Pas seulement de solution militaire à la lutte contre le terrorisme, il faut l’examiner sous différents angles en associant les organisations humanitaires, les aides financières, le développement économique, selon une analyse du major-général Dagvin Anderson, Commandant du commandement des opérations spéciales des États-Unis en Afrique. Pour y arriver, suggère-t-il, il faut aussi mobiliser la sagesse des foules, et d’avoir une vision d’ensemble.
Pour nous, il est important d’avoir une vision d’ensemble et de réfléchir à une solution non seulement militaire mais aussi gouvernementale, en tant que communauté d’acteurs internationaux –les gouvernements et les organisations internationales, en particulier les organisations non gouvernementales, peuvent porter assistance à certaines de ces zones.
Nous avons vu profiter les organisations extrémistes violentes, les terroristes, de ces conditions, surtout les cinq dernières années. Al-Qaïda a mené une campagne délibérée pour exploiter ces failles et griefs et étendre leur portée, particulièrement dans l’Ouest. Nous les avons vus profiter de la situation en fermant les écoles, privant des pays de leur avenir. Ils les privent d’un avenir en fermant ces écoles : plus de 9 000 écoles ont été fermées sur le continent africain, dont 3 000 au Mali et au Burkina Faso.
C’est très préoccupant pour nous : quelles seront les conséquences pour le développement à venir et les possibilités d’avenir ouvertes aux personnes habitant ces régions ? Et quelles conséquences lorsque ces organisations extrémistes violentes remplacent ensuite ces écoles par leur idéologie et leurs enseignements, ce que nous pensons contraire à une société libre, ouverte et prospère ?
La feuille de route d’Al-Qaïda pour s’établir dans l’Azawad
De notre point de vue occidental, la crise humanitaire à plus forte croissance se trouve dans la région du Sahel. Il y a une campagne délibérée par ces terroristes pour exploiter cela. Nous avons récemment –l’agence Associated Press a publié en 2012 la feuille de route d’Al-Qaïda qui a été découverte, et celle-ci détaillait comment Al-Qaïda allait méthodiquement s’établir dans la société et dans la zone Azawad au nord du Mali, puis utiliser cette zone comme base et l’étendre à l’avenir.
C’est très préoccupant pour nous parce que c’est une stratégie délibérée, et une partie de cette stratégie consiste à agir et à s’étendre en toute discrétion. Ils ne cherchent pas à rendre publiques la plupart de leurs actions. Et ce qu’on les a vus faire, c’est étendre maintenant leur présence au Mali et aussi dans le nord du Burkina Faso, où ils ont attaqué les infrastructures, puis se sont débarrassés des autorités locales et des forces de sécurité, et maintenant ils utilisent cela, cette présence, pour contrôler l’économie locale et la population. Et on les voit continuer à se déplacer toujours plus au sud du Burkina Faso, vers les pays côtiers du golfe de Guinée, et plus à l’ouest vers le Sénégal et l’Afrique de l’Ouest. Cela nous préoccupe, car nous les voyons continuer à se déplacer dans toute la région.
Nous le voyons aussi là –et Al-Qaïda est réellement le moteur derrière cela. Donc certains groupes terroristes locaux, certains groupes avec des griefs locaux, sont maintenant galvanisés vers une idéologie plus large et un mouvement plus important, et cela nous préoccupe.
La méthodologie de Daech au grand Sahara
Nous voyons aussi Daech faire pareil dans l’Ouest à travers deux organisations, Daech en Afrique de l’Ouest et Daech dans le Grand Sahara. Nous voyons Daech se répandre également vers la côte Est de l’Afrique. Donc, nous les voyons établir des filiales ou profiter des griefs locaux et les consolider en un mouvement plus large en RDC et en République centrafricaine, et plus au sud vers le Mozambique ainsi que la Somalie.
Alors que nous voyons Daech et Al-Qaïda déployer leur méthodologie générale et leurs idées, nous les voyons s’appuyer sur les griefs locaux et répandre leur idéologie, et cela est préoccupant ; ça ne devrait pas préoccuper uniquement les États-Unis, mais également la communauté internationale. Ils se tournent maintenant –comme ils ont perdu du terrain et de l’élan au Moyen-Orient et en Syrie et en Iraq– je pense qu’ils se tournent vers l’Afrique pour essayer de trouver un moyen de rétablir leur présence. Et nous ne pouvons pas oublier qu’Al-Qaïda a des racines africaines et une importante connexion avec l’Afrique dont nous devons tenir compte, et nous devons comprendre comment contrer cela.
Mobiliser la jeunesse pour apporter une solution globale
[…] Cela dit, je ne tiens pas à évoquer uniquement les points négatifs. L’Afrique présente de nombreuses possibilités, et je l’ai vu par moi-même –je suis allé plusieurs fois en Afrique et chaque voyage là-bas est un plaisir. Les gens sont absolument formidables et dans chaque pays où je suis allé, j’ai eu de très bons rendez-vous. Il y a des possibilités là-bas. Il y a de nombreux jeunes.
