Le citoyen malien vit depuis 2012 avec le sentiment, face à la crise du nord d’abord et du centre ensuite, d’être la dupe d’une stratégie d’envergure jamais égalée depuis la conquête coloniale pour le dépeçage du territoire. Prémices de volontés concertées, mais non écrites pour éviter l’erreur de la conférence de Berlin de novembre 1884 à février 1885 qui avait reparti les territoires extra européens aux grandes puissances de l’époque avec ostentation.
Depuis bien longtemps, dans les rues du Mali comme ailleurs, il est coutumier d’avancer que dans une amitié à trois, il y en a généralement un qui joue le rôle de l’idiot utile, ou plus courtoisement, de dindon de la farce. Les deux autres s’arrogeant alternativement le rôle de troisième larron.
Ce disant je me fais l’écho de la majorité des maliens s’estimant victimes de trois acteurs : les autorités maliennes qui, depuis la chute du régime de Moussa Traoré en 1991, ont superbement réussi à démanteler l’armée nationale tout en procédant à l’abandon progressif de la souveraineté du pays sur l’ensemble de son territoire. Les autorités françaises qui, depuis 1963, sont régulièrement à la manœuvre dans les tentatives de partition du Mali.
Enfin les autorités algérienne qui, depuis le départ de Ahmed Ben Bella et de celui qui le renversa par un coup d’État en 1965 Houari Boumédiène, ont abandonné tout esprit panafricaniste, panarabiste et même algérien. Ils ont pris leur pays en otage et, depuis le début des années 1990, ont savamment exporté le djihadisme naissant des GIA, GSPC entre autres vers ce Mali dont les dirigeants, pris d’une démence autodestructrice, avaient brillamment mis à terre leur armée.
Une brève analyse du comportement de ces trois acteurs ne peut que révulser toute personne disposant d’un minimum de dignité humaine.
Les dirigeants maliens :
La décrépitude a commencé sous le régime de Moussa Traoré (novembre 1968-mars 1991) à partir des années 1970 quand certains membres du CMLN et proches ont commencé à faire bombance avec le denier public et le retour calamiteux du Mali dans la zone CFA.
Toutefois, son régime n’a jamais failli dans la sauvegarde de l’intégrité territoriale du pays.
Un des premiers coups portés à cette souveraineté territoriale a été l’oeuvre de Alpha Oumar
Konaré qui, parce qu’il abhorrait l’armée à cause des répressions subies, les arrestations arbitraires sous Moussa Traoré ainsi que la peur d’un coup d’État, a mis l’armée plus bas que terre durant ses deux mandats. Avec tambours et trompettes il a mis en exergue le démantèlement des équipements militaires en s’en faisant le metteur en scène. Des avions de chasse auraient été empêchés de voler jusqu’à ce qu’ils deviennent des épaves, des blindés vendus au prix de la ferraille aux indiens. La corruption et la destruction du système éducatif qui avaient commencé sous Moussa Traoré se sont ragaillardies durant ses deux mandats.
Son successeur, Amadou Toumani Touré, longtemps perçu comme un homme providentiel, a fait preuve d’une naïveté déconcertante en accordant trop de crédits aux paroles de personnes pour lesquelles la trahison, le mensonge et la duplicité sont des qualités. Ses erreurs d’appréciation ont coûté très cher à lui-même et au pays, même si on peut admettre qu’il était de bonne foi alors qu’il commettait de graves erreurs dans ses analyses politiques.
Les faux-amis et ennemis déclarés observaient les décisions inconséquentes des autorités maliennes qui eux-mêmes mettaient en place le scénario catastrophe pour le grand bonheur des sécessionnistes et leurs partisans opportunistes.
Prenant la succession de Amadou Toumani Touré, Dioncounda Traoré, exalté par son statut de Président intérimaire coopté par la CEDEAO et quelques États autoproclamés “communauté internationale”, a été pris d’une violente frénésie de signatures, paraphant glorieusement tous les accords stupides et farfelus qu’on lui soumettait. Le pire étant qu’il se soit laissé dicté les termes de l’intervention de la force SERVAL au Mali. Dioncounda Traoré demandait un appui aérien à la France quand la CMA actuelle (ex MNLA) et ses alliés terroristes djihadistes d’AQMI et du MUJAO descendaient vers le centre, mais François
Hollande, Jean Yves Ledrian et Laurent Fabius lui avaient imposé et dicté un autre plan, imposant ainsi une intervention terrestre de l’armée française, entre autres engagements anticonstitutionnels. Cela permet d’évoquer le cas des autorités françaises.
