La cour d’assises spéciale de Paris a entendu ce mercredi 16 septembre le propriétaire de l’imprimerie dans laquelle s’étaient retranchés les frères Kouachi, avant d’être d’abattus. Le chef d’entreprise a raconté comment il avait tout fait pour que les deux terroristes ne découvrent pas son employé, caché sous un évier.
Avec notre envoyée spéciale au tribunal de Paris, Marine de la Moissonnière
C’est un témoignage extrêmement émouvant qu’a livré le propriétaire de l’imprimerie de Dammartin-en-Goële, en Seine-et-Marne, devant la cour d’assises spéciale de Paris. Michel Catalano était appelé à s’exprimer sur ces heures infernales du 9 janvier 2015.
Deux jours après la tuerie perpétrée par Chérif et Saïd Kouachi dans les locaux de Charlie Hebdo, un jour après le meurtre de la policière Clarissa Jean-Philippe par Amedy Coulibaly dans une rue de Montrouge (Hauts-de-Seine), son entreprise était à son tour le théâtre de l’horreur. Les frères Kouachi, cernés par le GIGN, s’y étaient retranchés.
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« Je voulais que mon employé s’en sorte vivant »
« Dès que je les ai vus, j’ai accepté que j’allais mourir. Mais je voulais que mon employé, lui, s’en sorte vivant », a déclaré le chef d’entreprise. En pleurs, il a raconté comment, tout au long de ce huis-clos, sauver le jeune homme caché sous un évier était devenu son seul objectif. La boussole qui lui a dicté chacune de ses actions, chacune de ses réponses aux terroristes. Ne surtout pas les énerver, les empêcher de se diriger vers le fond du bâtiment, rester concentré…
Une reconstruction extrêmement difficile
C’est alors qu’a commencé pour lui une nouvelle angoisse terrible. Il avait le sentiment d’avoir abandonné son employé, toujours caché. L’assaut lancé par le GIGN peu avant 17 heures durera une minute ; pour le patron, il semblera en durer 20. Et quand il a entendu « cibles neutralisées, otage vivant », enfin Michel Catalano a pu respirer.
La reconstruction, ensuite, sera extrêmement difficile. « Vivre était devenu une épreuve », a-t-il expliqué à la cour. L’homme s’est battu pour sa famille, pour reconstruire son entreprise… À tel point qu’il ne put pas prendre soin de son père, décédé en 2015. Un père pudique, mais qui lui dira : « La plus belle chose que tu as faite pour moi, c’est de ne pas être mort avant moi. »
L’homme, âgé de 48 ans à l’époque, a renoncé à se saisir du fusil kalachnikov de l’un des frères. Il a fini par ressortir de la douche dans laquelle il avait pu se cacher. Lui ne le dira pas, mais son employé le fera à la barre : le patron s’est sacrifié. Les Kouachi l’ont finalement laissé sortir. Michel Catalano a pensé qu’ils allaient le suivre pour en découdre avec les forces de l’ordre, mais ce ne fut pas le cas.
RFI