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Dr Choguel Kokalla Maiga, président du comité stratégique du M5-RFP : « Le peuple malien ne veut plus être gouverné comme par le passé »

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Le peuple malien ne veut plus être gouverné comme par le passé ; ceux qui sont au pouvoir ne pourront plus gouverner le Mali comme par le passé ; le combat du M5-RFP n’est pas anticonstitutionnel ; le M5-RFP va examiner et avisera si le sommet extraordinaire de la CEDEAO propose une nouvelle donne de la sortie de crise au Mali… sont, entre autres, les points saillants qui sont ressortis  de l’interview exclusive que le Président du comité stratégique du M5-RFP, Dr Choguel Kokalla Maiga, nous a accordée en fin de la semaine dernière. Lisez l’entretien !   Le Pays : Le M5-RFP conteste, depuis plus d’un mois, le président de la République et demande sa démission. Qu’est-ce que vous lui reprochez concrètement ?

 

Dr Choguel Kokalla Maiga :  La réponse à votre question se trouve dans la façon dont le Président, lui-même, gère le pays. Pour rappel : lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 2013, il a trouvé sur la table un document qu’on appelle l’Accord préliminaire de Ouagadougou qui a été obtenu à travers de haute lutte par la CEDEAO. Ce document devait servir à stabiliser le Mali. Il reposait sur trois piliers essentiels : la nécessité d’organiser une élection présidentielle pour avoir un Président légitime ;   engager des négociations inclusives avec les mouvements armés soixante (60) jours après l’élection du nouveau Président ; et obtenir le désarmement et le cantonnement des mouvements armés. Mais dès que IBK s’est installé en 2013, un mois après, il a déclaré publiquement qu’il ne négocierait pas avec les rebelles. Il a donc trahi les engagements que le peuple malien a pris vis-à-vis de la CEDEAO, que lui-même a pris. Il est rentré dans les combinaisons, dans les jeux, dans la ruse jusqu’à ce que le Mali est tombé dans la catastrophe de Kidal lors de la visite de son Premier ministre Moussa Mara en 2014.

Aujourd’hui, près de 7 ans après son arrivée au pouvoir, nous avons 75 à 80% du territoire national qui échappent totalement au contrôle de l’État. Et si nous ne faisons pas attention, d’ici trois (3) ans, les 20 à 25 % du territoire qui restent vont être occupés par les mouvements terroristes. Ce qui est grave, l’entourage du Président a carrément pris le pays en otage. Il a installé un système oligarchique qui capte toutes les ressources de l’État, orienté toutes les administrations, désorganisé toutes les institutions. Il a désorganisé l’armée et a installé un système de corruption. Ce qui fait que toutes les ressources destinées aux secteurs essentiels notamment la défense et la sécurité sont essentiellement détournées. C’est tout cela qui fait aujourd’hui que les Maliens se disent que le fait que IBK soit élu ne fait pas des Maliens ses esclaves. Dans une démocratie, l’élection est un permis que le peuple donne à quelqu’un pour le diriger. Et s’il ne fait que causer du tort, le peuple lui retire son permis. Le peuple est souverain, il est au-dessus de la constitution.

IBK a provoqué la guerre civile au centre du Mali. Il a échoué dans la stabilisation du pays. Aussi, IBK ne fait que violer la constitution depuis qu’il est arrivé au pouvoir. La prorogation illégale du mandat des députés ; la violation, par les membres de la Cour constitutionnelle, du règlement intérieur de l’institution concernant la procuration pendant les présidentielles sont des exemples frappants. Aucune institution, à part le président de la République, ne fonctionne. Le gouvernement ne fonctionne pas, la Cour constitutionnelle est discréditée depuis 2018, la Cour suprême n’a pas de président depuis un an, la Haute cour de justice ne fonctionne pas, l’Assemblée nationale est contestée, le mandat du Haut conseil de la collectivité a pris fin depuis longtemps, le conseil économique et social ne fonctionne pas.

C’est tout cela qui nous a conduits à la conclusion que Ibrahim Boubacar Keita n’a plus les capacités intrinsèques de diriger le Mali.

IBK s’est mis hors de la légalité constitutionnelle. Il profite du fait qu’il y a des dispositions de la CEDEAO qui interdisent qu’un président démocratiquement élu soit demis de ses fonctions. Nous avons aussi expliqué à la CEDEAO que ce n’est pas parce qu’un Président est démocratiquement élu qu’il peut tuer son peuple. IBK a utilisé les forces anti-terroristes pour tuer les Maliens, les tuer dans la rue, dans les domiciles, dans les lieux de culte. Cela n’est pas acceptable. C’est pourquoi nous avons dit que nous ne pouvons pas accepter qu’il reste encore président de la République du Mali. Nous, nous ne voulons plus de lui comme Président. Il est totalement disqualifié et moralement, il ne peut plus être président du Mali. De tous les cas, le peuple malien ne va plus accepter Ibrahim Boubacar Keita comme président.

Beaucoup de Maliens, d’éminents juristes surtout, trouvent votre demande de démission du chef de l’État anticonstitutionnelle. Admettez-vous que votre combat viole la constitution ?

