Bientôt c’est la fête de Tabaski au Mali. Tout comme la fête de Ramadan, l’Aïd-el-Kebir, prévue pour le 31 juillet, sera également célébrée dans un contexte particulier marqué surtout par la crise sanitaire de Covid-19.
C’est dans un contexte difficile que les Maliens s’apprêtent à célébrer la fête de Tabaski le vendredi 31 juillet prochain. Comme il est de coutume, d’importantes manifestations religieuses et sociales sont prévues. Mais compte tenu de la situation sanitaire et ses corollaires, l’Aïd-el-Kebir aura lieu dans une atmosphère morose notamment à Bamako qui a été ces dernières semaines l’épicentre des contestations sociopolitiques en plus de la crise générale sanitaire de Coronavirus. Déjà, à quelques jours de la fête, des signes avant-coureurs sont visibles.
La flambée du prix du kilogramme de la viande (entre 2 300 et 2 800 F CFA pour la chair de bœuf contre 3 000 F CFA pour la chair de mouton) sont des signes indicatifs et prémonitoires sur la hausse du prix des moutons à immoler le jour de la Tabaski. Une situation qui perturbe le sommeil de certains chefs de famille. “Je fais semblant d’ignorer l’approche de la fête. Jamais s’acheter un mouton pour la Tabaski ne m’a donné autant de cheveux blancs tellement les temps sont durs”, se lamente un chef de famille. “Pourtant tu as intérêt à te réveiller à temps car tu ne pourras pas te soustraire à cette obligation”, lui rétorque un ami sur un ton plaisantin.
La perspective d’une fête de Tabaski fade fait suite à une fête de Ramadan hachée. L’on se rappelle, le mois de ramadan a été fortement perturbé par les mesures restrictives liées à la Covid-19. La situation ne s’est pas améliorée à hauteur de souhait même après l’allégement de ces mesures. Certes, certaines activités ont repris, mais de façon très timide. Le malheur n’arrivant pas seul, la grogne politique s’est ajoutée.
A chaque manifestation, les commerces étaient fermés tandis que les activités connexes sont interrompues et que les services publics fonctionnaient au ralenti. Tel est ainsi le décor dans lequel les Maliens surtout les Bamakois s’apprêtent à célébrer la Tabaski. Pas vraiment un décor reluisant pour passer l’une des fêtes les plus populaires de l’Islam dans un pays à majorité musulmane.
Alassane Cissouma
VENTE PROMOTIONNELLE TABASKI:
Les moutons à des prix raisonnables pour la fête de l’Aïd El Kébir
Un engagement continu du département de l’Elevage et de la Pêche, à travers la Direction nationale des productions et des industries animales (DNPIA), l’opération a mis cette année sur le marché national des milliers de têtes de moutons dans les capitales régionales et le district de Bamako. Elle a pour but de permettre à la population de se ravitailler en moutons à des prix raisonnables pour la fête de l’Aïd El Kébir en empêchant autant que possible la surenchère.
A quelques jours de la fête de Tabaski, les consignes sont respectées en ce qui concerne la traditionnelle opération de vente promotionnelle des moutons. Dans différents sites de Bamako, on y constate des moutons à des prix qui conviennent au pouvoir d’achat du Malien moyen. Rappelons que les moutons sont en vente selon les fourchettes de prix. Le premier choix marqué à la couleur verte est proposé entre 100 000 à 120 000 F CFA, le deuxième choix marqué à la couleur jaune, entre 75 000 à 100 000 F CFA et le troisième choix marqué à la couleur rouge entre 50 000 à 75 000 F CFA. Permettre aux éleveurs d’avoir un bon revenu issu de la vente de leurs biens et assurer l’approvisionnement des régions et du district de Bamako en moutons de qualité et à un prix abordable, sont les objectifs spécifiques de cette opération qui dure, depuis quelques années.
Pour sa réussite, des points de vente désignés par le département en charge sont offerts gratuitement aux vendeurs sans aucune contrainte et accompagnés de mesures de sécurité sur les sites. Il faut signaler que ces animaux viennent des zones pastorales, ce sont les éleveurs eux-mêmes qui amènent leurs animaux aux lieux de vente et non les commerçants. Les animaux proviennent généralement des zones de projets mis en place par le gouvernement. À ces niveaux, dans les espaces pastoraux dotés de points d’eau, les animaux sont en liberté toute l’année, ils se nourrissent et boivent suffisamment, ce qui rend le coût de production moins élevé. Une fois les moutons acheminés, dans les sites, les éleveurs se voient appuyés par des agents techniques. Cet encadrement consiste à aider les éleveurs à classer les animaux par catégorie et à les marquer à la peinture, selon leur catégorie. Les éleveurs bénéficient également d’un appui en aliment bétail pour leur permettre de garder les moutons en forme avant leur vente.