Les jeunes apportent de l’énergie, cette énergie doit être mobilisée, et cette énergie doit être –il faut leur donner une éducation et des possibilités. Comment avancer dans ce contexte ? La solution ne doit pas être militaire, c’est une solution impliquant des gouvernements dans leur ensemble, et une solution internationale, mais la manière de mobiliser l’énergie apportée par les jeunes est une solution à explorer en tant que communauté de nations, car si nous pouvons progresser sur cet aspect, des possibilités s’ouvriront.
Aux opérations spéciales, nous sommes convaincus que nous investissons dans la population. L’humain est plus important que l’équipement et la technologie, sous bien des aspects. Il s’agit de la manière dont –la manière dont nous travaillons avec les ressources humaines et le capital humain. C’est ça qui construit notre avenir.
De plus, certaines des économies à plus forte croissance se trouvent en Afrique. Nous ne pouvons pas oublier que ce potentiel existe aussi, alors comment le soutenir ? L’Afrique est riche en ressources et pleine de potentiel d’investissement international, alors comment agir d’une façon mutuellement bénéfique pour avancer ensemble en tant que communauté mondiale ?
Partenariat avec les forces armées présentes au Mali
Nous avons vu Daech être repoussé. Ils avaient de l’élan en fin d’année et se déplaçaient vers la zone des trois frontières, entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Les Français ont fait un excellent travail pour les repousser, et en toute franchise, les États-Unis, la France et le partenariat entretenu ont permis l’élimination d’Abdelmalek Droukdel, le numéro quatre des dirigeants d’Al-Qaïda, l’un de leurs principaux dirigeants. Il était traité comme un égal au sein de cette communauté et nous avons pu l’éliminer, car il représentait une menace. Une collaboration internationale de grande ampleur a permis cela.
Il y a également des occasions où nous avons vu des partenaires africains se rassembler, avec la force multinationale conjointe, et avec le G5 au Sahel, ce qui permet aussi de progresser. C’est donc un progrès long et fragile, mais un progrès tout de même, et nous devons trouver les moyens de continuer à renforcer cela et de continuer à progresser.
Et l’autre endroit où je vois –dans l’ouest, encore une fois– est la Task Force Takuba, une collaboration internationale pour venir aider à conseiller les partenaires maliens et les rendre opérationnels, afin de rendre l’armée malienne plus efficace pour faire face à la menace contre leur gouvernement. Et dans l’ouest, nous menons les manœuvres Flintlock, un exercice de grande ampleur effectué en tant que commandement et rassemblant différents pays pour renforcer leurs capacités et améliorer leur réponse à ces menaces.
Cela tisse des liens entre ces partenaires, non seulement entre les partenaires africains mais aussi entre les partenaires africains et européens, et renforce la communication entre ces pays dans la région afin qu’ils partagent plus de renseignements et effectuent plus de formations ensemble : de notre point de vue occidental, tout cela est une force.
Je vais simplement conclure mon allocution d’ouverture –je ne veux pas prendre trop de temps– il n’y a pas de solution militaire. Ces problèmes sont diaboliques. Ils sont incroyablement difficiles à résoudre. Pour s’attaquer à un problème diabolique, il faut l’examiner sous différents angles. On ne peut pas juste le résoudre avec un seul outil, et cet outil doit comprendre les organisations non gouvernementales, les aides financières, le développement, le développement économique –tout cela se rassemble dans la lutte contre le problème, et ça implique de mobiliser la sagesse des foules, la sagesse apportée par différentes personnes et organisations, car aucun groupe seul, aucune nation seule, n’aura la solution à ce problème difficile.
Ensuite, il faut aller plus loin : quels sont les effets tertiaires, quaternaires ? Que va-t-il arriver ensuite ? Car si je résous le problème en ne pensant qu’aux effets directs, il est probable que je ne résolve pas le problème du bon angle d’attaque. Il faut donc réfléchir aux effets tertiaires et quaternaires, à comment y réfléchir, puis faire preuve d’innovation pour avancer.
L’innovation n’est pas synonyme de technologie : cela signifie trouver des manières créatives de s’unir pour résoudre ces problèmes. Cela prend parfois la forme d’une technologie, ou d’un investissement ; il peut aussi s’agir de puiser dans les ressources disponibles pour faire face à ces problèmes et les résoudre.
Je dirais que j’ai de l’espoir, que les possibilités sont là, et que mon plus grand espoir est que ces organisations extrémistes violentes n’apportent aucun espoir. Elles n’apportent ni paix, ni stabilité. Lorsque nous nous rassemblons, en tant que groupe d’acteurs internationaux, nous pouvons apporter de l’espoir à la population, ainsi qu’un meilleur avenir. C’est pour cela que je suis convaincu que nous progressons, et que nous avons un effet positif sur tout le continent.
Source : Ambassade des USA au Mali