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Caisse nationale d’assurance maladie au Mali : Mahamane Baby « Les réformes permettent de lutter efficacement contre la fraude »

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Mahamane Baby

Dans l’entretien qui suit, le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie (Canam) explique les actions engagées pour réduire les dépenses et assurer la pérennité de l’Assurance maladie obligatoire

L’Essor : Vous êtes, depuis une année, à la tête de la Caisse nationale d’assurance maladie (Canam) en charge de la gestion de l’Assurance maladie obligatoire (Amo) qui est une réelle avancée en matière de protection sociale. Quelles sont les reformes majeures qui vous avez effectuées ?
Mahamane Baby : Les réformes majeures effectuées par mon équipe s’inscrivent en droite ligne des directives que nous avons reçues dans différents rapports d’audits, notamment ceux de notre direction chargée de l’audit interne et de la Conférence interafricaine de la prévoyance sociale (Cipres) qui est un peu notre gendarme au niveau sous-régional. On s’en est inspiré pour conduire ces réformes. La Cipres nous reprochait d’avoir un train de vie élevé. Il fallait donc prendre les dispositions pour réduire nos dépenses, en supprimant les indemnités payées dans le cadre des travaux en commissions et des missions à Bamako. Nous avons renégocié nos contrats de bail pour obtenir au moins 15% de remise. Nous avons aussi revu à la baisse les subventions que nous faisons aux structures.

La réforme a aussi porté sur la validation des ordonnances. Avant, on faisait cette validation a priori. Dès que vous venez dans un espace Amo, on vous donne une ordonnance. Lorsque vous présentez cette ordonnance pour le remboursement, quel que soit le montant, on vous remboursait. Conformément à nos textes, on fait maintenant la validation a posteriori. Quand l’assuré se présente dans un espace Amo, on remplit la partie administrative : nom, âge et autres données, il va voir le médecin qui lui prescrit des médicaments et ensuite c’est validé. Cela nous permet de lutter contre la fraude.

Nous avons aussi entamé une réforme majeure qui est l’utilisation de la biométrie. Avant, un assuré pouvait utiliser une carte vierge, sans photo ou un récépissé qu’il pouvait partager avec les siens. Maintenant, il faut authentifier le porteur de la carte. Vous mettez la carte dans une machine (le contrôleur d’identité), vous déposez le doigt sur un lecteur d’empreinte et ça vous génère un ticket d’accréditation. Tout pharmacien, tout prestataire, qui ne mettrait pas ce ticket sur les ordonnances ou sur les actes ne sera pas remboursé.

L’Essor : Récemment, il y a eu des incompréhensions avec les pharmaciens qui réclamaient le paiement des arriérés de paiement. Quelles leçons tirez-vous de cette mini-crise ?
Mahamane Baby : Nous y avons tiré la nécessité de coordonner nos actions, de mieux communiquer entre nous et d’impliquer l’ensemble des acteurs. La loi stipule que nous sommes chargés de recouvrer nos recettes et de payer les prestataires. En même temps, elle nous demande, puisque nous sommes une nouvelle structure, de déléguer toutes ces fonctions à des organismes gestionnaires délégués (OGD). Il s’agit de l’Institut national de prévoyance sociale (INPS) et de la Caisse malienne de sécurité sociale (CMSS). En réalité, ce sont eux qui recouvrent nos recettes et paient les prestataires. On a compris qu’il ne s’agit pas d’un problème d’argent parce que nous versons actuellement à chaque OGD 5 milliards de Fcfa au début de chaque trimestre pour faire face à ces paiements, malgré tout il y a des difficultés. C’est tout le processus, la relecture des textes, c’est de voir aussi au niveau des banques le temps de compensation des ordres de virement, une fois qu’ils sont déposés. Maintenant, nous payons à l’avance pour éviter tout problème de retard.

L’Essor : La nouvelle carte biométrique est entrée en service. Pourquoi cette option ?
Mahamane Baby : La carte biométrique nous permet de nous assurer de l’identité de l’assuré. On a eu de gros soucis par rapport à certains abus qui étaient en train de menacer même l’existence de la Canam. Lorsque nous avons introduit le ticket d’accréditation, les premiers tableaux qui comparent avril dernier, le dernier mois où le ticket d’accréditation n’était pas utilisé, à mai dernier, il y a par exemple une baisse de 75% de remboursement chez certains de nos prestataires du côté de la CMSS. Notre objectif était de pouvoir récupérer 30% des dépenses prévues pour le remboursement. On pourrait dire que ce n’est pas grand-chose ce pourcentage mais lorsqu’on parle de 45 milliards de Fcfa par an, 30% ça fait environ 15 milliards. Ainsi, on pourrait économiser plus d’un milliard par an pour le bien des nos assurés.

