En voyant ce raout diplomatique depuis quelques semaines dans notre pays pour nous indiquer la voie de sortie de crise, je suis loin de me sentir fier de l’image qu’on offre ainsi par notre incapacité à nous parler au point de mobiliser le monde entier à notre chevet.
Qu’est-ce que tous ces émissaires viennent nous donner qu’on n’a déjà pas ? Ils viennent seulement nous dire de nous parler… de nous parler entre nous. Pas plus pas moins ! Que d’autres viennent demander aux enfants de parole de retourner se parler, cela frise le malaise pour celui qui connait la grandeur de notre pays bâti sur les valeurs de gradeur.
Qu’a fait la première mission de juin de la CEDEAO ? Qu’ont fait les partenaires étrangers de tous bords installés chez nous ? Qu’a fait la mission Goodluck Johnattan… ? Rien que nous demander de parler et de se parler … Hélas si ce sont des étrangers qui s’activent à nous rappeler ce simple reflexe, eux-mêmes qui nous prennent pour les parangons du dialogue, de l’entente et du vivre-ensemble. Est-on arrivé à cette extrémité de ne même plus pouvoir se parler pour avancer ? Je n’ose le croire car les ressors sociaux sont encore efficaces et les recours inépuisables. Alors qu’est-ce qui a manqué ? La parole et la vraie parole. Non pas le monologue de chacun dans son camp avec la présomption de la vérité absolue et la faiblesse de ne rien concéder de peur de perdre la face ou de renforcer l’autre. Cela n’est pas le Mali désiré. Nous sommes un peuple de dialogue ! Quand les griots transmetteurs de savoirs, le chantent, ils n’ont pas donné dans la vacuité… C’est très vrai, nous sommes un peuple de dialogue. Nous sommes des gens de la parole et de parole ! On parle et on tient parole. C’est nous qui avons inventé le Kurufanfuga pour se parler et s’entendre sur les principes du vivre-ensemble. Mandé Kalikan issu de la parole débutée à Dakadialan et achevée à Kurukanfuga, a fondé des liens de vie, soudé des communautés, cimenté des vertus, érigé des ponts et construit une communauté de destin. Le synankouya, érigé en principe dans cette charte emblématique, a scellé à jamais des pactes que ni le temps ni les contingences n’ont remis en cause.
C’est nous qui avons inventé le Toguna pour s’y dresser les passerelles qui mènent l’homme vers l’homme. Cette construction ouverte, dressée à la place publique a servi à prévenir tout conflit et à éteindre par la magie de la parole les crises nées des incompréhensions et des vanités de la vie. C’est d’ailleurs de la vanité de nos actes que naissent les incompréhensions entre les hommes.
C’est nous qui avons inventé Batu Mawdo pour donner à chacun la parole et que personne ne reste à la périphérie de la chose publique. Il n’y a pas de sujet qui ne soit discutable à cette assemblée générale du Macina. Elle matérialise l’esprit de dialogue qui est chevillé au corps du malien.
Comme on dit la main infectée revient au malade, c’est donc à nous que retourne le problème et c’est à nous d’en trouver le remède. Les étrangers peuvent nous aider, mais ils ne font ni le feront le Mali à notre place. Notre pays est une terre bénie et quand Dieu accorde sa bénédiction, nulle intention malveillante ne pourra prospérer. L’imam Mahmoud Dicko lui-même aime à rappeler que nous sommes héritiers de grands hommes et son frère bien-aimé IBK renchérit que « nous fumes quand d’autres n’étaient pas ». Ce n’est pas de grandiloquence, c’est d’une vérité de roc sur laquelle se fracasse toute tentative de manipulation. Sans tomber dans le blasphème, il m’est agréable de rappeler ce que vaut la protection divine découlant de la bénédiction de Dieu. Bien sûr que le Mali n’est pas La Mecque ! Mais ce rappel en vaut la chandelle. Souvenez-vous de la protection par laquelle Dieu a extrait La Mecque des visées funestes d’Abraha al-Achram, roi du Himyar. Quand celui-là voulut venger le sacrilège fait à ses églises, il leva une expédition de milliers d’hommes et d’éléphants contre La Mecque. Lui-même conduit l’expédition au dos d’un éléphant. Mais arrivé en face de La Mecque, son éléphant s’agenouilla et refusa d’avancer ; et entre-temps des oiseaux Ababils s’abattirent sur ses troupes jusqu’à les exterminer. 50 jours plus tard, naquit notre Prophète Mohamed ibn Abdallah (PSL). C’est la quintessence de la sourate 105 Al Fil (L’éléphant) du Coran. Ce rappel pour vous dire que ce que Dieu a béni ne peut être détruit. Notre pays a été béni et le sang béni de saints hommes irriguent chaque espace de sa superficie. Il ne peut être détruit et ne le doit pas !
La plus belle chose que Dieu ait offerte à l’être humain est le cerveau pour penser et la langue pour parler. Pourquoi ne pas se parler ouvertement sans faux-fuyant et se dire que nous sommes la terre du Kurukanfuga !
Moussa Cissé