La prise du pouvoir par le Comité national pour le salut du peuple (CNSP), mardi le 18 août 2020, a incontestablement été la grande libération des cœurs et des esprits au Mali tant la question du départ du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) était plus préoccupante. Maintenant qu’il a été dégagé du pouvoir, les militaires ont commencé un travail patriotique qu’il s’agit à présent d’approfondir mais en quoi faisant ?
Du 26 mars 1991 au coup d’État du 22 mars 2012, les changements souhaités par le peuple ont été un véritable cauchemar pour celui-ci. À aucun moment, son désir du changement véritable n’a été pris en compte par les nouvelles autorités.
Après le 26 mars 91, on croyait que rien ne serait plus comme avant et que les déprédateurs du tissu socioéconomique national se devaient de rendre des comptes au peuple travailleur du Mali comme le réclamaient à cor et à cri le Mouvement démocratique dans ce célèbre appel au changement: An tè kôrolé fê fo koura. Ce changement supposait un préalable: le kokadjè, prélude à toute refondation de l’État malien.
Hélas ! Ni Alpha Oumar Konaré, ni Amadou Toumani Touré (ATT), n’ont entendu ce cri de cœur du peuple travailleur du Mali. Tout ce qui a été reproché à Moussa Traoré s’est converti en mode de vie sous la 3ème République. Mais il ne pouvait en être autrement dans la mesure où les démocrates, contre toute attente, ont classé dans les calendes grecques ce besoin de changement soignant ainsi la plaie sur du pus. Pour tout observateur averti c’était là une bombe à retardement car comme le dirait l’autre a beau retirer la parole il finit toujours par la prendre.
Les coups d’État dans un régime démocratique constituent normalement des infractions. Mais dans le cas malien, au regard de la gestion de nos affaires, on peut dire sans risque de se tromper que la démocratie n’a pas encore vu le jour au Mali dans la mesure où elle se veut le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. Cela suppose le mieux-être populaire qui repose sur la nourriture décente, les soins de santé décents, le logement et une culture décents.
Le coup d’État de 2012 qui devrait redonner confiance et espoir au peuple malien a tout simplement été récupéré par les politiciens qui craignaient de rendre des comptes pour leur gestion catastrophique. On peut simplement dire que Amadou Haya Sanogo a été noyé par les avatars de la politique politicienne parce qu’il leur fallait éviter à tout prix d’être devant les tribunaux pour s’expliquer sur leur gestion clanique.
Si l’histoire n’est pas une répétition, nous voilà encore au cœur d’un nouveau coup d’État cette fois-ci opéré par des officiers supérieurs qui savent ce qu’est devenue la démocratie au Mali et les conséquences du putsch de Sanogo. Aujourd’hui, l’audit de la nation devient une impérieuse nécessité si le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) veut enfin entendre le cri de détresse de ce peuple.
L’heure est venue de sortir des tiroirs les conclusions des nombreux rapports de contrôle réalisés ça et là en République du Mali sur la corruption et la délinquance financière qui constituent sans nul doute des crimes horribles contre le peuple du Mali. Notons avec insistance que ces différents n’ont pas été fournis par des putschistes mais par les politiciens eux-mêmes. Il est nécessaire, pour tout homme de bonne foi, que l’audit qui doit être entrepris par le CNSP ne peut nullement être qualifié de chasse aux sorcières. Mais cet audit est incontournable tant il s’agit d’une véritable refondation du Mali. Indiscutablement qui peut être mieux placés que les acteurs de la transition pour mener à bien l’assainissement de toutes les structures économiques politiques et sociales du Mali. C’est dire que l’honneur et le devoir reviennent au CNSP de mener à bien cet audit pour qu’enfin le Mali puisse lancer un ouf de soulagement.
À ce seul prix, le coup d’État contre Ibrahim Boubacar Kéita ne sera pas un événement de plus. Pour que le Mali soit un pays où il fera bon vivre, il faut mener sans merci la traque de la corruption et de la délinquance financière. Le Mali n’a que trop saigné par la faute de ses démocrates qui en peu de temps se sont construits des paradis terrestres pendant qu’ils ne possèdent d’usines de fabrique de billets de banque.
Nécessairement, il faut qu’ils remettent au peuple ce qu’ils lui ont volé au vu et au su du peuple et de Dieu lui-même d’abord. Il faut que les déprédateurs du tissu socioéconomique national rendent compte parce qu’ils ne peuvent pas impunément et indéfiniment tromper la vigilance de notre peuple. Abraham Lincoln n’a pas manqué de donner cet avertissement solennel aux malfrats tapis dans les rouages de la politique. Il disait: «On peut tromper une partie du peuple tout le temps, tout le peuple une partie du temps mais pas tout le peuple tout le temps.»
Nous osons espérer qu’à la faveur du coup d’État opéré par le CNSP, le compte à rebours va commencer contre ceux qui se sont nourris de la sueur et du sang du peuple malien. Sans l’audit de la nation, l’on affirmera sans risque de se tromper que rien ne peut bouger en République du Mali. Comme pour dire que cet audit reste la seule voie idoine pour remettre le peuple dans ses droits.
Fodé KEITA
Source: L’Inter de Bamako