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Mali: Le nouveau ministre de la Justice Me Kassoum Tapo avait dit: « La surfacturation n’est pas un crime ! »

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Me Kassim TAPO

Après la découverte, par le Vérificateur Général et la section des comptes de la Cour Suprême, de surfacturations massives de 29 milliards dans le contrat d’armement conclu entre l’Etat et la société « Guo-Star SARL », les avocats de cette entreprise montent au créneau pour la défendre. C’était lors d’une conférence de presse tenue, le vendredi 24 octobre 2014, au cabinet de Maître Kassoum Tapo, qui avait à ses côtés son confrère Maliki Ibrahim.

L’exposé de Me Ibrahim

Dans son exposé, Me Ibrahim révèle que « Guo-Star » est une filiale des « Etablissements Amadou Baïba Kouma S.A », un groupe geré par Amadou Baïba Kouma et spécialisé, depuis 1997, dans la fourniture de matériels militaires au Ministère de la Défense. « Guo-Star » et les « Etablissements Amadou Baïba Kouma S.A » sont des partenaires historiques du ministère dont ils ont exécuté plusieurs commandes. En Afrique de l’ouest comme du centre, des Etats sollicitent « Guo Star » pour leur livrer le même type de matériels qu’au Mali: véhicules, matériels, pièces de rechange, habits, etc.Le marché qui fait aujourd’hui polémique porte sur une valeur de 69 milliards de FCFA. Il fut conclu avec le ministère de la Défense puis domicilié dans trois banques maliennes: la BDM, la BMS et la Banque Atlantique. A ce jour, les commandes sont livrées à 85% sans que l’Etat ait payé le moindre franc : tout fut préfinancé par « Guo-Star » à travers des fonds mobilisés au niveau des banques. Selon Me Maliki Ibrahim, le marché est tout à fait régulier.

Les charges de Kassoum Tapo

L’ancien bâtonnier Kassoum Tapo explique que « Guo-Star » n’a pas obtenu le marché par hasard. Son premier responsable s’appelle Amadou Baïba Kouma. Sidi Mohamed Kagnassy, conseiller spécial démissionnaire du président IBK, n’est ni actionnaire, ni dirigeant de « Guo-Star ». Mais Kagnassy avait été, au départ, mandaté par « Guo-Star » pour signer avec le ministère de la Défense le contrat, ce qui explique qu’il ait signé avec la mention « PO ». Plus tard, Amadou Baiba Kouma a demandé et obtenu de signer lui-même le contrat: seul vaut donc le contrat portant la signature personnelle de Kouma. Tapo s’étonne que le contrat signé de Kagnassy se soit retrouvé dans la presse. Si Kagnassy a été choisi par Amadou Baiba Kouma au départ, c’est, selon l’avocat, parce que Kagnassy est un éminent ingénieur financier auquel le président IBK avait donné mandat pour rechercher des sociétés capables de fournir à l’armée malienne des équipements de qualité. C’est en vertu de ce mandat que Kagnassy s’est adressé à « Guo-Star ». Me Tapo trouve normal qu’IBK ait donné mandat à Kagnassy car ses pairs, Obama, Hollande et Merkel, ont aussi des conseillers pour les affaires militaires. Me Tapo considère que « l’affaire Guo-Star est une plaisanterie » à côté des milliards d’euros qui sont dépensés en armes dans les pays européens. Il révèle qu’en sa qualité de premier vice-président de la commission Défense de l’Assemblée Nationale sous la Transition, le ministre de la Défense de l’époque est venu lui annoncer, à lui et à ses collègues députés, avoir passé à un Ukrainien un marché d’armement de 11 milliards de FCFA; or, à ce jour, ces commandes ne sont pas livrées et nul ne sait où sont passés l’Ukrainien ni les 11 milliards ! « Si vous ne le saviez pas, le président IBK, lui, le sait ! », insiste Me Tapo.

