Dimanche 27 septembre, le président français Emmanuel Macron a tenu une conférence de presse à l’Elysée au sujet de la crise économique et politique au Liban. Il a pointé « la trahison collective » de la classe politique libanaise dans l’échec de la formation d’un gouvernement.
Emmanuel Macron a déclaré ce dimanche 27 septembre avoir « pris acte de la trahison collective » de la classe politique libanaise, au cours d’une conférence de presse qu’il a tenu à l’Elysée.
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Cela fait suite à l’échec de la classe politique libanaise de former un gouvernement, contrairement à l’engagement qu’elle avait pris début septembre. Les partis libanais « portent l’entière responsabilité » de cet échec, et « elle sera lourde », a ajouté le président français.
Le Hezbollah « ne doit pas se croire plus fort qu’il ne l’est »
Le président français s’en est pris au parti chiite Hezbollah, qui « ne doit pas se croire plus fort qu’il ne l’est ». Le Hezbollah, a-t-il lancé, « ne peut en même temps être une armée en guerre contre Israël, une milice déchaînée contre les civils en Syrie, et un parti respectable au Liban. C’est à lui de démontrer qu’il respecte les Libanais dans leur ensemble. Il a, ces derniers jours, clairement montré le contraire ».
Même s’il a vivement critiqué l’ensemble de la classe politique libanaise, c’est donc surtout aux partis chiites qu’Emmanuel Macron a réservé le gros de ses reproches, rapporte notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh.
Le président français a fait assumer au Hezbollah et dans une moindre mesure au président du Parlement Nabih Berry, qui dirige le mouvement chiite Amal, la responsabilité de l’échec de la formation d’un gouvernement de mission, qu’il a appelé de ses vœux à Beyrouth. Ces mots ont été suffisants pour provoquer un déchainement de colère des partisans des formations chiites sur les réseaux sociaux, alors que leurs dirigeants, eux, sont restés muets. Le Hashtag #Macronrespectezvoslimites avait été partagé plus de 30 000 fois sur Twitter moins de quatre heures après la fin de la conférence de presse du chef de l’État français.
Une source dirigeante du Hezbollah a confié à RFI son étonnement des critiques françaises contre les partis chiites et a reproché à Emmanuel Macron d’avoir abandonné son rôle d’arbitre qui se tient à égale distance de tous les acteurs politiques libanais. Le Hezbollah a annoncé que son chef Hassan Nasrallah devrait s’exprimer mardi soir pour commenter les derniers développements politiques au Liban. Une apparition qui n’était pas prévue avant l’’intervention d’Emmanuel Macron.
Une « dernière chance » pour les dirigeants libanais
Les dirigeants libanais ont une « dernière chance » pour que soient respectés les engagements pris début septembre afin de constituer un gouvernement de mission et obtenir de l’aide internationale, a aussi estimé Emmanuel Macron.
« La feuille de route du 1er septembre demeure (…), elle est la seule initiative prise sur le plan national, régional et international (…), elle n’est pas retirée de la table (…) mais il appartient maintenant aux responsables libanais de saisir cette dernière chance eux-mêmes », a-t-il jugé.
Samedi 26 septembre, le Premier ministre désigné Moustapha Adib, qui avait été chargé le 31 août de former le gouvernement libanais, a jeté l’éponge. Ce dernier a mis en avant l’inexistence d’un consensus entre les partis en dépit de l’urgence de mener les réformes réclamées par la communauté internationale pour débloquer des milliards de dollars d’aide pour le Liban.
Ce renoncement a semblé marquer l’échec de l’initiative lancée par le président français après la tragique explosion du 4 août au port de Beyrouth.
♦ Reportage : Réactions des Libanais à Beyrouth
Avec notre correspondant à Beyrouth, Noé Pignède
À Beyrouth, les télévisions de quelques restaurants diffusent la conférence de presse du président français, mais personne n’y prête réellement attention.
Pour beaucoup comme Sara Haddad, l’espoir suscité par Emmanuel Macron après l’explosion a laissé place au découragement. « Croyez-moi, ce n’est pas le sujet. C’est juste une marionnette. Il est dans son rôle. Il n’est ni le problème ni la solution. Notre société pense que nous sommes faibles, et que nous avons besoin d’aide tout le temps. Ils pensent que des gens de l’extérieur viendront les aider gratuitement, mais ça n’arrivera pas ! Le changement doit venir du peuple. »
Mais certains comme Mazen Damen, continuent d’y croire. « Macron c’est mon président », dit-il. Ce trentenaire originaire de la banlieue nord de Beyrouth pense qu’Emmanuel Macron peut encore changer les choses : « Pas parce que je l’aime personnellement, mais parce qu’il représente la France. N’importe quel Français qui vient au Liban et veut nous aider est le bienvenu. Le président Macron nous donne de l’espoir. Nous acceptons que Macron s’ingère dans les affaires du Liban. Vous savez pourquoi ? Parce que nous n’avons plus confiance dans notre classe politique. Ce sont tous des diables. Alors, vous préférez quoi, Macron, ou le diable ? »
Le jeune prévient : si aucun nouveau visage soutenu par la France ne se présente aux prochaines élections, il n’ira pas voter.
RFI