Ibrahima Ndiaye
MARCHE DES MOUTONS
Les marchands soucieux du manque de clientèle
La Tabaski ou encore la fête des moutons est une fête musulmane célébrée chaque année au 10e jour du dernier mois du calendrier musulman, Dhoul al-hijja. Cette année, selon les constats, dans les marchés de bétail, une très faible présence des acheteurs est remarquée. La situation inquiète les marchands de bétail.
Dès l’entrée du marché de bétail de Sabalibougou, nous constatons une très faible affluence des clients. Les quelques rares personnes qui s’aventurent dans le marché sont fortement approchés par les vendeurs de bétail. Un vendeur aperçoit rapidement un client et l’aborde avec ces mots “patron, venez par ici, j’ai des moutons bien nourris et à des prix abordables”, tente de convaincre le marchand qui n’est pas seul dans la course. Tous les autres bergers veulent s’emparer du peu de clients qui viennent visiter le marché.
Cette faible présence est due aux différentes crises que traverse le pays, en plus précisément des récentes manifestations que le pays a connues.
Habib Denon, marchand de bétail et président du marché de bétail de Sabalibougou, explique que la maladie à Coronavirus a eu un impact considérable sur leurs commerces “le Covid-19 a été ressenti par tout le monde, mais c’est nous les vendeurs de bétail qui en souffrons le plus. Nos bétails viennent du nord, du centre et e vers Nioro du Sahel, mais les mesures restrictives nous ont empêché de nous approvisionnés à temps”.
L’interlocuteur ajoute aussi que les récents événements ralentissent, voir même empêche non seulement les commerçants de se rendre aux marchés, mais aussi les clients “nous appelons les acteurs de ces événements à tout mettre en œuvre pour que la fête puisse se faire dans la quiétude”.
Selon Denon, comme chaque année, le prix des moutons est fixé en fonction du prix des aliments bétail et son transport. Cette année, en plus de ces difficultés s’ajoutent aussi la crise sanitaire qui a presque mis à l’arrêt la plupart des activités et les récentes manifestations “avec la situation actuelle du pays, les clients peuvent s’attendre à une petite augmentation des prix”.
Pour Doumbia, marchand de bétail, les moutons sont classés en différentes catégories et ces catégories dépendent du poids des moutons. “Les plus petits sont vendus entre 35 000 F CFA et 50 000 F CFA, les moyens entre 75 000 F CFA et 100 000 F CFA et les plus gros sont cédés à 250 000 F CFA“, explique-t-il.
Hamady Sow
TABASKI:
Le ras-le-bol des chefs de famille
Tous les ans, la même chose chez la plupart des chefs de famille à Bamako. “Seli be ka kai gueleya la“, (La fête se prépare dans dureté), pour dire que le temps est dur et que les choses sont chères. Acheter des habits, pour les enfants, les épouses, les parents et souvent les frères et sœurs, acheter un mouton pour la fête et plusieurs autres articles. Les dépenses modérées d’une famille moderne peuvent être estimées à 300 mille F CFA pour la seule fête de Tabaski. Cette année, beaucoup de chefs de famille se plaignent.
“Franchement cette année, la vie est trop chère et il n’y a pas d’argent. Les dépenses aussi sont énormes. La fête de Tabaski, cette année sera l’une des plus difficiles”, s’indigne Oumar Diarra, commerçant au marché Rose de Bamako.
“Les difficultés ont commencé avec la maladie à Covid-19. Cette pandémie a fermé les frontières et a carrément stoppé le commerce à tous les niveaux, d’abord international et aussi national. Donc nos articles n’ont pas du tout marché”, a relancé M. Diarra avant de s’interroger, “on ne sait même pas comment on va fêter la Tabaski cette année” ?
