Le mouvement de protestation se poursuit en Biélorussie après la réélection très contestée d’Alexandre Loukachenko, à la tête de ce pays depuis 1994. L’élection présidentielle s’y est déroulée dans une atmosphère de grande tension. À Moscou, cette instabilité politique est suivie avec une attention particulière.
De notre correspondant à Moscou,
Depuis les élections présidentielles en Biélorussie, les principales figures d’opposition sont arrêtées ou empêchées de concourir. Svetlana Tikhanovskaïa, qui incarnait dans ce scrutin le rejet de Loukachenko, est désormais en Lituanie. Les manifestations quotidiennes, elles, sont durement réprimées. À Moscou, cette instabilité politique est suivie avec une attention particulière.
Si l’actualité de ces derniers jours intéresse beaucoup à Moscou, c’est que les Biélorusses ne sont pas considérés comme des étrangers. Ils parlent pour l’essentiel la même langue et partagent de nombreuses références historiques et culturelles. L’agitation politique est largement traitée par les médias. Et les chaines de télévision publiques ne savaient pas tellement quel ton adopter, comme si elles attendaient de connaître la position officielle de l’État sur les événements.
La position de Moscou difficile à cerner
Le Kremlin n’a pas manifesté un enthousiasme débordant à l’annonce des résultats officiels. Il faut savoir qu’au-delà des déclarations convenues, les relations entre Moscou et Minsk se sont tendues. Ces tensions s’expliquent par des différends commerciaux, mais surtout parce que Loukachenko rechigne à accepter le projet d’intégration politique initié par le Kremlin.
Le président sortant a d’ailleurs joué cette carte durant la campagne. Il a ouvertement accusé la Russie de tentative d’ingérence et présenté ses concurrents comme des agents russes. À cela, les officiels russes n’ont pas souhaité mettre de l’huile sur le feu.
Maintenant que Loukachenko fait face à un sérieux mouvement de protestation, la position de Moscou est difficile à cerner. Le pouvoir russe a la hantise de l’instabilité et se serait bien passé de cette image embarrassante d’un président immuable désavoué par la rue. Mais sa position semble avant tout pragmatique. Moscou entend défendre ses intérêts dans la relation bilatérale, quel que soit son interlocuteur.
Ne pas voir se répéter le scénario ukrainien
Il est évident que le Kremlin a à l’esprit le scénario ukrainien et qu’il ne souhaite sous aucun prétexte le voir se répéter. La porte-parole de la diplomatie russe a pointé ce jeudi 13 août des tentatives d’ingérence étrangère en Biélorussie. Pour autant, le pouvoir russe n’apporte pas de soutien officiel à Loukachenko.
Sur ce point la situation se distingue du cas ukrainien de 2014. Le président de l’époque, Viktor Ianoukovitch, avait la légitimité de l’élection avec lui. Appuyer aujourd’hui un Loukachenko largement décrié apparaît très risqué. Comme le dirigeant biélorusse ne peut plus compter sur un rapprochement avec les Européens, Moscou pourrait utiliser l’isolement international de Minsk comme un lever de pressions de sa stratégie de coercition.
RFI