Beaucoup de ceux qui disent que notre demande est illégale sont endoctrinés par les propagandistes du pouvoir. Mais c’est ce qu’ils doivent savoir, la constitution n’est pas au-dessus du peuple. C’est le peuple qui est au-dessus de la constitution, comme a dit l’ancien président de la Cour suprême du Mali. C’est de la constitution que découle la légitimité.Et la légalité n’est que la fille de la légitimité. Le Président ne peut pas se prévaloir d’un arrêt de la Cour qui le déclare président pour se mettre au-dessus du peuple. Si le peuple a la preuve que le Président a trahi le Mali, il se lève et lui demande ce qu’il lui a donné : le pouvoir. On n’est pas en dehors de la constitution. La désobéissance est un article prévu par la constitution pour permettre aux Maliens, lorsqu’ils sont pris à la gorge par un pouvoir, de se désolidariser de lui et le faire  débarquer. C’est un droit constitutionnel.

Et le mémorandum ?

L’imam Mahmoud Dicko avait sollicité et obtenu du M5-RFP un compromis qui consistait à laisser IBK Président de la République en contrepartie, il renonce à tous les instruments du pouvoir avec lesquels il est en train de nuire à notre pays. C’est pour cela nous avons élaboré le mémorandum dans lequel nous avons posé les conditions d’une transition pacifique, démocratique avec lui à la tête du pays. Cela nous permettrait de réorganiser le fonctionnement de l’État, de reprendre les institutions à main pour que notre pays retrouve la voie de la stabilité. Mais il a refusé cette option aussi. Donc maintenant, il n’y a pas d’autres solutions que de se battre jusqu’à sa démission.

Et s’il accepte ce mémorandum aujourd’hui ?

C’est un débat qui va être posé au M5-RFP. Mais pour l’instant, nous avons jugé caduc le mémorandum dès qu’il l’a refusé et nous sommes retournés à la démission. S’il y a une nouvelle donne, le M5-RFP va examiner et avisera. Pour l’instant, nous maintenons la démission et c’est la seule arme que nous avons. C’est l’arme nucléaire que nous avons contre IBK parce qu’à chaque fois nous avons renoncé à la démission pour faire des accords politiques, il joue ; chaque fois il a l’assurance que sa démission n’est plus exigée, il ne négocie plus. Nous n’allons plus lâcher l’arme de la démission jusqu’à ce qu’il parte.

Après l’échec des deux premières missions, une troisième mission de la CEDEAO composée de Chefs d’État était au Mali et a discuté avec vous. Selon certaines sources, ces chefs d’État de la CEDEAO étaient dans les dispositions d’entériner les recommandations faites par les deux précédentes missions. Est-ce vrai ?

Je pense que les deux premières délégations de la CEDEAO ont fait une mauvaise analyse, ont fait un mauvais diagnostic de la situation du Mali et ont prescrit des mauvaises solutions. Ces solutions sont d’abord en contradiction totale avec notre constitution, la même constitution que la CEDEAO prétend respecter en maintenant IBK au pouvoir, il la viole allégrement. Nous avons démontré cela. Ce n’est pas d’ailleurs pour rien que l’ensemble de la magistrature du Mali a rejeté ces propositions. Ces deux missions de la CEDEAO ont ramené le problème du Mali à un problème de 2etour de l’élection des députés et à un problème du gouvernement d’union nationale. Nous avons dit aux Chefs d’État que nous sommes confrontés à une crise de gouvernance. L’élection des députés n’a été que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Mais le M5-RFP a été clair avec les chefs d’État. L’imam Dicko a dit à ces présidents que IBK est en train de détruire le Mali et nous ne l’accepterons pas. Il a dit que le peuple malien n’acceptera pas que les chefs d’État de la CEDEAO viennent imposer au peuple malien un Président qui s’est discrédité, qui s’est délégitimé, incompétent, qui a instauré un système oligarchique et qui tue ses citoyens. Notre autorité morale a ajouté que le peuple malien préfère mourir en martyr que de trahir tous ces morts que IBK a occasionnés. Maintenant, on attend de voir ce qu’ils vont proposer. S’ils tirent des conclusions à l’issue de leur sommet extraordinaire, le peuple malien va regarder, le M5-RFP va regarder et nous allons continuer la mobilisation. S’il se trouve qu’il y a un accord politique, un compromis qui peut permettre de sortir de la crise, le M5-RFP avisera. Nous allons nous réunir, discuter et prendre une position. Mais il faut que ça soit très clair : le peuple malien ne veut plus être gouverné comme par le passé. Et ceux qui sont au pouvoir ne pourront plus gouverner le Mali comme par le passé. Je pense que les Chefs d’État de la CEDEAO doivent tirer les bonnes conséquences de cette situation.

Mais la CEDEAO dit que la démission du Président est leur ligne rouge. Et pour vous ?

C’est normal pour qu’ils défendent cette position. Mais nous leur avons dit que le fait d’être élu ne donne pas à IBK le droit de vie et de morts sur les Maliens. La démocratie, ce n’est pas seulement l’élection. C’est aussi la façon dont on gouverne. On leur a rappelé le fait que c’est la même CEDEAO qui a demandé à ATT de démissionner. Le fait que le Président démissionne n’est pas anticonstitutionnel. Ce qui est interdit par la constitution, c’est ce que le Président fait : installer la corruption, installer une oligarchie, les disparitions forcées des journalistes, les emprisonnements des hommes politiques… Nous avons tout expliqué aux Chefs d’État de la CEDEAO et nous comptons sur leur bonne compréhension. De toutes les façons, on est un État souverain : on ne peut pas nous imposer un président qui tue la population. On ne peut pas l’accepter dans notre pays.

Par  Boureima Guindo

SourceLe Pays

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