Le procès des attentats de janvier 2015 entre dans sa quatrième semaine. La semaine dernière, la cour d’assises spéciale de Paris a encore entendu des témoignages extrêmement poignants. Mais ce qui est ressorti, c’est la frénésie médiatique pendant et après les événements.
Quand le jeune homme sort de sa cachette, après huit heures et demie d’enfer en apnée, et que les policiers le ramènent enfin chez lui, avant même de pouvoir serrer ses proches dans ses bras, la première chose qu’il voit en descendant du véhicule, c’est la lampe d’une caméra et un journaliste qui lui pose des questions. C’est pour lui le début d’une traque médiatique à laquelle il ne s’attendait pas.
Cette traque, il tente de la calmer en accordant une interview à France 2 et à RTL. Mais l’agitation ne retombera pas. Pendant des mois, Lilian est harcelé par la presse. Mails, coups de fils, questions dans la rue… À tel point qu’aujourd’hui, explique-t-il à barre, son plus gros traumatisme, il vient de la frénésie médiatique dont il a été victime et dont il a encore très peur, plus que de venir témoigner devant la cour d’assises, avoue-t-il.
L’existence d’otages cachés révélée à l’antenne
Le harcèlement médiatique avait débuté alors qu’il était toujours otage. Sa femme et ses parents sont assaillis par les médias. Un journaliste a même appelé l’imprimerie et il est tombé sur Chérif Kouachi. L’enregistrement de la conversation, assez incroyable, a été diffusé lors du procès la semaine dernière. Pire encore, certains médias ont révélé la présence du jeune homme dans l’imprimerie, comme ils le feront aussi pour les otages cachés dans une chambre froide de l’Hyper Cacher. Alors évidemment, le risque c’était qu’ils soient découverts, et peut-être tués, si Amedy Coulibaly ou les frères Kouachi avaient regardé la télévision ou écouté la radio.
« J’espère que les médias ont retenu la leçon », soupire Lilian à la barre. « C’est ma vie, mon histoire. On veut vous arracher un mot alors que vous essayez de vous reconstruire. La vie des gens, ce n’est pas un scoop », insiste-t-il. Il ne veut plus qu’on donne son nom, ni qu’on montre des photos de lui. Il veut retrouver son anonymat pour tourner la page.
Des témoins réclament l’anonymat
Laurent, l’agent d’entretien qui a tenté de désarmer Amedy Coulibaly à Montrouge, le 8 janvier, souhaite lui aussi qu’on arrête de parler de lui. « Pourquoi citer le nom de famille de quelqu’un dans une histoire d’attentats ? Les gens s’en foutent complètement de comment je m’appelle », s’emporte-t-il face à la cour. « Ah, vraiment les médias, je ne les remercie pas du tout d’avoir balancé mon lieu de travail, mon nom », poursuit-il.
L’homme raconte qu’il a été harcelé par des télévisions, des journaux : « J’ai même eu des journalistes qui se sont fait passer pour des inspecteurs de police pour avoir des informations. Il y a certaines pratiques qui ne sont pas très jolies dans ce métier », insiste-t-il, avant de demander aux médias en général de faire attention à l’avenir.
Des critiques récurrentes depuis le début du procès
Depuis le début du procès, les médias sont pointés du doigt dans de nombreux témoignages. Autre exemple très fort et qui, comme tous les autres, nous invitent, nous journalistes, à la réflexion, la famille d’Ahmed Merabet, dont l’assassinat par les frères Kouachi juste après la tuerie de Charlie Hebdo, a été filmé par un riverain.
Ces images terribles ont été diffusées par des chaînes de télévision et continuent de l’être régulièrement, ce qui ravive la douleur des proches du policier. « On essaie d’avancer. Mais tous les ans à la même période, c’est la même chose : on revoit cette vidéo et on entend sa voix. C’est inhumain », a expliqué l’une de ses sœurs à la barre. « J’en veux énormément à celui qui a partagé cette vidéo sur les réseaux sociaux. J’en veux aussi aux médias. » Et d’implorer : « Qu’on arrête de montrer mon frère en train de se faire assassiner. Qu’il repose en paix. »
RFI