Le Mali traverse l’une des périodes les plus sombres de son histoire. Cela, à cause de la crise politique qui sévit dans le pays depuis plusieurs mois. Au moment où les concertations nationales pour donner une forme à la transition ouvrent leurs portes, le politologue malien Dr Oumar Berthé s’est prêté à nos questions. Il donne son analyse sur la situation globale du pays.
«La situation dans laquelle se trouve le Mali aujourd’hui montre que tout est à refaire. Ce qui nécessite une transition qui puisse poser les bases d’une vraie démocratie » estime Oumar Berthé, politologue malien basé en France, qui suit avec beaucoup d’intérêt ce qui ce passe au Mali.
« Le pire ennemi serait la précipitation dans cette transition », poursuit-il. Si l’on admet la transition comme le processus démocratique qui permet de passer vers un régime non démocratique, qui se caractérise principalement par la tenue d’élections libres, crédibles et transparentes et le respect des droits de l’Homme et de liberté, le Mali a besoin d’une vrai transition démocratique qui puisse poser les jalons d’une démocratie, permettant à l’Etat de pouvoir retrouver son image. « Une transition d’une année et demie, voire deux années me parait raisonnable. Une transition de 3 années comme le disent d’aucuns, me parait complètement déraisonnable et exagérer », analyse le politologue. Un gouvernement de transition n’a pas un mandat, il n’a pas vocation de s’installer durablement au pouvoir non pas plus s’éterniser au pouvoir.
Quel type de régime politique faut-il pour redresser le pays ?
Le Mali a besoin d’un régime véritablement démocratique. Un régime dans lequel les gouvernants sont élus de manière démocratique et ces élections doivent se faire principalement par la transparence. De ce fait, les gouvernants qui seront élus bénéficieront d’une vraie légitimité qui leur permet d’instaurer l’autorité de l’Etat et plus particulièrement encore, une bonne gouvernance. C’est- à-dire la bonne gestion des daignés publics, une bonne répartition des ressources. En réalité, le Mali était dans un régime semi-démocratique et semi-dictatorial. La domination de la violence dans les rapports sociaux étaient très remarquable et même quasi systématique.
Il faut que le Mali soit un Etat où les gouvernants et gouvernés sont tous soumis à la même règle de droit. Bâtir un vrai Etat, un Etat fort à partir duquel les gouvernés doivent se retrouver dans l’action des gouvernants. Pas un Etat d’inégalité où la règle de droit ne serait pas la même pour tous.
Etes-vous sûr que la junte pourrait accomplir ces devoirs en une année et demie ?
La junte n’est pas arrivée au pouvoir avec un programme gouvernemental. Elle est arrivée par un concours de circonstance. Ceux qui étaient au pouvoir avaient complètement perdu leur légitimité. La junte doit respecter le contrat social ; c’est ce qui la permettra de repartir du pouvoir en continuant à bénéficier de la popularité. Elle doit faire preuve de rigueur et d’impartialité dans la gestion de cette transition. Pour moi, la junte n’a pas à mettre en œuvre un programme gouvernemental qui puisse s’installer sur plusieurs années mais de pouvoir poser les jalons d’une vraie démocratie.
Les concertations qu’elle a eues à organiser le samedi dernier a été un fiasco total, dit le politologue. La junte doit éviter des précipitations pareilles à tout prix, car de telles situations peuvent faire foirer complètement la transition. Si la transition est foirée, c’est de repartir encore sur du néant. Tout ce changement n’aurait servi à rien.
Emma F. NOUNAWON
Soleil Hebdo