Les dirigeants français :
Je voudrais dire ceci à certaines personnes qui se sont fait les porte-flingues du côté obscur de la politique française en Afrique. Dès que l’on émet une critique fondée, connue et reconnue y compris par d’autres autorités françaises, ces personnes lâchement planquées sous des pseudos se mettent à aboyer sur les réseaux ou les pages de commentaires sur les parutions en ligne. N’est pas anti-français ou anti France celui qui critique les comportements contraire aux valeurs de la République des autorités françaises, mais celui qui les dilue, les étouffe, invite à regarder ailleurs. Absoudre toutes les actions des autorités au nom du sacro-saint intérêt supérieur de son pays, c’est accepter des abjections qui pèsent de leur poids mort sur les valeurs humaines et républicaines. Sauf à accepter que les populations qui subissent ces dérives aient une valeur humaine intrinsèquement moindre.
J’invite tous les Français souhaitant connaître la réalité, la vérité, les Maliens et Africains qui veulent savoir, à effectuer des recherches sur quelques noms de personnes et/ou situations, liens internet que je vous propose ci-dessous. Vous verrez si vous voulez voir :
Les auteurs du livre “OPÉRATION SERVAL AU MALI. L’INTERVENTION FRANÇAISE
DÉCRYPTÉE”, Stéphane Baudens, Olivier Chantriaux, Amaury Colcombet, Jean-Baptiste
Cousin, Thomas Flichy de la Neuville, Arnaud Griffon du Bellay, Pierre-Louis Lavie de
Rande, Gregor Mathias, Jean-Eudes Miailhes, Jérôme Pâris, Antoine-Louis de Prémonville,
Francis Simonis, Stéphane Taillat, et Anne-Sophie Traversac.
En novembre 2013, ces personnes appartenant au lobby militariste, suite à la parution du livre, ont animé une conférence au siège de l’OTAN dont le thème introductif était sans ambigüité: ” La question de la stratégie de sortie de la France du Mali, idéalement liée à l’instauration d’une possible fédération malienne pour une plus grande stabilisation de la région, introduit le débat avec le public”.
https://www.nato.int/cps/fr/natohq/news_104974.htm?selectedLocale=en
Ainsi, alors que la République française reste une et indivisible, ces idéologues de la pensée unique militariste et impérialiste ne jurent que par le passage du Mali d’un système unitaire à un système fédéral, prélude à la partition dont les accords d’Alger de 2015 constituent la première phase. La logique voudrait que l’on passe du confédéralisme au fédéralisme et de ce niveau médian au pays unitaire. Mais on voudrait imposer cet illogisme séparatiste au
Mali.
Pourquoi Laurent Fabius a brutalement démis Christian Rouyer de sa fonction d’ambassadeur de France au Mali en 2013 pour le remplacer par un spécialiste des eaux troubles Gilles Huberson(2013-2016)?. Ce monsieur est aujourd’hui accusé de violences sexiste et sexuelle par au moins cinq femmes en Côte d’Ivoire où il était ambassadeur d’après un article paru dans Médiapart du 19 septembre 2020.
Jean Yves Ledrian, Florence Parly, Emmanuel Macron, François Hollande, Laurent Fabius,
Alain Juppé sont sur la même ligne que les idéologues de l’OTAN et de l’école militaire de
Saint-Cyr Coëtquidan. Ils ont la haute main sur la gestion militaire de la MINUSMA au Mali.
Le vendredi 02 septembre 2020, bien qu’opposé à la plupart des choix politiques d’Emmanuel Macron, j’ai apprécié de nombreux passages de son discours sur les séparatismes islamistes salafistes.
