Au Mali, une transition d’au moins trois ans permettrait le renouvellement des élites politiques, l’amélioration de la situation sécuritaire ainsi que des avancées dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation (APR).
Faut-il une transition d’une année, de deux ou de trois ans ? Ce serait autour de cette question que les positions des négociateurs de la Communauté économiques des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et des militaires du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) divergent. La CEDEAO, qui a réagi avec véhémence à la démission du président « IBK » en exigeant son rétablissement au pouvoir, essaie maintenant de faire pression pour que la transition soit la plus courte possible.
Même si rien n’est encore décidé, les informations de Radio France Internationale ont révélé que les militaires veulent une transition de trois ans, ramenée à deux, dirigée par un militaire, alors que la CEDEAO voudrait qu’elle soit la lus brève possible : entre 7 et 12 mois.
En ce qui me concerne, je soutiens que la transition soit plus ou moins longue, au moins pour trois raisons.
1 – Permettre le renouvellement des élites
Même si le coup de force du 18 août contre le président « IBK » n’est pas une révolution, il permet au Mali de renouveler au moins partiellement ses élites. L’une des accusations les plus récurrentes contre la classe politique malienne est qu’elle ne se renouvelle pas, et que les mêmes personnalités se recyclent depuis l’avènement du multipartisme en 1991. Comme l’écrivait Nathalie Sidibé en 2018, le Mali a besoin d’une nouvelle classe politique.
Heureusement, les militaires du CNSP, qui ont pris le pouvoir depuis le 18 août, sont plus ou moins jeunes. Assimi Goïta, le chef de la junte, a 37 ans. Alors que le président « IBK » en avait 75 ans. Cette différence d’âge est de taille. Même si c’est regrettable de passer par un coup d’État pour renouveler les élites, maintenant qu’il y a des jeunes à la tête du pays, on devrait leur laisser suffisamment de temps pour montrer de quoi ils sont capables.
Aussi, une transition suffisamment longue permettra aux partis de se restructurer et aux jeunes leaders d’émerger pendant les futures élections. Il faut donc donner le temps à ces jeunes leaders de se préparer afin d’assurer la relève.
2 – Améliorer la sécurité
Tout le monde est d’accord que le pouvoir doit être transféré aux civils « dans les délais raisonnables ». Mais un pouvoir militaire de quelques années est acceptable en temps de guerre. Or, le Mali est en guerre contre les groupes terroristes dans le Nord et dans le Centre, et le pouvoir des civils a montré ses limites dans la gestion de cette guerre. Un militaire au pouvoir permettra-t-il au Mali de retrouver la paix ? On ne le saura jamais si on n’essaie pas.
3 – Opérationnaliser les nouvelles régions avant les futures échéances électorales
Lors de sa première sortie médiatique, le colonel-major Ismaël Wagué, porte-parole du CNSP, a affirmé que la junte militaire s’est engagée à respecter l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger (APR). Or, en vertu de cet accord, de nouvelles régions ont été créées en 2018, notamment Taoudéni et Ménaka. Mais comme l’écrit l’Observateur indépendant dans son rapport d’avril 2020, « malheureusement, ces deux régions ne jouissent pas pleinement de leur statut. » L’observateur indépendant ajoute : « Le redécoupage n’ayant toujours pas été fait pour ces régions, elles ne sont pas prises en compte en tant que collectivités territoriales dans le cadre des élections de 2020, privant ainsi leurs populations d’une représentation au niveau national qui soit conforme à la loi et à l’Accord ».
Il faudrait donc que ces nouvelles régions soient opérationnalisées, et qu’elles soient parfaitement représentées lors des nouvelles élections post-transition. Ce sera un pas en avant dans l’application de l’accord pour la paix. Cela prendra du temps, mais ça vaut la peine d’attendre le temps qu’il faudra afin que les futures élections soient mieux préparées.
Pour toutes ces raisons, je pense que la transition devrait durer au moins trois ans.
Source : Benbere