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Carnet de voyage : Bandiagara : Sous la cendre, le feu demeure

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Au centre, l’hivernage semble avoir amené une accalmie. Jusqu’à quand ? Les positions sont tranchées, les rinceurs demeurent. Le dialogue manque. Voyage au cœur d’une poudrière en sommeil.

“Nous nous retrouvons comme au moyen âge, à l’époque où la population ne comptait que sur ses braves guerriers sur les chefs de village, les rois, les chefs de guerre”, nous dit avec lassitude un habitant de Bandiagara.

Nous sommes à Bandiagara. Un habitué de la cité ne s’y reconnaîtra pas : plus de cris des oiseaux, de chants des coqs à 5h du matin. Les marigots ont cessé de couler. Il n’y a plus, d’hivernage, ces compétitions au champ, entre les jeunes villageois, pour savoir qui ferait la meilleure récolte.

Bandiagara, n’est plus cette ville mystique qui parle toutes les langues du Sahel et du Sahara. Elle s’est emmurée dans l’unilinguisme, chacun a rejeté pour l’autre et s’est recroquevillé sur la langue. L’harmonie de la localité s’est brisée.

Le jour des marchés était animé. Les belles demoiselles peules qui étaient couvertes des bracelets, des chaines, en or ou en argent avec des cheveux lisses et brillants ont déserté. On ne croise plus au marché les jeunes peuls portant en bandoulière leur radio “waraba”, la musique à fond pour attirer l’attention des jeunes filles, et portant des lunettes qui gardent encore l’étiquette du fabriquant.

Aujourd’hui toute cette harmonie a disparu. A 18h, chacun s’enferme à double-tour plus question de causeries entre jeunes. Plus question de se rendre visite, la nuit, entre villages, jusqu’à des heures indues. Les forains, vont au marché la peur au ventre.

Les villages, pour se protéger, ont créé des milices privées. “Ma communauté ou la mort” est leur devise.

Chaque jour, des gens meurent, des gens sont décapités, brûlés. Les autorités, les gendarmeries, les polices, les gardes, les préfets, les centres de santé, des écoles, ont tous péris. L’autorité ne joue plus son rôle, ou a fui. Les rares courageux qui sont restés, ne servent à rien, puisqu’ils ne sont plus écoutés et ne peuvent sévir contre personne.

Un policier arrête un malfrat, il fait juste appel aux milices et il est libéré sous l’heure. En présence de l’autorité, les milices viennent arrêter des gens suspectés de terroristes dans la ville et partent faire tout ce qu’ils veulent sans faire réagir l’autorité.

Des communautés qui cohabitent depuis des temps immémoriaux ne se font plus confiance aujourd’hui.

Depuis plus de quelques années, le centre du Mali est devenu un désert abandonné, la guerre a fait de ce beau centre, un harmattan. Malgré la signature de l’accord de paix de Bamako en juin 2015 et la présence de forces étrangères dans le pays depuis plus de 3 ans, la crise du centre est loin d’être résolue.

Les villages sont attaqués, pillés, des bétails emportés des maisons calcinées. Dans les 4 cercles, Bandiagara, Koro, Bankass et Douentza, la mort est devenue le quotidien des villageois, condamnés à fuir, sans pour autant savoir où aller.

Toute l’attention est portée aujourd’hui sur le départ du président, le centre du Mali est délaissé, il est devenu une récolte pour des bandits armées.

 

Hamed Sagara

(de retour de Bandiagara)

Mali Tribune

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