“Sans te mentir, je ne compte pas fêter cette année. Je suis chef de famille, père d’une fille. J’ai été obligé d’envoyer ma femme et ma fille en brousse à Ségou près de la maman. Je suis enseignant dans le secteur privé. On a duré sans salaire. Je n’avais aucune autre solution. La maladie à Covid-19 a fermé les enclos de l’école. Seules les classes d’examen fonctionnent. Je me débrouille petit à petit à subvenir à l’essentiel, payer mon loyer, manger et envoyer quelque chose à la maman et sa belle-fille. Pour cette fête, seule ma fille aura peut-être sa petite robe pour ne pas pleurer. Ma mère et ma femme pourront comprendre”, a martelé un enseignant du secteur privé à plus quatre mois de chômage. Il a préféré garder l’anonymat.
Abonnant dans le même sens, un autre fonctionnaire d’état a confié sa douleur d’avoir en sa charge une vingtaine de personnes. “Bon, le Mali c’est ça aussi hein. Quand on gagne un peu, les autres membres de la famille portent leur regard sur toi. C’est une obligation morale. Il faut le faire. C’est ce qui fait la beauté de notre société. Tous les ans, j’achète 3 moutons, 1 pour moi, 1 pour la famille de madame et un autre pour la maman. Des habits pour toute la famille, une vingtaine en tout et sans compter les petits appuis qu’on fait par-ci par-là”, a confié, I. Coulibaly.
Il a, lui aussi, confirmé qu’il n’a jamais vu la Tabaski coïncidée à une période aussi dure de toute sa vie. “Il y’a de plus en plus de gens, chefs de famille qui demandent des coups de main. Des amis, collègues de bureau et mêmes frères. Vraiment ça ne va pas au pays”, a soufflé, M. Coulibaly avant de prendre congé de nous.
Ladite fête malgré les difficultés énoncées de par-ci et par-là se fête sur toute l’étendue du territoire le 31 juillet prochain, selon un communiqué officiel. Nous devrons y faire face, mais le plus mieux serait de se dire que ladite fête n’est qu’une seule journée et qu’elle passera pour rejoindre les autres journées qui remplissent notre oubli. A y faire face avec modération et sans grande contrainte.
Koureichy Cissé
TABASKI
Pas d’engouement au grand marché de Bamako
Bientôt la fête d’Aïd El Kébir, les musulmans du monde entier se préparent pour cette occasion. A Bamako, les préparatifs ne vont pas bon train. L’insécurité et la crise ont émoussé l’enthousiasme des uns et des autres.
Le Marché rose, Grand marché de Bamako, vit déjà au rythme de la Tabaski. Ce grand centre commercial est déjà pris d’assaut. Les boutiques de Bazins, de prêts à porter… sont déjà prises d’assaut par les clients. Les vendeurs ambulants courent partout. Boubacar Diawara, vendeur de Bazin au grand marché témoigne : “pour bien satisfaire nos clients et leur offrir un large choix pour se faire belle, nous avons amené plusieurs motifs avec de belles couleurs en plus : Wifi (12 500 F CFA le mètre), princesse (15 000 F CFA le mètre), Getzner (de 6000 F CFA et plus le mètre), Véba etc. Tout le monde y trouvera son goût chez Diawara et frère”.
Dans les boutiques de prêt-à-porter, l’affluence n’est pas aussi forte selon, Lassine Berthé, car dit-il : “pour la fête de Tabaski, les clients préfèrent plus les Bazins. Tout le monde veut briller ce jour-là avec ses plus beaux Bazins et seuls quelques rares clients achètent les prêt- à-porter comme deuxième choix pour leur enfants ».
Malgré ces larges choix sur le marché, les clients se font rares. L’ambiance est morose à Bamako à cause de la vie chère et des différentes tensions qui règnent. A quelques jours seulement de la fête de Tabaski, nous avons fait le tour du Marché Rose de Bamako, l’atmosphère montre que les Bamakois ne sont pas très enthousiastes pour les préparatifs.
“Cette année, on fêtera la Tabaski dans la crainte et la cherté. Avec cette situation d’insécurité, on ne travaille pas et on ne gagne rien. A peine si on arrive à avoir le prix du bélier qu’on va sacrifier. C’est à cause de cette cherté que les clients se font rares au marché”, témoigne Amadou Diarra.
Les commerçants sont inquiets et craignent de ne pas pouvoir écouler les marchandises avant la fête, surtout les vendeurs ambulants, qui sont pour la plupart des élèves et étudiants qui profitent de cette occasion pour se faire un peu de sous.