L’Essor : Vous avez décidé de donner une tonalité plus agressive à la lutte contre la fraude. Quelles sont les motivations ?
Mahamane Baby : Nous avons eu l’alerte du conseil d’administration et de la Cipres que si nous continuons à ce rythme, cela pouvait mettre en péril l’équilibre du régime. Donc, nous avons pris le taureau par les cornes. Nous avons mis en place les structures qui nous permettent de lutter efficacement contre la fraude. N’eût été la pandémie du coronavirus, nous aurions eu beaucoup de rencontres avec ces structures. Nous avons commencé à appliquer avec beaucoup de rigueur nos propres textes et les outils informatisés pou lutter contre la fraude et, aujourd’hui, nous avons des résultats satisfaisants.

L’Essor : Les assurés ont parfois des difficultés à accéder aux soins. Quelles sont les dispositions prises à l’interne pour pallier ces insuffisances ?
Mahamane Baby : C’est tout a fait exact. Mais je dois expliquer que les fonctions d’immatriculation et d’enrôlement sont dévolues aux OGD. La Canam s’est impliquée à aider les gens à avoir plus vite leurs cartes parce que nous avons estimé que le rythme était lent. Nous avons constitué des équipes fixes et mobiles pour permettre aux assurés d’avoir la carte, seul outil qui leur permet d’accéder aux soins.
Des dispositions sont prises pour retrouver sur place les malades en réanimation ou ayant des difficultés de déplacement pour leur faciliter l’accès aux soins. Des cartes sans empreinte ont été établies pour les personnes de plus de 70 ans et les enfants.

L’Essor : Il a été question un moment de revoir la liste des médicaments couverts par le régime. Où en êtes-vous avec ce processus ?
Mahamane Baby : Nous avons déjà une liste provisoire, elle est plus consensuelle. Pour que ce soit un processus plus participatif, nous allons proposer cette liste à l’assemblée générale avant de la soumettre à nos partenaires. Mais la règle que nous avons utilisée est celle d’accepter tout médicament qui a l’Autorisation de mise sur le marché (AMM). Nous allons discuter avec nos partenaires et dès que le gouvernement sera mis en place, on enverra au ministère en charge de la Santé pour publication. Nous avons aussi à côté, une liste d’exclusion, notamment les vaccins, les fortifiants sexuels, les produits cosmétiques qui ne doivent pas être dans l’assurance maladie.

L’Essor : Le régime d’assurance maladie universelle (Ramu) est en vue. À quand son opérationnalisation effective ?
Mahamane Baby : Le Ramu va remplacer l’AMO, le 1er janvier 2021. Nous sommes en train de travailler sur les textes. Cela permettra à l’ensemble de nos populations de bénéficier de ce régime. Aujourd’hui, les Maliens en ont connu l’utilité. Au début, cela avait fait des vagues, certains avaient demandé que leur argent soit restitué. Du berger à la teinturière en passant par l’agent au poste de contrôle, tout le monde veut maintenant entrer à l’Amo. Nous allons trouver justement les mécanismes pour que tout le monde puisse bénéficier de l’Assurance maladie, cette fois-ci au niveau universel. Toute personne ayant un peu de revenus devrait accéder à ce régime.

L’Essor : Si vous aviez un message à transmettre aux assurés pour la bonne marche du régime que leur diriez-vous ?
Mahamane Baby : C’est un excellent outil mis en place sous le leadership du président Amadou Toumani Touré (ATT) qu’il faut remercier pour sa vision. Cet outil nous appartient à tous. C’est un des meilleurs amortisseurs sociaux, créés depuis l’accession de notre pays à la souveraineté nationale. Il nous incombe à tous de veiller à sa pérennité et de nous assurer que les vrais assurés en bénéficient et que le maximum de Maliens doit y avoir accès. C’est aussi d’attirer l’attention des gens sur le fait que notre système est informatisé. Si quelqu’un s’amuse à tricher que ce soit aujourd’hui ou dans dix ans, nous pourrons retrouver ses traces et elle va devoir rembourser. Tous les jours, nous signons des ordres de recettes contre les contrevenants. Nous avons un système efficace de vérification. J’encourage tout le monde à éviter la fraude pour que l’ensemble des citoyens puisse bénéficier de l’Amo.

Propos recueillis par
Bréhima DOUMBIA

Source : L’ESSOR

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