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Cheick Oumar Ndiaye dit Paracétamol: Humoriste dans l’âme

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Qu’il soit devenu aujourd’hui un humoriste talentueux n’a sans doute pas surpris ses camarades d’enfance de Kadiolo. L’humour est un don inné chez ce peul bon teint capable de détendre l’atmosphère n’importe où par des imitations dans une dizaine de langues.

« Je suis le goûteur international de l’Association mangeons et buvons ensemble gratuitement chez les gens ; la fraternité n’a pas de limite… » ! Telle est la philosophie de Cheick Oumar Ndiaye dit «Paracétamol». Son humour a autant d’effet sur l’humeur des gens et les maux de la société qu’un comprimé de paracétamol. Et un talent perceptible dès le bas-âge.

De l’enfance dans les rues de Kadiolo au second cycle de la ville en passant par le premier cycle «Dialakoro Danioko», il ne manquait pas d’attirer l’attention partout où il se trouvait. «Dans la cour de récréation, il y avait toujours un attroupement autour de moi. Mes camardes de classe et les autres élèves cherchaient toujours ma compagnie… Et de nombreux fans disaient que l’effet de mes blagues sur eux était comme celui d’un comprimé de paracétamol pour des maux de tête», nous raconte-t-il. Et petit-à-petit ce surnom à fait oublier «Ladji» comme on l’appelle en famille.

Soucieux de se faire un avenir pour mieux s’occuper de sa regrettée maman (il a perdu très tôt le papa), Ladji se concentre sur ses études. Ainsi, après le Bac obtenu au Lycée public de Sikasso, il décroche un DEUG en anglais (unilingue) obtenu à la Faculté des lettres, des arts et des sciences humaines (FLASH) de l’université de Bamako. Il aligne ensuite de petits boulots pour soutenir sa famille. Le jeune homme sera tour à tour agent de sécurité et réceptionniste téléphonique à la mine d’or de Syama, télé-conseiller pour diverses sociétés, employé de commerce.

Au hasard du destin
Il finira par retomber dans l’humour de façon fortuite. «Il y a avait un balani show dans mon quartier, Sokorodji, et Dousey (Seydou Dembélé, le fils du Guimba National) était l’invité. Ce jour, il a imité les bwas (bobos). Mais, sa prestation ne m’a pas convaincu car je savais que je pouvais faire mieux. J’ai demandé à des amis si les organisateurs pouvaient me donner le micro pour une petite prestation. J’ai imité les bwas et l’assistance était si émerveillée que les gens ne voulaient plus que j’arrête », se souvient-il. « à la fin du spectacle, Dousey est venu discuter avec moi et m’a proposé de collaborer sur certaines prestations », ajoute Cheick Oumar.

C’est ainsi qu’il se retrouve à l’Acropole de Badalabougou pour l’animation d’une fête estudiantine avec Dousey, ATT Junior (Djely Moussa Kouyaté)… Il y a rencontré le même succès qui va lui ouvrir en 2009 les portes de l’émission humoristique sur la chaîne nationale (ORTM), «Yélébougou», de Koman Diabaté avec Fanaday Entertainement.

«L’expérience a tourné court à cause des promesses non tenues par Fanaday et Koman. Au début, nous ne recevions que 1.000 Fcfa par prestation. Mais, avec le succès de l’émission et le soutien de nouveaux partenaires et mécènes, notre cachet a progressivement augmenté à 2.000, 3.000, 4.000, 5.000 et 10.000 Fcfa. Finalement, nous avons signé avec eux un contrat de 40.000 Fcfa par mois avec la promesse d’offrir une moto à tous les comédiens », se souvient le jeune humoriste.

Et de poursuivre, «nous n’avons été payés que les trois premiers mois. Et je n’ai jamais vu la couleur de la moto. J’ai donc été le premier comédien a claqué la porte de Yèlèbougou. Je leur ai dit que j’ai une famille à nourrir». Le jeune talent sera ensuite très actif à «Bamako Comédie Club» de l’Espace Bouna puis à «Lafia Show» au Manège de Lafiabougou-Koda. Des collaborations généralement rompues à cause d’arnaques sur les cachets.

Ouverture sur le monde
«Meilleur comédien de Maxi Vacances» (ORTM) en 2012, Paracétamol se produit pour la première fois en 2015 hors de nos frontières, précisément au Burkina Faso à l’occasion de la 8è édition du Festival international du rire et de l’humour de Ouagadougou (FIRHO, du 29 au 31 mai 2015) avec Augusta Palanfo. Une première sortie réussie au point qu’il a été invité à se produire dans d’autres villes du Burkina.

