Devenu leader d’une opposition hétéroclite, l’imam malien a montré qu’il pouvait mobiliser la rue contre le pouvoir. Reste à savoir ce qu’il compte faire de cette influence.
Les bras croisés, l’air grave, la barbe grisonnante, l’imam Mahmoud Dicko dirige la prière funéraire dans sa mosquée du quartier de Badalabougou, à Bamako. Quatre corps sont étendus devant lui en ce 12 juillet, quatre des onze victimes décédées lors des violences qui ont endeuillé les manifestations hostiles au président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) organisées deux jours plus tôt. Des fidèles, venus en nombre, portent les dépouilles jusqu’au cimetière tandis que des manifestants assurent la sécurité du cortège. Un calme relatif s’installe, le temps de dire adieu à ceux qui, il y a encore quelques jours, défilaient à leurs côtés, criant leur ras-le-bol du régime.
Le chef religieux s’attendait-il à ce que les événements prennent une tournure aussi dramatique ? Des mois durant, il avait assuré à ses interlocuteurs qu’il voulait à tout prix éviter un scénario à la burkinabè, au cours duquel des manifestants perdraient la vie et qui contraindrait le président à fuir le pays. Il l’avait répété aussi bien publiquement, lors d’interviews et de discours, qu’en privé, à ses fidèles et aux personnalités africaines venues le rencontrer. Mais le 10 juillet, troisième vendredi de contestation, Bamako a paru sombrer dans le chaos et le sang a coulé.
Autorité morale
Quel rôle joue précisément Mahmoud Dicko et jusqu’où peut-il aller ? Il est le visage le plus médiatique de la contestation, dont les membres se placent sous son autorité morale. L’ancien président du Haut Conseil islamique du Mali (HCIM) a en tout cas réussi à fédérer autour de lui un mouvement hétéroclite, où se côtoient marxistes et libéraux, socialistes bon teint et religieux. Ensemble, ils ont formé le Mouvement du 5 juin–Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), tous unis par une même colère contre le président malien, dont ils réclament le départ. Et en l’absence du chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, enlevé le 25 mars dans la région de Tombouctou, c’est Mahmoud Dicko qui mène la danse au sein de cette coalition de circonstance. Ses meetings rassemblent des milliers de personnes et ses diatribes font trembler le palais de Koulouba.
Jeune Afrique