De l’art rupestre en Afrique australe aux pyramides le long du Nil, les hommes ont laissé leur empreinte à travers le continent depuis des millénaires.
Mais les événements climatiques extrêmes, l’élévation du niveau de la mer et d’autres défis liés au changement climatique menacent de détruire des sites culturels inestimables, met en garde une étude récente.
Dans la revue Azania, des chercheurs du Royaume-Uni, du Kenya et des États-Unis affirment qu’une “intervention significative” est nécessaire pour sauver ces sites patrimoniaux.
Comme pour souligner l’avertissement, ces dernières semaines, des archéologues au Soudan ont essayé d’empêcher les eaux de crue du Nil d’atteindre le site du patrimoine mondial désigné par les Nations unies à al-Bajrawiya.
Légende image,Le site d’al-Bajrawiya, protégé par les Nations unies, possède des reliques vieilles de 2 300 ans
Le fleuve est en crue chaque année, mais les personnes travaillant dans la région n’ont jamais vu l’eau se répandre jusqu’à présent.
Les auteurs du rapport Azania ont identifié un certain nombre de sites qu’ils considèrent comme menacés.
Suakin, Soudan
Suakin a une longue histoire liée à sa position stratégique sur la côte de la mer Rouge
Suakin, au nord-est du Soudan, était autrefois un port extrêmement important sur la mer Rouge.
Son histoire commence, il y a 3 000 ans, lorsque les pharaons égyptiens ont transformé ce port stratégiquement situé en une porte d’entrée pour le commerce et l’exploration.
Plus tard, Suakin est devenu une plaque tournante pour les pèlerins musulmans en route vers la Mecque et joue un rôle important dans la traite des esclaves de la mer Rouge.
Il fait également partie de l’Empire ottoman, bien qu’il ait perdu son importance en tant que port lorsque Port Soudan est développé plus au nord au début du 20e siècle.
Légende image,Cette photo, prise en 1930, montre l’ancienne splendeur de Suakin
Une grande partie de Suakin est en ruine, mais elle contient encore de beaux exemples de maisons et de mosquées, selon l’organisation culturelle des Nations unies, l’Unesco.
Le professeur Joanne Clarke, de l’université britannique d’East Anglia, mène actuellement des recherches pour quantifier la vitesse à laquelle la perte est causée par l’élévation du niveau de la mer et l’érosion côtière.
“Ce que nous savons, c’est que la côte de la mer Rouge sera touchée dans les prochaines décennies, ce qui signifie que ce qui survit actuellement sera perdu [sans intervention]”, dit-elle.
Vieille ville de Lamu, Kenya
Légende image,La ville est réputée pour son architecture particulière
La vieille ville de Lamu est la plus ancienne et la mieux conservée des colonies swahilies d’Afrique de l’Est, selon l’Unesco.
Contrairement aux autres villes et villages de la côte d’Afrique de l’Est, dont beaucoup sont abandonnés, Lamu est continuellement habitée pendant plus de 700 ans.
Elle est également devenue un centre important pour l’étude des cultures islamique et swahilie, ajoute l’ONU.
Lamu est une ville de pêche et de commerce vieille de 700 ans
Cependant, Lamu est “gravement touchée par le recul du littoral”, ce qui signifie qu’elle perd la protection naturelle qu’offraient autrefois le sable et la végétation.
Il s’agit en partie de la modification du niveau de la mer, mais le professeur Clarke blâme également la construction de l’immense port de Lamu au nord de la vieille ville, “qui détruit les forêts de mangroves qui protègent l’île des inondations”.
“Donc, une grande partie de ce que nous appellerions le patrimoine naturel est une protection du patrimoine culturel. Et comme nous détruisons le patrimoine naturel, nous laissons également les sites du patrimoine culturel exposés”.
Sites côtiers, île des Comores
Plusieurs villes des Comores ont été proposées comme sites du patrimoine mondial
Les Comores, un archipel volcanique au large de la côte de l’Afrique de l’Est, possède plusieurs sites bien préservés, dont une médina et un palais datant de plusieurs centaines d’années
Mais c’est l’un des endroits “les plus menacés” par l’élévation du niveau de la mer en Afrique, selon le professeur Clarke.