«à Ouagadougou, j’ai croisé la cantatrice-artiste Naïny Diabaté parce que nous étions logés au même hôtel. Elle n’a pas caché sa fierté parce qu’elle a eu les échos positifs de mes prestations. Et quand elle a su que j’étais venu par la route, elle s’est débrouillée avec le regretté Mahamadou Lah dit Madou Dakolo pour me trouver un billet d’avion. Elle m’a dit : tu as rehaussé l’image du Mali ici et tu mérites tous les honneurs», se rappelle Cheick Oumar.

Ce succès lui ouvre d’autres portes en dehors du pays. L’humoriste va enchaîner des prestations à Abidjan (Côte d’Ivoire), à Conakry, à Niamey dans divers rendez-vous humoristiques.

Sur la scène nationale, il est sollicité pour des événements d’envergure comme Africa Comedy sur Africable, Festival international de slam et humour (FISH Mali), Festival international Urban and Mode de Sélingué, Festival international la voix des femmes Bamako… Sans compter les nombreuses sollicitations des ONG pour les campagnes de sensibilisation.

Comédien
En dehors de l’humour, Ladji a aussi joué dans des feuilletons et films comme «Les Rois de Ségou» (Fakrou), «Dougoubasigui» (Adama) et «Yèrèdonbougou» (Sambourou le Talibé) du réalisateur Boubacar Sidibé. Il joue aussi le rôle d’un vendeur de brodé dans «Tourbillon à Bamako» du réalisateur français Dominique Philipe…

Ladji se veut un artiste engagé pour ses convictions, pour le cercle et la ville de Kadiolo, pour le Mali et la jeunesse… à noter que Ladji est également «Ambassadeur de la paix» de la Fédération universelle de la paix.

N’empêche qu’il regrette que le rire éclipse souvent les vrais messages véhiculés dans les sketches et autres créations. «Dans au moins 80 % de nos œuvres, le public malien ne retient que le caractère comique. Le message n’est pas perçu. Et cela quels que soient nos efforts, quels que soient les langues et les supports utilisés», a-t-il déploré

à 44 ans, le jeune humoriste/comédien est aujourd’hui sur une belle lancée et, selon de nombreux observateurs, il est promis à une brillante carrière. Marié et père de 4 enfants, cet humoriste est pourtant un autodidacte en la matière. «Je n’ai jamais reçu une formation de comédien ou d’humoriste.

J’ai postulé dans le temps pour des bourses de formation, mais ça na pas marché», souligne l’artiste qui tire son inspiration du quotidien, des histoires racontées, des maux de la société, de l’actualité nationale et internationale. «Tout m’inspire», confie Ladji. Et aujourd’hui, sans vanité aucune, il dit fièrement : «je pense être le seul humoriste malien capable de faire des imitations dans au moins dix langues». Aux jeunes humoristes, il conseille néanmoins de se former et de ne pas céder à la facilité.

Message positif
Quant au regard de la société sur l’humoriste, il est convaincu qu’il revient à ce dernier de faire l’effort de soigner son image en envoyant un message positif à la société. «Nous devons faire face à beaucoup de préjugés dans ce métier qui est le plus souvent banalisé et dévalorisé. Mais, par nos actes et notre comportement, nous pouvons amener les autres à changer de regard sur ce que nous faisons, les pousser à nous accorder plus de crédit et de valeur», souligne-t-il.

Comme difficulté, l’humoriste/comédien met en évidence aussi le non paiement des droits d’auteur. «Seules les chaînes ORTM et Africable s’acquittent des droits. Et cela à leur guise parce que les montants versés sont loin du compte», déplore l’artiste. «L’ORTM continue à nous refuser une simple attestation de diffusion. Cela est inadmissible», ajoute-t-il. «Aujourd’hui, la détermination et la bonne foi de Mme Aïda Koné (directrice du BUMDA) sont incontestables. Mais, dans ce pays, on aime trop vivre de la sueur des autres», indique le natif de Kadiolo.

Et c’est sans doute pour rehausser l’image de la profession qu’il s’est battu pour créer l’Association des humoristes. Une mission difficile d’autant plus que s’il est personnellement en bon terme avec tous ses collègues, «c’est un milieu très divisé à cause des coups bas que se font les uns aux autres. Et cela nous fragilise davantage face au gouvernement et à nos partenaires», déplore Cheick Oumar Ndiaye alias Paracétamol. Hélas !

Moussa Bolly

SourceEssor

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