes viennent quand elles sont vraiment à bout et ne supportent plus les coups » précise Sariaka Nantenaina.
« Que ce soit dans le sud, dans le nord, dans les 22 régions de Madagascar, il y a une culture du silence, regrette-t-elle. Les violences conjugales ne sont pas considérées vraiment comme une violence. C’est comme si c’était normal pour une femme de subir des violences de la part de son conjoint et que la femme doit juste se taire, ne pas porter plainte. »
Mais les choses pourraient changer progressivement. En novembre 2019, Madagascar s’est doté d’une loi condamnant les violences basées sur le genre. Leurs auteurs encourent désormais des peines de six mois à cinq ans de prison et des amendes allant jusqu’à 4 millions d’ariary (environ 1 000 euros).
RFI