«Je n’ai plus de marge de manœuvre. A la CMDT, on n’y peut rien. Ce que nous avons eu, c’est la même chose que les autres sociétés cotonnières ont proposée aux cotonculteurs, mais l’Etat est intervenu comme un autre point d’appui aux producteurs… » Ces propos sont de Baba Berthé, président directeur général de la Compagnie Malienne pour le Développement des Textiles (CMDT). Il nous les a confiés le 1erjuillet 2020 par téléphone, suite à nos publications sur la situation de la culture du coton cette année dans notre pays.
Nous sommes aux environs de 12 heures 30 minutes ce mercredi 1erjuillet 2020. Un numéro privé nous appelle. « Oui Allô ! Bonjour ! Vous allez bien ? C’est Baba Berthé de la CMDT », a-t-il réagi au moment où nous avons décroché le téléphone sans savoir celui ou celle qui était à l’autre bout du fil. Après les salutations, le PDG poursuit : « Il n’est pas dans mes habitudes d’appeler un journaliste, parce que je ne lis pas les journaux. Mais quand on m’a apporté votre journal, j’ai pris le soin de bien le lire et j’ai vu le nom ‘’BALLO’’ comme Fondateur et Directeur de Publication. Je me suis dit que vous devez être un parent. C’est pourquoi, je vous appelle pour vous donner des informations nécessaires que vous ne savez certainement pas. »
Dans ses explications, Baba Berthé a souligné que le prix de base du coton tourne autour 200, 210 francs CFA le Kilo. « Pour quelqu’un qui a l’habitude de vendre son coton l’an dernier à 255, 265 ou 275 francs CFA le Kilo, ce serait quand même un problème pour lui et j’avoue que j’avais le mauvais rôle d’aller annoncer ça à mes parents producteurs de coton. C’était vraiment douloureux. Mais, il y a des choses auxquelles on ne peut pas se soustraire sinon ce serait un signe de lâcheté. Quand ça se passe bien, on est là et quand ça se passe mal, on décline. Je ne suis pas du genre à partir sur cette base », a-t-il déclaré.
Un problème de représentativité !
Parlant de la démarche du gouvernement dans la gestion de la situation, le PDG de la CMDT affirme que l’État n’est pas revenu sur sa décision. « Ce n’est pas vrai. L’État n’est pas revenu sur sa décision. C’est une décision qui a été prise depuis le temps de Bakary Togola, président de l’APCAM, et c’était à Sikasso en décembre 2018. Mais, il y a un problème de représentativité au niveau des organisations des producteurs de coton. J’ai l’impression que c’est ce dysfonctionnement qui se répercute sur nos relations avec les producteurs. C’est-à-dire qu’ils ne reconnaissent plus ces anciens qui sont là, or nous autres, nous n’avons pas le choix, nous sommes obligés de travailler avec eux. Parce que s’il n’y a pas une autre procédure par laquelle on peut désigner d’autres représentants, nous sommes obligés de travailler avec les anciens. Aujourd’hui à Sikasso, comme à Fana, Koutiala et Kita, les gens ont tendance à nous dire : ‘’Mais, vous êtes en train de soutenir les anciens contre le changement.’’ Je leur ai dit : ‘’écoutez, si vous désignez même un enfant de 2 ans qui ne raisonne pas, si c’est lui votre représentant, j’ai l’obligation juridique et morale de travailler avec lui par respect pour les producteurs. Mais en attendant, il y a des choses dans lesquelles nous ne pouvons pas nous mêler, parce que ça ne fait pas partie dans la rigueur », a-t-il souligné.
« J’ai remplacé quelqu’un et quelqu’un me remplacera ! »
En ce qui concerne sa démission, Baba Berthé estime qu’il ne cherche nullement à se maintenant à son poste. « A chacun sa chance dans la vie. J’ai remplacé quelqu’un et quelqu’un me remplacera un jour. C’est comme ça la vie. Seulement il y a des gens qui cherchent à salir mon nom dans cette affaire », a-t-il ajouté.
