Pour tenter de donner un caractère exécutoire à leurs propositions formulées lors de leur médiation de la semaine dernière à Bamako, les quatre chefs d’Etat qui ont mené cette mission au Mali, notamment Alassane Dramane Ouattara de la Côte d’Ivoire, Macky Sall du Sénégal, Nana Akufo-Addo du Ghana et Mahamadou Issoufou du Niger, ont fait adopter leur feuille de route par la Cédéao qui bande désormais des muscles afin de se faire obéir. Y parviendra-t-elle face à une opposition malienne restée sourde jusque-là à tout compromis qui ne se marie pas avec ses principes ?
Le terrorisme et la pauvreté, voilà l’ennemi principal du peuple malien. Créons donc les conditions pour que les Maliens concentrent leurs efforts dans la lutte pour sortir le pays des crises sécuritaire, sanitaire et économique.” Tels sont les propos du président du Niger, Mahamadou Issoufou, par ailleurs président en exercice de la Cédéao, en ouvrant ce sommet extraordinaire tenu par vidéoconférence. Pour lui, il faut aller vite, très vite pour éviter le chaos au Mali dans un contexte de menaces multiples dont essentiellement la guerre contre le terrorisme. “Le temps presse et les risques sont grands. N’oublions pas de tirer leçons du passé. N’oublions pas que l’effondrement des institutions maliennes en 2012 a failli ouvrir la voie au contrôle du pays par des organisations terroristes et criminelles. N’oublions pas que le Mali, comme les autres pays du Sahel et du Bassin du Lac Tchad, est en guerre, guerre qui est une des conséquences de la crise de 2012, prouvant ainsi que l’effondrement d’un Etat dans un pays, n’en fait pas payer les frais seulement à ce pays mais à tous ses voisins et même au-delà. Cette vérité est bien illustrée par la crise libyenne suivie de la crise malienne qui, toutes les deux, ont permis au terrorisme de prendre pied dans le Sahel” dit le Président Mahamadou Issoufou pour sensibiliser ses pairs sur la sensibilité et surtout l’importance stratégique de la résolution de la crise sociopolitique du Mali.
Il semble bien qu’il ait été entendu par les chefs d’Etat de la Cédéao qui prennent date avec l’histoire en franchissant un pas important vers la sortie de crise au Mali, non sans brandir le bâton après avoir tendu la carotte à plusieurs reprises, sans succès.
En effet, ce sommet extraordinaire des chefs d’Etat fait suite à une mission de bons offices de la Cédéao pilotée par l’ancien président du Nigéria, Goodluck Jonathan, et la médiation infructueuse menée par quatre chefs d’Etat la semaine dernière au Mali : Macky Sall du Sénégal, Alassane Dramane Ouattara de la Côte d’Ivoire, Mahamane Issoufou du Niger et Nana Akufo-Addo du Ghana.
Mais que valent les propositions de ces chefs d’Etat venus en médiateurs si elles sont automatiquement rejetées par les leaders de la contestation réunis au sein d’un mouvement qui s’en réfère à sa 1ère mobilisation réussie du 5 juin, pour se baptiser Mouvement du 5 juin- Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) !
Refusant de s’embourber dans l’arbitrage d’un dialogue de sourds pendant que la situation va de mal en pis au Mali resté deux mois sans gouvernement, la Cédéao a décidé de sortir le grand jeu, notamment en brandissant des menaces de sanctions, après avoir obtenu que les propositions de la Médiation deviennent des décisions prises par l’instance suprême de la Cédéao, notamment le Sommet des chefs d’Etat, par conséquent ont un caractère exécutoire.
Il en a résulté les six décisions importantes que voici :
1- La démission immédiate des 31 députés dont l’élection est contestée et l’organisation d’élections législatives partielles pour les circonscriptions concernées.
2 – La recomposition rapide de la Cour Constitutionnelle.
3 – La mise en place rapide d’un Gouvernement d’union nationale avec la participation du M5-RFP et de la Société civile. Les ministres en charge de la Défense, la Justice, les Affaires Etrangères, la Sécurité intérieure et les Finances peuvent être nommés avant la formation du Gouvernement d’union nationale.
4 – La mise en place rapide d’une commission d’enquête pour déterminer et situer les responsabilités dans les violences qui ont entraîné des décès et des blessés les 10, 11 et 12 juillet 2020, ainsi que les destructions des biens publics et privés.
5 – La mise en place d’un Comité de Suivi de toutes les mesures prises par le sommet de ce lundi, 27 juillet 2020.
6 – La mise en place par la Cédéao d’un régime de sanctions contre ceux qui poseront des actes contraires au processus de normalisation de la crise.
Accentuant la pression à la fois sur le pouvoir en place et sur les opposants contestataires, la Cédéao précise que l’ensemble des décisions et mesures ci-dessus devront être mises en œuvre au plus tard le 31 juillet 2020.
Reste à savoir si tout cela produira les résultats escomptés car la Cédéao joue sa crédibilité avec le cas du Mali, comme l’a si bien souligné le président de la Côte d’Ivoire, Alassane Dramane Ouattara, lors de son intervention pendant ledit sommet. Là, gît toute la question.
Amadou Bamba NIANG
Aujourd’hui-Mali