Zeïnabou Fofana
ATELIERS DE COUTURE
Malgré la Covid-19, on s’en sort mieux
La menace de Covid-19 qui règne depuis quelque mois n’a pas mis un frein aux préparatifs de la fête de Tabaski à Bamako. Ainsi certains ateliers de couture sont inondés depuis le début du mois afin de satisfaire la demande de sa clientèle, tel est le constant chez Mme Keita Fatim Sissoko, promotrice de Tendance couture.
A quelques jours de l’Aïd El Kébir les ateliers de couture sont bondés de clients. A 9h dans l’atelier de couture chez Mme Keita règne un désordre de fou. Les morceaux de différents tissus sont éparpillés par terre et les couturiers sont à pieds d’œuvre pour satisfaire la demande clientèle pour l’occasion.
Selon la promotrice, rien n’a changé dans les habitudes de sa clientèle malgré la menace de Covid-19 qui secoue le monde entier. “Nous sommes envahis depuis le 1er de ce mois afin de satisfaire nos fidèles clients qui sont vraiment ponctuels. Depuis ce jour jusqu’à maintenant, on peut coudre une vingtaine de tissus de différents sexes. Par ailleurs, à une semaine de la fête on ne prend plus d’habits dont il est difficile d’honorer le rendez-vous. On ne sent pas trop la menace du Covid-19 malgré les mesures préventives. On sent s’en sort du mieux qu’on peut”, nous souligne Mme Keita Fatim Sissoko.
À la devanture de son atelier la réceptionniste reçoit différents clients qui viennent déposer ou chercher leurs habits, en respectant les différentes mesures sanitaires.
Elles vérifient avec précaution et soin les colis reçus à tour de rôle et il n’y a aucune plainte par rapport aux délais du rendez-vous.
Mariam Diarra une cliente fidèle nous explique : “je suis une fidèle cliente depuis 2 ans maintenant et les habits sont cousus à hauteur de souhait, car le travail est bien fait et de manière dont je leur demande tout en respectant surtout les rendez-vous fixés. Les prix sont aussi abordables”.
Si d’autres s’en sortent bien malgré l’ampleur de la crise sanitaire, certains n’arrivent pas trop à réussir, ni honorer leurs rendez-vous.
“Habituellement mon atelier est envahi à la veille de la fête de Tabaski. Mes employés sous pression travaillaient de jour comme de nuit pour éviter d’éventuelles disputes avec les clients. Mais, cette année, ce n’est aussi que ça. J’arrive à peine de coudre quinze tenues. Et cela est visiblement dû à la situation sanitaire et aux différentes manifestations que la population bamakoise vit tout récemment”, nous confie Amadou Samaké tailleur en Commune IV du district de Bamako.
Avec cette affluence, il n’y a aucun risque de dispute entre tailleurs et clients.
Aïchatou Konaré
Salon de coiffure :
Les clients se font désirés
A cette approche de la Tabaski, les salons de coiffure n’ont pas de clients enregistrés pour la fête.
Avec la crise sanitaire, les salons réduisent leurs clientèles pour réduire les risques de contamination et le respect des gestes barrières.
Le salon de coiffure d’Adeline pouvait se retrouver avec 40 clients par jour. Ce qui était bien pour son chiffre d’affaire. Avec la pandémie, la donne a changé. Il faut s’adapter. “Avec la pandémie, nous avons réduit nos clients pour plus de vigilance et tout le personnel est muni de gants et de masques. On offre des masques et gants à nos clients à l’entrée de notre salon pour qu’ils se sentent protégés et en sécurité”.
Chez “Rose coiffure” les commandes de perruque ne manquent pas pour la fête, pendant que d’autres veulent se coiffer, d’autres préfèrent les perruques. “La plupart de mes clientes commandent des perruques, et elles exigent la qualité. Celles que j’ai en ma possession présentement ne les conviennent pas. J’ai été obligée de passer des nouvelles commandes au Sénégal et à Abidjan”, dit-elle.
A Bamako, les clients regardent la fête du coin de l’œil. Les salons sont bondés ces jours les jeudis et dimanches. Ces habituées viennent pour une mise en beauté pour les mariages. Les autres jours c’est pour les baptêmes et autres cérémonies ordinaires.
Sira Diarra
Source: Mali Tribune