“Les hommes et les femmes ne sont pas égaux devant les dépenses“, c’est du moins l’avis du sociologue, Dr. Moussa Coulibaly. Pour lui, la gestion du foyer relève de la responsabilité de l’homme. Et d’ajouter que cette responsabilité en milieu rural, se limite pour l’homme, à rendre disponibles les vivres, notamment les céréales que sont le mil et souvent le riz. La femme est chargée d’approvisionner le foyer en condiments qu’elle a grâce au jardin qu’elle exploite, ce qui fait qu’il n’y a pas un montant fixé conventionnellement que le mari doit mettre à la disposition de la femme tous les matins, explique-t-il.
Dans la grande ville, le foyer est une charge. La femme est une charge. Les enfants sont une charge. En milieu rural, ils sont un apport. La fille aide sa mère dans les tâches domestiques, (il n’y a pas la notion de bonne ou aide-ménagère) et le garçon aide son père. En milieu urbain, la gestion du ménage est un vrai casse-tête, dit-il. Il estime qu’en général, l’homme est le pilier du foyer, car il veille à nourrir de son mieux la famille, paye les factures (eau, électricité) et assure le paiement des frais de scolarité pour les enfants. Dans la grande ville, où la femme est de plus en plus émancipée, elle peut intervenir pour payer le salaire de la bonne qu’elle emploie, ou règle les petites dépenses.
Aux yeux de notre sociologue, les foyers connaissent de réelles difficultés. “Les salaires ne couvrent pas les dépenses du foyer ce qui fait que les fins de mois au lieu d’être des moments de réconforts deviennent des moments de stress et de soucis pour l’écrasante majorité des ménages. On navigue entre les dépenses prévues (nourriture, factures diverses, frais scolaires) et les imprévus (santé par exemple) “, dit-il.
Pour notre interlocuteur, de plus en plus les femmes interviennent en complément pour aider l’homme afin d’assurer aux enfants les trois repas (un calvaire actuellement pour les ménages) ou pour avoir une scolarité plus épanouie. Toutefois, ajoute-t-il, de nouvelles habitudes actuellement n’arrangent pas la vie du ménage comme la facture numérique du ménage (appels téléphoniques, connections) pour toutes les tranches d’âge et les dépenses faites par les femmes lors des cérémonies sociales (mariages, baptêmes et récemment les anniversaires). La revalorisation des salaires et une gestion efficace des revenus sont des alternatives pour soulager les ménages, a-t-il proposé.
Ibrahima Ndiaye
Mme Berthe Mariam Coulibaly a propos des dépenses familiales :
“J’y participe à 50 %”
Vivant seule ou en ménage, ayant un revenu modeste ou confortable, maitriser ses dépenses n’est pas le point fort des Maliennes selon beaucoup de personnes. Cependant, Mme Berthé Mariam Coulibaly, mariée depuis 5 ans, explique qu’elle participe aux dépenses familiales à 50 %, pour dit-elle, alléger les charges de son mari.
Contribuer aux dépenses n’est pas chose aisée, c’est suivre son budget au quotidien avec sérénité en anticipant les différentes charges familiales. Et de nos jours, les femmes mariées participent de plus en plus à différentes charges du foyer en établissant un budget qui leur permet souvent d’arrondir certaines charges, ce n’est pas une obligation mais une question d’organisation entre époux.
C’est aussi une opportunité de montrer aux époux qu’elles ont une certaine interdépendance financière, Pour la jeune femme actuelle tout part de l’organisation du couple, de comment ils prévoient de gérer les charges de leur foyer.
“Je participe à 50 % aux dépenses familiales car ce que mon mari me donne n’est pas suffisant pour la popote et les autres charges. Vu que les dépenses ne se résument pas qu’à la popote, il y a des produits pour l’entretien de la maison et comme mon mari me donne 80 000 F CFA par mois, et j’ai décidé d’ajouter 20 000 F. C’est-à-dire 10 000 F pour compléter la popote et l’autre 10 000 F pour les petites dépenses comme le ramassage des ordures, le savon et d’autres petits trucs mais avec le bébé maintenant je me retrouve à 40 000 F ou plus.
Gérer son budget familial ne se résume pas simplement à suivre les comptes et à lister les revenus et dépenses, cela consiste aussi en une prise en charge de dépenses multiples. De l’organisation, de la rigueur dans le suivi, en aidant à anticiper l’avenir et à réaliser de nouveaux projets…”, souligne Mme Berthé.
La modernité voudrait que l’organisation du foyer soit tout autre et loin de ce qui était fait à l’époque de nos grands-parents, la plupart des femmes actuelles sont actives. Peu importe le secteur d’activité, elles sont en mesures de contribuer aux dépenses familiales.
