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Japon: élu à la tête du PLD, l’atypique Yoshihide Suga en passe de succéder à Shinzo Abe

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Yoshihide Suga, 71 ans, sera le prochain Premier ministre japonais : son parti, le Parti libéral-démocrate (PLD), l’a désigné, ce lundi 14 septembre, à une écrasante majorité pour succéder à Shinzo Abe, au pouvoir depuis huit ans (un record), et qui a dû annoncer sa démission pour raisons de santé. Yoshihide Suga doit être confirmé à ce poste mercredi 16 septembre par l’Assemblée nationale et pour la fin du mandat qui court jusqu’à l’automne 2021. Avec ce fils d’agriculteur, très proche conseiller de Shinzo Abe depuis son retour au pouvoir en 2012, le PLD fait le choix de la continuité.

Yoshihide Suga est une anomalie au sein du PLD. Il est le fils d’un cultivateur de fraises et d’une enseignante, et son site internet officiel précise qu’il a financé ses études en enchaînant les petits boulots comme manutentionnaire dans une usine de cartons, et dans le grand marché aux poissons de la capitale. Un profil inconnu pour le parti conservateur, dominé par les héritiers de grandes familles politiciennes, remontant à avant la Seconde Guerre mondiale, et parfois même à l’époque féodale.

Yoshihide Suga vient du nord du Japon, de la région du Tohoku, « une des provinces traditionnellement considérées comme dures, pauvres : le “pays des neiges” », souligne Valérie Niquet, responsable du pôle Asie à la Fondation pour la recherche stratégique et auteur du livre Le Japon en 100 questions. « Donc, cela lui donne un côté “ancré dans la réalité” qui peut être très sympathique pour une partie de la population japonaise attachée à des traditions, à une image du Japon ancien qui est en train de disparaître dans les villes. » Yoshihide Suga met d’ailleurs volontiers en avant ses origines rurales.

Au cœur de la politique intérieure de Shinzo Abe

Après des études de droit, il devient assistant parlementaire d’un élu de Yokohama où il se fait élire en 1987, à 28 ans, conseiller municipal. Neuf ans plus tard, il devient député de cette grande ville de l’est du pays (proche de Tokyo) où il est régulièrement réélu.

Artisan du retour au pouvoir en 2012 de Shinzo Abe, il est récompensé par le Premier ministre qui le nomme porte-parole et surtout secrétaire général du gouvernement. Un poste stratégique où il est « au cœur de toute la mise en œuvre et même sans doute en partie des choix politiques et économiques » de ces huit dernières années, explique Valérie Niquet. « Et c’est ce qui a sans doute rendu sa candidature incontournable ».

C’est lui qui est au cœur des « Abenomics », destinés dès l’arrivée de Shinzo Abe à relancer l’économie du pays. Il a également décidé d’un contrôle plus important du cabinet du Premier ministre sur les grandes administrations pour les reprendre en mains – gagnant au passage la réputation d’un tacticien habile, qui a réussi à mettre au pas la puissante bureaucratie japonaise. C’est encore lui qui avait lancé une politique d’ouverture au tourisme en favorisant l’octroi des visas aux pays asiatiques, particulièrement aux Chinois.

Enfin, selon le magazine Time, il a eu un rôle majeur pour que le TPP (l’Accord de partenariat transpacifique, un traité de libre-échange visant à intégrer les économies des régions Asie-Pacifique et Amérique) survive, en 2017, au départ des États-Unis de Donald Trump. En politique étrangère, il devrait, selon Valérie Niquet, poursuivre la politique de Shinzo Abe : « Fermeté à l’égard de la Chine en essayant de préserver des liens en raison des intérêts économiques, et préserver absolument l’alliance avec les États-Unis ».

Au sein du PLD, Yoshihide Suga n’est affilié à aucune faction. Il n’est pas considéré comme un idéologue, contrairement au nationaliste Shinzo Abe, critiqué pour avoir tenté de changer la Constitution pacifiste du pays, héritée de l’après-guerre, pour y inscrire l’existence des « forces d’autodéfense » (l’équivalent de l’armée au Japon, mais réduite à un rôle défensif). Fin 2013, Yoshihide Suga avait déconseillé à Shinzo Abe d’aller au sanctuaire Yasukuni, où est entre autres rendu hommage à des criminels de guerre japonais. Le Premier ministre s’y était quand même rendu et, devant la fureur de Séoul et Pékin et les critiques de Washington, n’y était plus jamais retourné.

Les Japonais connaissent peu Yoshihide Suga, resté très discret sur sa vie privée : marié, père de trois enfants, des loisirs simples (pêche et marche à pied), pas d’alcool. Il ne concède qu’une faiblesse : les sucreries et les pancakes, compensée, affirme-t-il, par de l’exercice physique (100 sit-ups tous les matins et tous les soirs).

Pour ce qui est de son caractère, les conférences de presse ont montré un homme peu loquace et parfois même peu amène face aux journalistes en cas de questions embarrassantes. Bref, une impression de raideur, qui est demeurée malgré la vague de sympathie qu’il avait suscitée l’an dernier en annonçant le nom de la nouvelle ère impériale, l’ère Reiwa, lors de l’arrivée du nouvel empereur Naruhito. Il avait alors gagné le surnom affectueux d’« Oncle Reiwa ».

Pendant sa campagne, Yoshihide Suga a indiqué que ses priorités seraient la lutte contre le coronavirus et le redressement économique d’un Japon entré en récession, et que son gouvernement ne serait pas un gouvernement d’intérim. Car le nouveau Premier ministre ne disposera que d’une année avant les prochaines élections, à l’automne 2021 (la fin du dernier mandat de Shinzo Abe). Une année qui, pour Yoshihide Suga, pourrait finalement se réduire à quelques semaines si des élections anticipées sont organisées comme le souhaitent certains, parfois même au sein du PLD. La question est de savoir si ces élections consolideraient le pouvoir de Yoshihide Suga ou si de nouvelles tractations au sein du parti déboucheraient sur un nouveau choix.

RFI

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