Une étude réalisée en 2009 estimait à 575.000 tonnes par an la production nationale, toutes variétés confondues. Seulement 8.673 tonnes sont transformées
«Des clients dénoncent chaque jour la qualité de mes mangues. Pourtant, c’est grâce à cette activité que j’arrive à tirer mon épingle du jeu, notamment en cette période très difficile financièrement. » Fatoumata Kéïta, vendeuse de mangues à Kati depuis cinq ans, se plaint ainsi de la mévente actuelle de ce fruit très prisé. «Car, j’ai des difficultés à trouver des mangues de qualité. Pour m’approvisionner actuellement en mangues, je fais le tour de trois à quatre vergers. Après ce périple, je me retrouve avec des mangues que personne n’achète. C’est la mévente», enchaîne-t-elle, l’air désarçonnée.
Comme elles, la plupart des commerçantes qui ont fait du commerce de mangue leur activité génératrice de revenus de premier ordre, sont confrontées à cette situation. Cela, chaque année vers la fin de la saison des mangues. Parmi elles, figure Awa Diarra. Elle aussi se plaint de ne plus pouvoir écouler ses fruits vedettes.
En cause l’anthracnose. Cette maladie fongique dont est atteinte la mangue généralement pendant la floraison et tout au long de la formation, entraîne souvent une décomposition rapide. C’est une maladie favorisée par les piqûres d’insectes comme les mouches qui offrent une porte d’entrée idéale pour l’installation du champignon dans le fruit.
Cette situation pose la problématique de la transformation de la mangue, visiblement chère à Wa Diarra. Pour elle, grâce aux technologies innovantes, la mangue peut être transformée en produit séché, en confiture, en jus et même en purée pour permettre sa conservation et sa commercialisation à long terme. «En la transformant en mangues séchées, elle peut être conservée plus longtemps et même être commercialisée hors de notre pays», soutient la vendeuse de mangues à Kati. Elle déplore le manque de formation et de moyens financiers pour lancer son business de transformation de cet agrume.
Ces pertes qui constituent un manque à gagner énorme pour notre économie, peuvent être évitées s’il existe un créneau de valorisation de ce fruit, ajoute Alidou Kéïta. Pour ce propriétaire de verger, le potentiel disponible est immense, mais reste sous-exploité à cause du faible moyen technique, financier et en termes de formation adéquate. Il cite en exemple les grandes zones de production comme Sikasso où, faute de moyens, pourrissent des quantités importantes de mangues chaque année dans les plantations. Selon une étude du Programme compétitivité et diversification agricole (PCDA) réalisée en 2009, notre pays a un potentiel de production estimé à 575.000 tonnes de mangues par an toutes variétés confondues.
Au regard de cette potentialité, l’accès aux moyens de transformation par séchage, en jus et autres, offre des perspectives de revenus intéressants pour nos familles rurales. Ainsi, pour valoriser la filière, le gouvernement et ses partenaires au développement ont installé des unités de transformation dans certaines régions. Le but étant la création d’emplois et l’amélioration des conditions de vie des acteurs du secteur.
Le Projet d’appui à la compétitivité agro-industrielle au Mali (Pacam), initié à cet effet par le ministère de l’Agriculture, entre dans le cadre d’une stratégie gouvernementale visant la valorisation de l’agriculture commerciale. Ses composantes 1 et 2 s’intéressent à l’augmentation, la transformation, l’exportation de mangues et à la consolidation de l’accès aux zones de production de mangues. Financé par la Banque mondiale et le gouvernement, il appuie techniquement et financièrement les acteurs de la filière en matière de transformation.
Grâce à ces appuis, la quantité de mangues transformées est estimée à 8.673 tonnes au sortir de la campagne 2019, selon le spécialiste des filières et alliances productives du Pacam. Cette quantité est repartie ainsi qu’il suit : mangues séchées (75,369 tonnes), transformées en purée (6.910 tonnes), en concentrée (1.681 tonnes), en confiture (2,7 tonnes), en nectar (3,56 tonnes) et en sirop (1,3 tonnes), détaille Aliou Kassogué.
Le projet est, selon lui, très regardant sur la qualité de la mangue transformée. En la matière, la priorité est donnée à la préservation de la santé des consommateurs. «Les mesures d’hygiène et sanitaires sont respectées au niveau des unités de transformation membres de l’Interprofession et qui sont officiellement enregistrées au niveau de cette structure faîtière», assure-t-il. Aussi, chaque unité de transformation rédige un diagramme de fabrication comprenant les opérations unitaires de fabrication selon leur succession dans la confection du produit, ajoute l’expert, précisant que les industries ayant déposé des demandes au sein du Pacam et évaluées par lui sont estimées à une trentaine. à chaque étape, poursuit notre interlocuteur, tous les intrants nécessaires sont spécifiés, les quantités à utiliser détaillées.
En dépit de ces efforts, ces unités installées qui sont insuffisantes en nombre et en capacité installée, ne transforment qu’une infime quantité de mangues fournies par ces grandes zones de production, ce qui interpelle les acteurs de la filière. Un paradoxe si l’on sait que ces industriels sont souvent confrontés, eux aussi, à la mévente des produits finis qu’ils mettent sur le marché national.
Anne-Marie KEÏTA
Source : L’ESSOR