Mais alors, pourquoi cette même France soutient-elle au Mali des groupuscules (CMA, HCUA, MAA) qui s’étaient alliés à des terroristes islamistes salafistes et qui le feraient encore aujourd’hui si leur calcul l’impose? Schizophrénie politique: il n’est ni bien, ni bon d’être islamiste terroriste salafiste en France, mais c’est exceptionnellement bien et bon de l’être au
Mali. En fait la schizophrénie le dispute au mépris.
Les autorités algériennes
L’amitié entre Algérie de Ahmed Ben Bella et le Mali de Modibo Keïta, commencée dès les débuts de la guerre d’indépendance de l’Algérie en 1954 ne s’est démentie qu’à l’entame des années 1990 quand les derniers caciques de la lutte d’indépendance, ALN et FLN, en Algérie ont confisqué le pouvoir à leur seul avantage. Les visions pour la libération des peuples colonisés étaient communes ainsi que les options politiques de non-alignement. Après son indépendance en 1960 le Mali s’était investi auprès des combattants algériens pour l’indépendance.
Cela avait valu cette phrase sentencieuse d’André Malraux, ministre français de la culture, à
Seydou Badian Kouyaté son homologue de l’économie au Mali : “vous savez, Monsieur le Ministre, ce que je vous reproche, c’est que vous semblez avoir préféré l’Algérie à votre amitié avec la France. Vos liens avec l’Algérie constituent pour moi une aventure. Avec la France, c’est un destin. Nous aurons peut-être l’occasion d’en reparler, gardez cela à l’esprit».
Suite à ces propos, et comme par une opération du Saint Esprit, la première rébellion séparatiste éclata en 1963 dans la région de Kidal avec des armes venues du camp de l’armée française de Reggane dans le centre-sud algérien. C’est là que Le samedi 13 février 1960 à 7 h 04 (heure locale), la France faisait exploser sa première bombe atomique, sous le nom de code Gerboise bleue. En quittant la zone, suite à l’indépendance de l’Algérie, par mesure de représailles contre le Mali on refila les armes à cette même minorité parmi les Touareg, les Ifoghas qui se sont arrogés le titre de l’aristocratie Touareg. Les mêmes éléments forment aujourd’hui la CMA.
Une hypothèse, assez plausible, met en avant l’existence d’un deal entre les autorités algériennes et françaises actuelles consistant à jeter les bases d’une séparation du Mali en se répartissant les bénéfices.
Des témoignages persistants sur l’occupation de plusieurs zones du territoire malien par des troupes algériennes sont entendus. Certaines sources évoquent des nouveaux bornages ayant annexé la localité d’Inahalile. Des colonnes de véhicules militaires ont été aperçues dans la nuit du 28 au 29 septembre 2020 à 120 km entre Gao et Kidal.
L’expression machiavélique attribuée à Charles De Gaulle sur le fait que les Etats n’auraient pas d’amis, mais que des intérêts seraient-ils entrain de se vérifier aux détriments du Mali ?
Le peuple malien doit se mobiliser encore et encore contre la corruption, l’injustice sociale et les visées des faux-amis qui ne chercheraient qu’à participer à la curée. Ils conseillent les dirigeants de la CMA et leurs alliés tout en magnifiant l’amitié avec le peuple malien.
Le peuple malien et le CNSP ont du pain sur la planche. Et le CNSP doit se méfier des conseils de ceux-là mêmes qui ont mené le Mali dans le trou où il se trouve en voltigeant entre des négociations et accords triviaux avec Blaise Compaoré et Abdelaziz Bouteflika. Deux individus qui ont trahi leurs propres peuples.
Le chantier est vaste et parsemé d’embûches, mais le peuple peut tout remettre à l’endroit.
Que se taisent ces capitulards qui abandonnent avant même de commencer à se battre et découragent les plus vaillants par des propos défaitistes.
Il faut oser et l’impensable se produira: ” Ils l’ont fait parce qu’ils ne savaient pas que c’était impossible” Marc Twain.
Le peuple peut arriver à bout de toutes les manigances s’il se réapproprie son pouvoir en choisissant, non pas des scolopendres, mais des hommes intègres et courageux.
Yamadou Traoré
Analyste politique
Source: L’Aube