L’exercice du pouvoir politique et ses mystères ! Un art hautement ardu à comprendre pour le commun des mortels. L’homme providentiel d’aujourd’hui peut être ultra impopulaire demain, et le contraire est vrai. Ibrahim Boubacar Keita, celui à qui le pouvoir allait si bien, presque du sur-mesure, est aujourd’hui aux yeux de beaucoup de Maliens, un président qui aura déçu les attentes les plus essentielles. Alors qu’en 2013, après la gueule de bois du coup d’Etat du 22 mars 2012, il était l’homme qu’il fallait à Koulouba.
Après les douloureux évènements consécutifs au putsch du 22 mars 2012, les Maliens étaient unanimes sur le fait que le pays avait surtout besoin d’une bonne dose d’autorité. Et ce, pour faire face au défi sécuritaire en restaurant la chaine de commandement inexistante à l’époque, et aussi et surtout, pour remettre la vertu au cœur de la gouvernance. Pour cela, Ibrahim Boubacar Keita, avec le charisme qui était le sien, et ses envolées lyriques à faire frémir tout Malien, semblait l’homme de la situation. Il fut élu sans conteste, plébiscité même. Au point que son challenger du second tour, SoumailaCissé, n’eut d’autre choix que de s’incliner et reconnaitre sa défaite. Ce dernier se rendit au domicile d’IBK accompagné de sa famille pour féliciter le futur président. Fait inédit en Afrique.
En 2013, les Maliens votèrent pour IBK, par conviction et non à la suite d’offrandes factices de billets roses ou de cartouches de thé. Jeunes et vieux, intellectuels et gens de la campagne, tous n’avaient qu’un même slogan à la bouche : IBK président ! Certains arguent que n’eut été le soutien de la junte militaire et de la classe religieuse, qu’il ne serait pas président, en tous cas, pas aussi facilement. Sur ce point, rendons à César ce qui revient à César. Le triomphe d’IBK ne souffrait d’aucune machination ou calcul politique. A l’époque, les Maliens voulaient réellement porter ce dernier au pouvoir car il semblait, et de loin, le candidat le plus intègre parmi tous les autres. L’espoir était au zénith, et ceux qui flirtaient avec les pratiques peu orthodoxes commençaient déjà à trembler de peur.
Hélas, un mandat plus tard, les attentes furent lourdement déçues. Malgré cela, il fut réélu en 2018, sans doute grâce à la machine électoraliste qu’il avait à sa disposition mais aussi parce que son challenger d’en face n’avait pas le charisme nécessaire pour le battre. SoumailaCissé souffrait aussi d’une image affreusement ternie par ses adversaires politiques.
Cependant, en 2013, très peu de Maliens auraient pu prédire qu’un mandat et deux ans plus tard, IBK se retrouverait contesté au point de faire face à une contestation populaire jamais observé dans ce pays. Et pour la première fois de l’histoire du Mali, l’on demande la démission d’un président démocratiquement élu. Il aurait déçu à tel point que même des alliés de la première heure se dressent contre lui. Aujourd’hui, le président IBK est très loin de l’image qu’il dégageait jadis, un homme à poigne qui n’a que faire des petits arrangements douteux. Aujourd’hui, son aura flétri à vue.
Et si le scénario inverse se réalisait ?
Certes, nous ne disposons pas d’une boule de cristal prédisant l’avenir. Mais pourquoi ne pas envisager le déroulement d’un scénario inverse dans un futur plus ou moins proche. Les Maliens élièrent un homme politique qui semblait avoir tout pour réussir et qui, au final, aura déçu beaucoup. Et ils ont rejeté celui-là qu’on traitait de tous les noms d’oiseaux car simplement n’ayant pas le charisme nécessaire. Sauf que ce dernier qui est en otage depuis plus de 100 jours, pourrait sortir de cette terrible épreuve avec une aura fortement ragaillardie. Surtout que le chef d’Etat en place en a perdu en cours de route. Donc, SoumailaCissé, que beaucoup donnaient pour fini politiquement, pourrait prendre sa revanche, et bénéficier d’un plébiscite semblable à celui d’IBK en 2013. Et comme au Mali, l’histoire n’est qu’un éternel recommencement, un tel scénario a son sens.
A moins qu’un parfait inconnu, fasse irruption sur l’arène politique, ou du moins un gros outsider, et occuper le fauteuil présidentiel.
Ahmed M. Thiam
Source: Inf@sept