Selon lui, trois jours après la rencontre avec le Premier ministre au cours de laquelle les représentants des producteurs venus pratiquement de toutes les localités, se sont levés et ont applaudi en disant : « Nous allons cultiver le coton ». « C’est après cela que les cotonculteurs de Yorosso ont opté pour zéro hectare de coton semé. Alors, j’ai dit que c’est une situation que je dois chercher à comprendre. C’est là où j’ai appelé à Yorosso et les gens m’ont dit : ‘’ Écoutez, nous nous ne voulons rien comprendre et nous prenons nos instructions auprès de l’Association ‘’Wuwuyétio’’ qui est basée à Wolobougou. J’ai appelé à Wolobougou pour en savoir plus et ils m’ont répondu : ‘’Grand frère, tu aurais dû passer par là. Tu es venu sans passer par Wolobougou’’ et je leur ai dit que j’étais avec leurs représentants quand même. J’étais avec le représentant de la confédération, j’étais avec celui de la fédération de Koutiala et je pense que c’étaient vos représentants. Ils m’ont répondu : ‘’ Non notre problème depuis 2014, ce sont les anciens’’ », a-t-il témoigné.
Problème de légitimité
Des explications de Baba Berthé, il ressort, certes, qu’il y a un problème de prix, mais l’autre problème reste la question de légitimité aujourd’hui des responsables de cotonculteurs. «J’ai dit à ce moment-là que je ne suis pas habilité à traiter ces genres de questions, mais celles qui relèvent de notre autorité je les transmets. Donnez-moi un message à transmettre à qui de droit. Entre-temps, le gouvernement a démissionné. Mais, j’ai envoyé l’intéressé chez le Premier ministre et il a été reçu », a-t-il déclaré.
Parlant du prix du coton et de la subvention, Baba Berthé laisse entendre : «Je n’ai plus de marge de manœuvre. A la CMDT, on n’y peut rien. Ce que nous avons eu, c’est la même chose que les autres sociétés cotonnières ont proposée aux cotonculteurs, mais l’Etat est intervenu comme un autre point d’appui aux producteurs. En titre d’illustration, je citerai le cas du Burkina. Vous savez qu’au Burkina, ils ont récolté cette année 464 000 tonnes et au Mali nous avons récolté 710 000 tonnes. Alors au Burkina, ils étaient autour de 200 à 205 francs CFA le Kilo, cette année, l’État a ajouté 35 francs CFA et ils sont à 240 francs CFA. Mais parallèlement, l’État s’est arrangé à adoucir le prix des intrants de façon exceptionnelle, parce que le Burkina ne subventionne pas les engrais. Actuellement, l’engrais est, je crois, à 14 000 francs CFA au Burkina et au Mali on est revenu à 11 000 francs CFA le sac. Vous savez comment ça s’est passé. Sur la base du plan de campagne agricole et au regard de la situation du marché international, aller jusqu’au niveau de l’an dernier, c’est que nous produisons à perte et cette perte doit-être supportée par quelqu’un, c’est soit la CMDT, soit les producteurs, soit l’État et je pense que l’État est le plus indiqué pour appuyer les secteurs qui sont affectés par les conséquences de la Covid-19», a-t-il ajouté.
Vu l’avancement de l’hivernage et avec l’avis de ses exports, le PGD affirmé avoir revu à la baisse la prévision de cette année à 400 mille tonnes. «Maintenant les 35 milliards que l’Etat nous a donnés, au lieu de verser le tout au trésor, nous allons reconvertir une partie en subvention sur les intrants. C’est ce que nous avons fait et qui a été validé par le Premier ministre. Tout ce travail, je l’ai fait avec la confédération et avec l’appui de mes collègues.»
C’est votre cousin qui le demande…!
En conclusion, le PDG de la CMDT nous confie : « Aujourd’hui, j’ai un objectif : c’est faire un travail dont les Maliens seront fiers ! »Pour lui, le problème n’est pas parce qu’il est trop tard pour cultiver le coton, mais plutôt parce que certains veulent empêcher les autres de le cultiver. «Je leur dis : écoutez, c’est votre cousin qui le demande, vous n’êtes pas obligés de cultiver le coton, mais ceux qui veulent le cultiver, laissez-les le cultiver. Chaque saison a sa potentialité et l’on ne peut pas dire de manière absolue que c’est trop tard pour cultiver le coton. Sachez seulement que le cycle du coton est de trois mois et que tout dépend de la pluviométrie », a-t-il ajouté.
Ousmane BALLO
Source : Ziré