Pour l’avocat, la question fondamentale est de savoir si le marché conclu entre « Guo-Star » et l’Etat est régulier et s’il a recu une exécution régulière. L’avocat juge que tout est régulier dans l’affaire. Prenant soudain un ton menaçant, il annonce avoir reçu mandat de poursuivre tout journaliste qui porterait atteinte à l’image de sa cliente. « Nous n’accepterons plus que quelqu’un fasse l’amalgame entre Sidi Mohamed Kagnassy et Guo-Star », tonne-t-il. Me Tapo souligne que le marché fut conclu sous l’empire du secret-défense prévu par l’article 8 du décret portant sur les marchés publics: « Le secret-défense existe partout dans toute la sous-région, y compris dans la règlementation de l’UEMOA. Avez-vous entendu parler de ce genre de marché dans d’autres pays ? Nous avons ici des contigents militaires de la CEDEAO: personne n’a entendu parler du marché lié à leur équipement. C’est parce que tous ces pays respectent le secret-défense ! ». Dès lors qu’un contrat se place sous l’égide du secret-défense, seule l’autorité contractante (le ministère de la Défense) peut, selon Tapo, en apprécier les clauses; le ministère a étudié et conclu le marché avec « Guo-Star » en toute liberté. Le contrat fait peser sur chaque signataire des obligations. L’obligation de « Guo-Star » est de fournir des équipements pour 69 milliards de FCFA et celle de l’Etat est de payer le montant convenu. « Guo-Star » a, selon son avocat, rempli son part de contrat à près de 100%; le 20 octobre 2014, elle aurait fait dresser un constat par l’huissier de justice Ibrahim Berthé huissier : de ce constat, il ressort qu’une quarantaine de conteneurs remplis d’équipements militaires sont stationnés devant la « SOCOTRA », à Bamako, mais que le ministère de la Défense n’a pu les receptionner, faute de place dans ses magasins. Les véhicules légers qui ne sont pas soumis à autorisation sont déjà entièrement livrés au ministère; ceux qui sont soumis à l’autorisation de pays de transit sont actuellement stationnés à Dakar. « Guo-Star » détient une attestion de conformité des matériels achetés, lesquels furent dûment inspectés avant embarcation vers Bamako. « A ce jour, pas un centime n’est sorti des caisses de l’Etat dans le cadre du contrat; or, notre armée n’a pas été aussi bien équipée depuis l’indépendance ! Le Mali n’a jamais recu autant de véhicules et d’armes! », s’exclame Tapo. Il salue « l’ingénérie financière » qui a permis ce miracle et rend hommage au « patriotisme » de la Banque Atlantique, de la BMS et de la BDM qui ont mobilisé plus de 40 milliards de FCFA. « L’Etat a beau donner sa garantie, il ne paie rien si le matériel n’est pas livré, explique Tapo. Les trois banques maliennes, en tandem avec une dizaine de banques européennes, ont mis en place les crédits documentaires pour sécuriser la livraison des marchandises. La Banque Atlantique, leader du groupe de banques qui ont financé le marché, a fait preuve d’un professionnalisme extraordinaire en s’assurant que le client, « Guo-Star », a des fournisseurs compétents. Ces fournisseurs ne seront payés que lorsque la conformité des marchandises commandées est établie et que les marchandises sont livrées à Bamako. Les fournisseurs ont livré car ils ont reçu des banques l’assurance d’être payés une fois leurs obligations exécutées ».

Me Kassoum Tapo estime justifié le montant du marché: 69 milliards de FCFA.

Si le « prix fournisseur » est de 40 milliards, les 29 milliards supplémentaires représentent les frais, intérêts et bénéfices liés à l’opération. « On a jeté ces 29 milliards comme un os aux chiens, s’indigne l’avocat sans toutefois préciser qui sont ces fameux chiens. Les banques ne sont pas des philantropes; elles veulent faire des bénéfices. Leurs frais financiers atteignent ici au minimum 6 milliards. Il faut y ajouter les frais de livraison des équipements et la marge bénéficiaire de « Guo-Star », laquelle n’est pas une entreprise de bienfaisance ». Pour Tapo, les prix des biens et services sont libres sur toute l’étendue du territoire national. Donc, rien n’interdit à « Guo-Star » de réaliser des bénéfices de 29 milliards. « Cela peut paraître moralement dérangeant si estime que la société à beaucoup trop gagné; mais que le monde des affaires est ainsi fait. Ceux qui pensent que « Guo-Star » a commis une infraction pénale se trompent car la surfacturation n’est prévue par aucun texte malien ni, encore moins, par le code pénal. Aucun texte ne la réprime. Pour qu’il y ait surfacturation, il aurait fallu qu’il y ait une règlementation qui impose des prix: elle n’existe pas en l’occurrence. Ce marché a été exécuté et financé dans les règles de l’art. Notre ministre des finances a été exemplaire en l’espèce en négociant des paiements étatiques étalés sur trois ans. Les gens oublient souvent que cette dame est venue de la Banque Mondiale et qu’elle sait ce qu’elle fait!».

Abdoulaye Koné

Source: Procès verbal

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