La député-maire de la circonscription de Kintelé, au Congo, veut faire voter une loi abrogeant la polygamie dans la pays. Stella Mensah Sassou N’Guesso expose ici ses arguments pour en finir avec une tradition qui « fait de la femme une citoyenne de seconde zone ».
D’après les spécialistes qui ont observé la femme africaine pendant une bonne partie du XXe siècle, sa réussite sociale a partie liée avec le mariage et la maternité. Une telle perception permettait même d’envisager que la femme avait accédé à un statut social élevé parce qu’elle était devenue épouse et mère.
Devenir une épouse, même dans un foyer polygamique, était donc un accomplissement pour la femme. À l’époque, ce type d’union était justifié par la nécessité de sceller des alliances politiques, celle d’avoir une main d’œuvre – de femmes et d’enfants – suffisante pour les travaux champêtres ou encore celle de dispenser à l’homme les frustrations d’une abstinence post-partum prétendument longue.
Polygamie, à la gloire des hommes et aux dépens des femmes
En dépit de l’élévation sociale qu’un tel mariage confère à la femme, il constitue l’un des marqueurs majeurs de l’inégalité femme-homme en Afrique. Notre continent est le principal espace géographique mondial (en dehors de l’Asie et du Moyen-Orient) où il existe la polygamie.
LA POLYGYNIE, PAR LAQUELLE SEULS LES HOMMES ONT LE DROIT DE PRENDRE PLUSIEURS ÉPOUSES, FAIT DE LA FEMME UNE CITOYENNE DE SECONDE ZONE
En effet, sur 33 pays qui la pratiquent dans le monde, 25 se trouvent en Afrique. Ce qui pose problème, ce n’est pas l’existence de la polygamie en elle-même. Tout ceci devient problématique parce que la polygamie qui y prospère est davantage de la polygynie. En tant que telle, cette forme de polygamie, par laquelle seuls les hommes ont le droit de prendre plusieurs épouses, fait de la femme une citoyenne de seconde zone. En effet, les femmes n’ont pas droit, comme les hommes, de prendre plusieurs conjoints et d’ailleurs, elles ne le revendiquent pas!
En revanche, on se rend bien compte qu’en dépit de nombreux textes de lois et de règlement qui proclament, instituent et prescrivent l’égalité de tous devant la loi, les femmes et les hommes ne sont pas égaux devant le mariage. Tel est le cas de la République du Congo. En dépit d’un corpus législatif international, communautaire et national qui édicte le principe d’égalité des sexes, les femmes demeurent inférieures aux hommes dans le mariage, quelle que soit la forme de conjugalité, monogamique ou polygamique.
En effet, selon l’article 135 du Code de la famille, en cas de monogamie, les époux peuvent s’accorder pour que l’époux prenne une autre épouse. En cas de polygamie, seul l’époux a droit à une seconde épouse, voire davantage, jusqu’à quatre. Il n’existe donc pas d’égalité de genre qui induit, selon la Banque mondiale, les trois principes que sont : l’égalité devant la loi, l’égalité des chances et une opinion qui a le même poids qu’on soit un homme ou une femme.