La médina de Mutsamudu est une ville maritime du XIVe siècle située sur l’île d’Anjouan
Dans un scénario plausible d’émissions mondiales de carbone modérées à élevées, “des parties importantes de la zone côtière africaine seront inondées d’ici 2100”, selon l’étude.
“D’ici 2050, la Guinée, la Gambie, le Nigeria, le Togo, le Bénin, le Congo, la Tunisie, la Tanzanie et les Comores seront tous menacés par l’érosion côtière et l’élévation du niveau de la mer”.
Forts et châteaux côtiers, Ghana
Les postes fortifiés sur la côte ghanéenne ont joué un rôle dans le commerce de l’or et plus tard dans la traite des esclaves
La côte du Ghana est parsemée de comptoirs commerciaux fortifiés, fondés entre 1482 et 1786, qui s’étendent sur 500 km (310 miles) le long de la côte.
Les châteaux et forts sont construits et occupés à différentes époques par des commerçants venus du Portugal, d’Espagne, du Danemark, de Suède, de Hollande, d’Allemagne et du Royaume-Uni.
Ces infrastructures jouent un rôle dans le commerce de l’or et, plus tard, dans l’essor et le déclin de la traite des esclaves entre l’Afrique et les Amériques.
Les sites de la côte ouest africaine sont vulnérables aux ondes de tempête et à l’élévation du niveau de la mer
Mais les forts sont situés dans des zones très vulnérables à l’impact des marées de tempête et à l’élévation du niveau de la mer.
Selon le professeur Clarke, certains exemples de cette architecture, comme le Fort Prinzenstein à Keta, dans l’est du Ghana, sont “érodés par la mer”.
En comparant les images actuelles du fort avec celles prises il y a 50 ans, il est possible de voir comment la structure s’est effondrée.
Art rupestre à Twyfelfontein, Namibie
Twyfelfontein a été déclaré site du patrimoine mondial en 2007
Le changement climatique peut accroître l’humidité dans les zones relativement arides et créer les conditions nécessaires à la prolifération des champignons et de la vie microbienne sur les roches.
C’est ce qui se passe sur des sites comme Twyfelfontein dans la région de Kunene en Namibie, qui possède l’une des plus grandes concentrations d’art rupestre en Afrique.
L’Unesco le décrit comme “un registre étendu et de grande qualité des pratiques rituelles relatives aux communautés de chasseurs-cueilleurs dans cette partie de l’Afrique australe sur au moins 2 000 ans”.
Mais ces données pourraient être perdues.
Djenné, Mali
L’histoire extraordinaire de Djenné remonte au troisième siècle avant J.-C.
Les quelque 2 000 maisons en terre de Djenné forment l’une des images les plus emblématiques du Mali. Habitée depuis 250 avant J.-C., Djenné est une ville de marché et un lien important dans le commerce transsaharien de l’or.
Aux XVe et XVIe siècles, elle est l’un des centres de propagation de l’Islam en Afrique de l’Ouest.
Mais le changement climatique affecte la disponibilité de la boue de haute qualité utilisée par les premiers habitants pour ces constructions.
La population locale, qui a également vu ses revenus baisser en raison de mauvaises récoltes, doit se tourner vers des matériaux moins chers, ce qui “change radicalement l’apparence de la ville”, selon l’étude.
Selon le professeur Clarke, “le changement climatique a la capacité d’être un multiplicateur de menaces. Il a des impacts indirects qui sont sans doute plus graves que l’impact direct”.
Des sites incroyablement merveilleux
Certains pays sont mieux placés pour faire face à l’impact du changement climatique sur leur patrimoine culturel.
L’Égypte, par exemple, est située dans une région de basse altitude qui “risque fortement d’être inondée dans les prochaines décennies”, mais elle est bien équipée pour relever certains des défis.Un homme est assis à côté de peintures rupestres élaborées vieilles de 5 000 ans représentant des chasseurs et des animaux en Somalie, qui n’a pas de site inscrit au patrimoine de l’ONU
Il y a des endroits comme la république autoproclamée du Somaliland qui possède d’anciens dessins de grottes mais qui a besoin de plus d’aide pour les protéger.
D’un point de vue archéologique, certains des “sites les plus incroyablement merveilleux” y existent, selon le professeur Clarke.
Ses recherches visent à faire la lumière sur ces sites, qui sont peu connus du reste du monde, et elle craint “qu’ils ne disparaissent et que personne ne le sache”.