Alors que la pandémie de coronavirus s’accélère au niveau mondial et que le pic n’est pas encore atteint selon l’OMS, avec des flambées aux États-Unis, en Amérique latine et en Inde notamment, la situation en Europe de l’Ouest, durement frappée il y a quelques mois, semble globalement sous contrôle pour le moment. En France métropolitaine, le virus circule, mais à des niveaux bas, indiquent les autorités. La vigilance reste cependant de mise.
En France, environ 500 nouveaux cas de coronavirus sont identifiés par jour. Si l’on retranche les cas recensés en Guyane où l’épidémie est intense, ce chiffre avoisine les 300. Ainsi, on est loin des statistiques du mois d’avril, où d’ailleurs seuls les cas graves étaient testés : le nombre de cas quotidiens positifs était alors 10 fois plus important.
Cependant le virus est toujours là, il continue à circuler sur le territoire. La stratégie mise en œuvre consiste à le traquer, pour éviter un rebond épidémique ; il faut repérer et tester les contacts des personnes infectées, afin de briser les chaînes de contamination.
Une attention particulière est portée aux clusters – un cluster est défini par la survenue d’au moins 3 cas, dans une période de 7 jours, et qui appartiennent à une même communauté ou ont participé à un même rassemblement de personnes, précise l’agence Santé publique France (SPF). L’enjeu est de circonscrire dès que possible ces foyers, qui sont comme des départs de feu, pour éviter qu’ils ne se répandent et deviennent incontrôlables.
Au 1er juillet, 284 clusters (hors Ehpad et milieu familial restreint) ont été identifiés en France métropolitaine, selon SPF. Ils concernent principalement des établissements de santé (25%), des entreprises (17%), des établissements sociaux d’hébergement et d’insertion (14%), et le milieu familial élargi (plusieurs familles – 12%). La plupart sont maîtrisés ou clôturés, indique SPF, mais un tiers des clusters est en cours d’investigation. En Ehpad, 101 clusters ont été dénombrés depuis le 9 mai. Ainsi des personnes infectées et des clusters sont repérés, mais combien ne le sont pas ? C’est toute la question.
Le problème est épineux, car il s’agit notamment de détecter des personnes sans symptômes : on estime qu’environ 30% des personnes infectées par le nouveau coronavirus n’ont pas de signes cliniques, mais sont potentiellement contagieuses. Pour éviter qu’un nombre significatif de cas passent inaperçus, il faut tester massivement. Au début et au pic de l’épidémie, les autorités françaises ont été très critiquées pour n’avoir pas pu tester suffisamment. Quelques semaines plus tard, au moment du déconfinement, le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran avait annoncé qu’il serait possible de faire 700 000 tests par semaine. Pour l’instant environ 250 000 tests sont réalisés par semaine. Pour les autorités, la situation épidémique justifie que l’on n’atteigne pas les 700 000 tests hebdomadaires disponibles.
Cependant, les autorités sanitaires vont expérimenter une vaste campagne de dépistage dans des zones d’Île-de-France, une région qui a été très touchée, et où des clusters ont été repérés récemment. Objectif : identifier des clusters « dormants », c’est-à-dire avec des personnes sans symptômes. Reste que pour certains spécialistes, il faudrait tester davantage encore pour avoir un aperçu plus précis de la situation, détecter les cas au plus tôt et limiter ainsi au maximum la propagation du virus.
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Analyse des eaux usées
Pour repérer une éventuelle résurgence de l’épidémie, une autre piste émerge : l’analyse des eaux usées. « Environ 10 % des cas de Covid-19 présentent des troubles gastro-intestinaux, notamment une diarrhée ; de plus, les porteurs asymptomatiques ou peu symptomatiques potentiellement contagieux éliminent momentanément le virus dans leurs selles (jusqu’à 30 à 50%) » rappelle l’Académie de Médecine. Des traces du virus (inactivé) peuvent donc se retrouver dans les eaux usées. L’institution recommande de les mesurer dans les stations d’épuration comme cela a été réalisé dans des agglomérations de plusieurs pays (Espagne, États-Unis, Pays-Bas, Italie et France – un projet de recherche est mené à Paris). En effet, la quantité retrouvée est « corrélée à la courbe épidémique, précédant l’arrivée de la vague, suivant son ascension et diminuant fortement avec sa régression », indique l’Académie de Médecine. Cet indicateur pourrait donc être un vrai signal d’alarme.
Pour l’heure, au vu des chiffres, il n’y a pas de rebond épidémique. Cependant, il faut « se préparer à une reprise de l’épidémie, voire à une deuxième vague », indique Jérôme Salomon, numéro 2 du ministère de la Santé dans une interview au quotidien Le Figaro mercredi 8 juillet. « Nous ne savons pas tout sur le comportement saisonnier de ce virus qui circule toujours », rappelle-t-il.
L’Allemagne, l’Espagne, le Portugal ou encore l’Angleterre ont dû reconfiner des villes, des quartiers, des cantons, ou des régions parce que la situation y devenait difficilement contrôlable. En France, un rebond est donc probable, dès cet été, ou à l’automne. Les comportements se sont relâchés dans la population, et la vie a repris un cours plus normal. Le virus se répand peut-être à bas bruit chez des personnes jeunes avec peu ou pas de symptômes, et il faut le temps qu’il dissémine auprès d’un nombre critique de personnes fragiles, pour que ce rebond éventuel devienne visible. Les jours et semaines qui viennent diront si la 2e vague était en gestation.
RFI