En Inde, la pandémie de Covid-19 s’accompagne d’une vague d’arrestations sans précédent. Ces derniers mois, de nombreux professeurs, militants, intellectuels ou étudiants ont été mis derrière les barreaux pour des raisons parfois contestables. Un outil est massivement utilisé, l’UAPA, ou Unlawful Activities Prevention Act.
En principe, il s’agit d’une loi antiterroriste. Mais elle est devenue dans les faits une arme pour incarcérer toute sorte de gens très facilement, sans preuves établies, en Inde. Le dernier cas emblématique est l’arrestation du professeur d’anglais Hany Babu de l’Université de Delhi. L’homme était militant, notamment sur le droit des basses castes, mais il n’avait jamais participé à des activités terroristes.
« La police est venue sonner chez nous de bon matin et a saisi l’ordinateur de mon mari et deux livres qu’on peut trouver sur le marché ! Puis l’agence centrale d’investigation a donné rendez-vous à mon mari à Bombay. Il s’y est rendu naïvement sans même prendre d’affaires », témoigne avec émotion sa femme Jenny Rowena.
Puis d’ajouter : « Ils lui ont dit qu’on avait trouvé sur son ordinateur des lettres de maoïstes, dont nous n’avions jamais entendu parler ! Il y a deux jours mon mari a été envoyé en prison. Et les seules preuves contre lui sont ces documents qui ont été trouvés sur son ordinateur, sans qu’on nous donne une copie du contenu original, sans aucun mandat de recherche. Tout cela à cause de l’UAPA ».
Un panel de personnes arrêtées
Un autre professeur a écrit, il y a quelques jours, que cette arrestation était une atteinte à la démocratie. Il a été interrogé par la police, son téléphone a été confisqué, mais il n’est, pour l’instant, pas arrêté.
Le cas d’Hany Babu est lié à des affrontements entre défenseurs des intouchables et fondamentalistes hindous à l’issue desquels 11 personnes ont déjà été placées sous les verrous. Parmi celles-ci, le poète Varara Rao, arrêté à 80 ans et qui a récemment contracté le covid.
Le même phénomène est à l’œuvre concernant les violentes émeutes qui ont ébranlées New Delhi, avant la pandémie. Toux ceux qui sont supposés avoir participé au mouvement contre ces lois jugés antimusulmanes sont menacés ou emprisonnés. Et puis bien sûr, les journalistes ou voix dissidentes liées à la question du Cachemire. Ou encore les militants environnementaux, dont plusieurs sites ont été bloqués grâce à l’UAPA.
Une loi de plus en plus utilisée
Les données du Bureau National du Crime montrent que son emploi a explosé sous la présidence du parti hindou BJP en 2014. « De 2000 à 2010, l’UAPA n’a jamais été utilisé. À partir de 2014, on trouve 966 cas. En 2015, 897. En 2016, 922. En 2017, 901. Puis en 2018, hausse sensible avec 1182 utilisations de la loi. Nous n’avons pas encore les chiffres pour 2019 mais il y aura surement une augmentation », explique Jayna Kothari, directrice du Centre d’étude de la loi de Bangalore.
D’après Amnesty International India, les trois quarts de ces arrestations n’aboutissent à aucune condamnation. Mais ce sont autant d’années durant lesquelles les voix dissidentes sont muselées. Pour beaucoup, la grande peur du gouvernement est de revoir l’opposition se mobiliser après le Covid. Et ces enfermements arbitraires un moyen d’intimider ceux qui parlent encore librement.
RFI