Pour avoir un équilibre et assurer pleinement les charges du foyer, il faudrait que les deux conjoints élaborent un tableau des charges et des revenus et se fixent un budget.
Aïchatou Konaré
Maïga Nana Toure, caissière à la BMS :
“Il n’y a pas de femme qui n’aide pas son mari”
La femme est la clé de voute de tout ménage, son apport au bon fonctionnement du foyer est indéniable. Cependant…
Dans un foyer, c’est l’homme qui est le chef de famille. Toutes les dépenses financières lui reviennent en premier. Aujourd’hui, force est de reconnaitre que la femme joue un rôle considérable pour aider son homme.
Certaines femmes battantes apportent leurs contributions à l’édifice ménager. A l’image de madame Maïga Nana Touré, caissière à la Banque malienne de Solidarité (BMS), elle et son mari ont eu l’idée de partager les charges du ménage.
“Mon mari s’occupe du prix des condiments et de l’éducation de nos enfants. Moi je m’occupe des factures d’électricité et d’eau. En plus, souvent, je complète le prix de la popote au cas où il y a beaucoup de dépenses à faire”, explique-t-elle tout en concluant que toutes les femmes veulent le bien-être de leur foyer.
Même les femmes avec un revenu moyen contribuent d’une manière ou autre aux charges du ménage, confie Safiatou Sidibé, vendeuse ambulante. “Mon mari est à la retraite depuis 5 ans donc son revenu ne nous permet pas de vivre décemment raison pour laquelle, je me suis investie dans le commerce pour l’épauler. Dire que les femmes ne dépensent dans leur ménage, c’est les insulter”.
“Nous sommes complémentaires. Il n’est pas dit que l’homme peut avoir de l’argent tous les toujours. L’inverse peut se produire. D’une manière ou d’une autre la femme contribue aux dépenses du foyer. Même le fait d’acheter un cube Maggie pour relever le goût de la sauce, c’est une contribution”, nous a dit Mariame Douyon ménagère.
Ousmane M. Traoré
(stagiaire)
Dépenses ménagères :
Ce que supportent les chefs de famille
La vie à Bamako devient de plus en plus chère à cause de la crise. Il devient difficile pour les chefs de famille de joindre les deux bouts. Devant cette situation difficile, chacun doit s’impliquer donc pour partager la charge, affirme Oumar Mariko, un chef de famille.
A Bamako, nos chefs de famille supportent des dépenses plus qu’il n’en faut. Ils injectent de l’argent dans les dépenses d’alimentation, d’habillement, de logement, les dépenses pour la santé, la scolarité des enfants les frais d’électricité, d’eau et même pour les loisirs de madame et des enfants. “Notre salaire suffit à peine pour les charges de la maison, et souvent certains n’arrivent même pas à mettre les trois repas sur la table. Face à cette situation, beaucoup ont démissionné de leur charge et les femmes et les enfants sont laissés à eux-mêmes, chacun se débrouille comme il peut”, se plaint Mamoudou Bocoum, électricien.
Pour s’aider dans les dépenses, certains s’adonnent aux jeux de hasard pour avoir plus de gain. Comme c’est le cas de Samba Sidibé, enseignant qui passe ses journées à jouer à la loterie espérant gagner le jackpot. Mais, malheureusement, la chance ne lui sourit pas pour le moment. “Un jour, juste après les salaires tombés, j’ai retiré tout mon salaire à la banque. Direction, la salle des jeux. Avant même de rentrer à la maison, j’ai tout perdu et il ne me restait que 2000 F CFA en poche. Ce jour-là j’avais juré de ne plus jouer à la loterie, ce sont mes amis qui m’ont aidé avec des prêts pour que je puisse gérer les dépenses du mois”, dit-il.
La pauvreté gagne du terrain de jour en jour à cause de la cherté de la vie. Alou Traoré nous explique que cette cherté est due aux commerçants qui profitent de cette crise pour augmenter les prix des produits. Chaque jour les prix ne cessent de grimper.
Quant à Madiwaly Coulibaly, il préfère montrer l’exemple du chef de famille idéal pour ces enfants malgré que ce soit difficile. “Je n’ai qu’une petite famille à ma charge. Ma femme et moi-même avec nos quatre enfants. Pour le ménage, je dépense environ 200 000 F CFA par mois. Même si je ne gagne pas autant dans le mois comme salaire, je fais de petites affaires à côtés pour subvenir aux besoins de ma famille. Je suis électricien de fonction, mais je répare aussi les frigos et autres et après ma journée au boulot je fais des heures supplémentaires et je m’en sors bien”.
