Faire de l’élection du président de la République une affaire de « komo » ou de « fétiche » pour initiés (clergés) politiques dans le but de contrer l’expression véritablement libre des populations par le biais du « suffrage universel direct », telle est l’une des propositions phares du parti du Bélier, rendues publiques le 12 juillet 2014, avec comme sujet central : « La situation politique nationale : comment sortir de l’impasse ? ».
La première proposition « novatrice » du PARENA, en la matière de rationalisation et de modernisation des institutions, porte sur la gouvernance locale à travers le mode d’élection des gouverneurs de région ou chefs de l’exécutif régional, en rompant avec la pratique en cours avec des administrateurs, civils ou militaires, plutôt nommés comme au bon vieux temps de la colonisation française avec tous les travers (abus) y afférents.
Un plat politique réchauffé
« Nous préconisons l’élection des gouverneurs de toutes les régions du Mali par des assemblées régionales élues à la proportionnelle et disposant de réelles compétences (pouvoirs réels) dans le cadre du principe démocratique de la libre administration des collectivités territoriales », souligne le PARENA, le 12 juillet 2014, sur la situation politique nationale (l’impasse) et les recettes (solutions) du Bélier blanc pour y faire face avec plus ou moins de succès.
Le PARENA enfonce à ce niveau une porte déjà grande ouverte, réplique la majorité présidentielle autour du parti RPM avec 125 députés contre 22 pour l’opposition VRD (Vérité pour la république et la démocratie) dont fait partie le Bélier blanc avec seulement 1 député à l’Assemblée nationale qui en compte 147 au total.
« Les états généraux de la décentralisation ont préconisé l’élection au suffrage universel de l’exécutif régional », peut-on lire dans cette réplique au PARENA, tout en précisant que le Président de l’exécutif sera ainsi désigné « parmi les membres du conseil régional élu au scrutin proportionnel ».
Le projet de loi instituant cela, anticipe la majorité présidentielle, est inscrit à l’ordre du jour de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale qui a d’ailleurs été convoquée le 14 juillet 2014.
Le Gouverneur, représentant de l’État dans une région, ne sera pas élu par les populations, mais nommé par l’État, relève la majorité présidentielle, avant de préciser à ce sujet: « Le Gouverneur ne sera plus en charge de l’exécutif régional, le Président de la Région occupera cette fonction. Le Gouverneur, ou celui qui en tient lieu, se chargera de la vérification du respect des textes, exercera la tutelle administrative et s’occupera des fonctions régaliennes de l’État ».
Comme on le voit, cette proposition du PARENA, concernant « l’élection des gouverneurs de région », n’est pas si « novatrice » que cela ; sauf s’il s’agit, pour le Bélier blanc, de s’en attribuer « la paternité politique ».
D’ailleurs, le fait de confier la gestion locale et régionale aux gouverneurs « élus » transparaît, en permanence, dans les propositions « intangibles et non négociables» des différents mouvements rebelles, de l’indépendance à nos jours, même si la motivation sous-jacente est foncièrement « raciste » derrière cette exigence des rebelles (sous la forme régulière d’autonomie ou de statut particulier, à défaut de l’indépendance ou du fédéralisme). Lesdits rebelles abhorrant d’être « coiffés » par des administrateurs venus du Sud du pays, au passage qualifiés tous de « Cafres Bambaras », dont un grand nombre fait partie des populations « autochtones » du Nord, notamment dans la région de Tombouctou (Bambaramaoudé ou N’Tibala, Niafunké, Diré, etc.). Nous passons sous-silence le fait (également indéniable) que c’est Kankou Moussa KEITA (l’empereur le plus emblématique du Mali après le très grand Soundjata) qui a construit (1324) la grande mosquée (Djingareyber) de Tombouctou et que ce soit encore le Sud (Ségou) qui a volé au secours de Tombouctou (1787) et de Gao (1804) pour débarrasser ces villes et toute la zone du Gourma/Guimbala de la domination des Mossis, à la demande des Arabes KOUNTA auxquels les rois (Bambaras) de Ségou étaient alliés. Comme quoi, c’est grâce à Ségou que le Nord, jusqu’à Ansongo (Monzonga), est redevenu « malien », après être passé sous le contrôle de l’empereur mossi, le Môgô Nabaa (l’homme venu d’ailleurs pour être « roi » d’un peuple étranger, en langue malinké). Le relai (malien) ayant été pris par l’Empire peul (du Macina) à partir de 1820 après la défaire de Ségou, à Ninkouma (1818), par des soldats mus par un projet de société théocratique (islamiste).
Mieux, la société civile, notamment « Cri 2002 », que dirige l’ancien ministre Abdoulaye SALL, a régulièrement proposé, depuis plusieurs années, « l’élection des gouverneurs de région » pour pousser plus loin les mesures de la décentralisation, permettant aux populations locales de prendre en main leurs propres affaires (économiques, sociales et culturelles) par le truchement des autorités « plus légitimes » parce que désormais « élues » par elles-mêmes et avec lesquelles elles se sentent « en plus grande confiance » sur les questions d’administration au quotidien.