Par contre, pour les familles nombreuses, la situation est tout autre. Selon Bamoussa Bengaly, patriarche d’une grande famille : “un sac de riz de 100 kg ne fait pas 15 jours chez nous. Dans la famille Bengaly, chaque foyer s’occupe de son petit déjeuner et du dîner. Mais pour le déjeuner, toute la famille mange ensemble. La facture d’eau et d’électricité est toujours au-dessus de 60 000 F CFA. Les femmes sont obligées de participer pour l’habillement des enfants sinon on ne peut pas tout gérer, c’est beaucoup trop pour nous”.
La plus grande partie des revenus des chefs de famille aujourd’hui est consacrée aux dépenses ménagères. Mais la vie devient de plus en plus difficile et la pauvreté gagne une grande place dans les familles à Bamako et à l’intérieur.
Zeïnabou Fofana
Mohamed Keita, Doctorant en Droit
“La femme peut contribuer aux charges, mais à titre facultatif“
L’homme et la femme se battent côte-à-côte dans certaines familles pour l’équilibre et la stabilité du foyer sur le plan financier. Mohamed Keita doctorant en Droit et collaborateur d’avocats nous édifie sur la question.
“Au Mali, l’article 385 du Code des personnes et de la famille (CPF), prévoit différents régimes matrimoniaux. Le régime de la séparation des biens (régime légal), et les régimes communautaires (le régime de la communauté réduite aux acquêts, la communauté universelle et les autres communautés convenues entre les époux).
Le régime matrimonial relève du choix des époux en principe. Toutefois, selon l’article 388 du CPF, les époux, dans un mariage polygamique, sont soumis automatiquement au régime légal de la séparation des biens. Par contre les époux qui ont opté pour la monogamie ont la faculté de choisir un des régimes de communauté des biens suscités.
Par ailleurs, l’article 319 du CPF prévoit la possibilité pour la femme de contribuer aux charges du ménage, mais à titre facultatif. La contribution des époux peut être effectuée en espèce, voire en nature selon l’article 318. Ainsi la femme au foyer contribue le plus souvent en nature notamment avec les travaux domestiques“, explique Mohamed Keita.
Propos recueillis par
Koureichy Cissé
Dépenses familiales :
Salimata Traoré, une femme dévouée aux côtés de son mari
Mariée avec Pascal Diarra depuis plus de 25 ans, mère de deux garçons, Salimata est sur ses pieds nuit et jour pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille. Vendeuse ambulante de chaussures, elle fait tout son possible pour aider son époux à prendre les dépenses de la maison. “Quand on parle de mariage, on parle aussi d’entre-aide, le mariage n’est pas uniquement l’union”, affirme-t-elle. Son mari, en invalidité de travail depuis très longtemps, elle fait tout son possible pour que sa famille ne manque de rien. Salimata devenue depuis quelques années la dame à tout faire de sa famille, mène un commerce de chaussures après ses tâches ménagères pour nourrir la maison. Pour elle, si son mari était valide, elle n’allait pas donner assez d’importance aux efforts qu’il fournit. “Je me plaignais beaucoup avant, en plus je demandais toujours plus à mon mari”, affirme-t-elle.
Une vie de combattante
Chaque jour, avant d’entamer le combat qu’elle mène pour aider Pascal, Sali s’occupe d’abord de ses tâches ménagères. “Depuis 4h du matin, je me réveille pour préparer le petit-déjeuner, le déjeuner, arranger la maison et m’occuper de mon mari. C’est après tout cela que je prends la route pour aller vendre”, explique Sali.
Chaussures en main, une baignoire en plastique rempli de marchandise sur la tête, sous le soleil, des gouttes de sueur s’échappent de son front, le combat quotidien de Salimata commence. “Diarra, aujourd’hui, j’ai des nouveautés. Les commandes que j’avais faites sont arrivées”, dit Salimata à un client. Toujours motivée et souriante avec ses clients, elle explique que souvent elle sourit avec certaines personnes sans même avoir envie, parce qu’il y’a des clients qui prennent les marchandises sans payer. “D’autres aussi achètent dans l’espoir de me séduire”, ajoute-elle. Salimata, précise qu’elle est motivée certes par la volonté d’assurer un avenir de ses enfants, mais c’est à cause de l’amour et la peine qu’elle a pour son mari.
Peu importe la fatigue, l’importance pour elle, c’est de pouvoir vendre un certain nombre de paires de chaussures et de pouvoir répondre aux besoins de sa famille. Comme dans tout combat il y a des moments qui sont difficiles. Malgré toutes ses difficultés, Salimata arrive à surmonter et devient encore plus forte après chaque épreuve. “Dès fois, tellement que ça devient difficile, j’ai envie de renoncer, mais quand je pense à mes enfants ou à mon mari, je redouble d’effort et je fais beaucoup plus”, confie-t-elle.
Hamady Sow
Mali Tribune