Car, comme évoquée ci-dessus, la question politique de fond est de pouvoir rompre définitivement avec l’administration de commandement (l’argument de la force) pour l’administration de développement (la force de l’argument).
Le fond sacrifié pour la forme
Donc, si l’on peut admettre la pertinence de cette proposition (non novatrice) du PARENA sur l’élection des gouverneurs ou chefs de l’exécutif régional, il en va autrement pour la seconde proposition phare du Bélier blanc en ce qui concerne l’élection du président de la République par les députés.
« Dans le cadre de la rationalisation et de la modernisation des institutions et de la lutte contre la personnalisation du pouvoir, nous préconisons la suppression de l’élection présidentielle au suffrage universel et l’élection (subséquente) du président de la République par un parlement monocaméral élu à la proportionnelle », annonce le PARENA dans sa contribution datée du 12 juillet 2014.
Implicitement, cette proposition du PARENA (élection du chef de l’État par les députés) met en cause un pan entier du système politique lui-même (l’élection du président de la République au suffrage universel direct) ; alors que l’origine de notre plaie politique (impasse) réside la pratique (prédatrice) des acteurs politiques eux-mêmes. En témoignent les (fonctionnaires) milliardaires de la démocratie (des années 1990 à nos jours), après les villas de la sécheresse (1974-1975), sans compter l’opération taxi (anticorruption) sous le régime RDA (1967).
Sinon, tous les systèmes (régimes) politiques se valent, ou presque, en termes de forces et faiblesses avec la différence notable que, en paraphrasant CHURCHILL, les hommes d’État (qui pensent aux futures générations) tirent profit des atouts de leur système respectif ; tandis que les hommes politiques/politiciens (qui pensent aux prochaines élections), à l’instar des Maliens, profitent des lacunes du système pour « privatiser l’État » (une notion empruntée à Edem KODIO, ancien SG de la défunte OUA), c’est-à-dire les services de l’État sont détournés pour servir plutôt des intérêts « privés » et non collectifs, contrairement à leur vocation à la fois naturelle et juridique.
Cette preuve nous est administrée par le système (français) qui nous sert de modèle (bible politique) en la matière, à savoir l’architecture institutionnelle et politique de la Ve République française : le général de GAULLE (la comparaison est du PARENA lui-même dans la même contribution), qui a conçu la Ve République à sa propre image politique et militaire, a pu tirer profit des atouts de ce système pour sortir son pays (la France) du gouffre économique, social, culturel et militaire (les décombres de la Seconde Guerre Mondiale), tout en lui conférant un statut de « moyenne puissance » militaire (indépendance énergétique avec Elf et dissuasion nucléaire) et économique (3e économie européenne après l’Allemagne et la Grande-Bretagne).
Ce cas pratique (le copier-coller de la Ve République française) nous fonde à croire à la faisabilité de la politique-fiction suivant laquelle, les Nord-Américains transplantés dans le (mauvais) système malien (actuel ou version PARENA) continueront à maintenir le Mali (nouveaux USA), après un seul mandat de 5 ans, au peloton de tête des pays les plus développés dans tous les sens du terme ; alors que les Maliens convertis dans le (bon) système nord-américain (l’équilibre des pouvoirs entre le chef de l’État et le Congrès, plus connu sous le vocable de « check and balance ») tireront les USA (nouveau Mali), au bout d’un seul mandat de 4 ans, vers le tréfonds du sous-développement, dans toutes les acceptions du terme.
Pour revenir à la réalité du terrain, l’on perçoit toutes les limites de la proposition PARENA (l’élection du président de la République par les députés) avec le vote de plus en plus « censitaire » dans notre pays, le Mali démocratique et pluraliste post 26 Mars 1991: le candidat avec le portefeuille le plus lourd est sûr (à 80 %) de remporter la députation face à un concurrent moins fortuné (20 % de chances).
Le phénomène est devenu si répandu que les partis eux-mêmes, à l’interne, départagent les candidats en fonction de leur « puissance financière » pour se porter candidat soit à la municipalité, soit à la députation, au détriment du militantisme « pur et dur » ou de la capacité politique (leadership ou force de mobilisation/d’organisation). En effet, dans certains partis, il faut mettre sur la table 3 à 5 millions FCFA pour être « tête de liste » aux communales et bien plus pour les législatives, sans compter les autres libéralités (corruptrices) en nature (thé, sucre, t-shirt, pagne, ustensiles de cuisine, etc.), ni les espèces sonnantes et trébuchantes (2 000 FCFA/personne) le jour du vote pour drainer (transporter à bord de Sotrama) les électeurs (financièrement intéressés) vers les urnes.
Cette monétisation rampante de la vie politique dans notre pays (une tendance de plus en plus mondiale, au regard du volume de plus en plus croissant des budgets de campagne électorale, mais aussi de la fréquence des scandales politico-financiers en France ou ailleurs) fait que la légitimité des élus (députés et maires) est plus financière que véritablement populaire (leadership social) avec, à la clef, un chef d’Etat dont le fauteuil présidentiel est manifestement « acheté » par transitivité électorale (suffrage indirect).
Comparaison n’est pas forcément raison
Si ce présent factuel n’offre pas suffisamment de garanties politiques en termes de « légitimité réelle » du futur président élu grâce à cette transitivité électorale, le passé (politique), lui, ne milite pas non plus en faveur de la pertinence ou de l’efficacité de cette proposition PARENA, à la lumière du vécu RDA (de 1960 à 1968): Modibo KEITA a été élu au « suffrage indirect » par les députés (Assemblée monocamérale) par un jeu de passe-passe juridique (la loi fondamentale de l’époque dit que l’Assemblée nationale désigne « le chef du gouvernement » ; et la même loi dit que le chef de gouvernement est « chef de l’État, président de la République).
Car, ce mode d’élection n’a pas pu empêcher « la personnalisation du pouvoir » de Modibo KEITA, comme le dénonce fort justement le PARENA, avec le coup d’État civil (1967) qui a vu la dissolution de l’Assemblée nationale par le président KEITA (il a scié lui-même la branche juridique de l’arbre politique sur laquelle il était royalement assis), mais aussi, la mise entre parenthèses des instances et structures du parti US-RDA, à travers « la Révolution active », et leur remplacement par le Comité national de défense de la révolution (CNDR), pour rester pratiquement « seul maître » à bord du bateau-Mali, si l’on peut s’exprimer ainsi, avec son bras armé, les fameuses « milices populaires » dont les exactions étaient monnaies courantes contre les populations civiles « sans défense ».
L’argumentaire PARENA est encore moins percutant sur son propre cas référentiel, avec le « copier-coller » d’Afrique du Sud, parce que l’élection (indirecte) du président par les députés n’est pas gage de « bonne gouvernance » en matière politique: Thabo M’BEKI est trempé une affaire de « pot-de-vin » dans l’attribution d’un contrat d’armements (3,7 milliards d’euros, soit 2 405 milliards FCFA) sous son règne (1999-2008), de même que son successeur, Jacob ZUMA, qui a défrayé la chronique dans son pays avec un autre scandale, celui des travaux indûment réalisés dans sa résidence privée à plus de 15 millions d’euros (soit près de 10 milliards FCFA).
« Nous pensons que ces contrats sont inconstitutionnels, illégaux et frauduleux et il y a suffisamment de preuves pour étayer ça. Donc, ce que nous disons, c’est que si ces contrats sont frauduleux, ceux qui les ont orchestrés ne devraient pas en bénéficier. Il faut donc annuler les contrats, rendre les armes et récupérer l’argent», a récemment déclaré Terry Crawford-Browne, un activiste sud-africain qui lutte contre la corruption ans son pays, cité par la presse locale.
Même si ZUMA a été disculpé (le 19 décembre 2013) par un rapport commandité sur le sujet, la population, elle, n’est pas dupe, comme elle l’a démontré à l’occasion de l’investiture de ZUMA pour un second mandat à la tête de son pays (21 mai 2014).
Par conséquent, n’eût été ce système de « président élu par les députés », tout le monde sait que ZUMA II n’aurait jamais existé en Afrique du Sud, à cause des scandales évoqués ci-dessus, qu’ils soient avérés ou pas.
Heureusement que feu le grand MADIBA (Mandela) a existé (1994-1999) pour ne pas désespérer de « l’Homme africain », qui peut aussi servir de « valeur d’exemple » pour l’humanité entière, en se contentant d’un seul mandat de 5 ans à la tête de l’Afrique du Sud post apartheid où il n’y a pas eu de place avec lui pour la revanche raciale ni la culture de la haine sociale ; alors que, s’il le voulait, il serait mort au pouvoir sans que l’opinion publique locale et même mondiale en soit offusquée outre mesure, contrairement à d’autres chefs d’État africains passés champions dans « le tripatouillage constitutionnel » pour s’éterniser au pouvoir (suivez notre regard dans le voisinage immédiat comme lointain de notre pays).
Donc, le problème n’est pas le système (le chef de l’État élu au suffrage universel direct ou par les députés), encore une fois, mais son animation par des (mauvais) acteurs politiques.
Comme l’a dit le dirigeant chinois, Deng XIAOPING, peu importe que le chat (système) soit gris (suffrage direct) ou noir (suffrage indirect), pourvu qu’il attrape (résolve) les souris (les questions/problèmes de développement) pour le grand bénéfice des populations (maliennes) concernées.
Par Seydina Oumar DIARRA-SOD
Info-Matin