Chaque année, au Mali, le mois d’octobre est consacré à la solidarité et à la lutte contre l’exclusion. Une occasion pour les autorités de l’Etat d’aller à la rencontre des plus vieilles personnes ainsi que des personnes démunies pour leur apporter des soutiens. Dans la même logique, notre rédaction a rencontré Alima Sidibé, une vieille de plus de 130 ans. Mami a encore la mémoire bonne.
Âgée de 136 ans, originaire de Kabaya, dans le cercle de Yanfolila, Alima Sidibé vit à Kabala, quartier périphérique de Bamako, dans la région de Koulikoro, chez son fils. Cette vieille dame, à la peau ridée, a encore la voix audible, malgré que le poids de l’âge pèse un peu sur son audition, sa vision ainsi que sa bipédie. Edentée, elle ne mâche plus de colas et a également cessé de consommer du tabac. Néanmoins, elle garde toujours la mémoire bonne pour se rappeler des faits ayant eu lieu avant même qu’elle ne se marie. N’ayant pas été instruite, difficile pour elle de dater les faits. Discuter avec elle demande un peu de patience. Pour mieux se remémorer, elle est obligée d’observer de longues pauses. Preuves qu’elle réfléchit à la suite du fait qu’elle raconte. Le poids de l’âge oblige.
« Avez-vous eu connaissance de la grande famine causée par des criquets, il y a des années ? », nous demande-t-elle avant d’observer une pause d’à peu près une minute avant de poursuivre : « Il n’y avait pas de mil. Les gens ont souffert ». Sur son mari, Siratigui Diakité, mort il près de 28 ans aujourd’hui, Mami se rappelle encore que celui-ci était un grand chasseur de tout son temps dans leur village.
Les souvenirs, Alima en a en vrac. Elle essaie même de les raconter en mêlant un peu d’humour, même si cela ne lui réussit pas. « Avant les indépendances du Mali, je n’étais pas encore mariée. Les choses se faisaient différemment à notre époque. Je me rappelle que dans notre village, on confectionnait des chaussures avec les coques de haricot », a-t-elle laissé entendre dans une voix frissonnante.
Alima a auprès une de ses filles, Mina Diakité, âgée elle aussi de près de 100 ans. Celle-ci est heureuse de se retrouver aujourd’hui auprès de sa mère. Tenant bon sur ses pieds, puisque exerçant même des activités de petits commerces, Mina, que les enfants du quartier appellent affectueusement TeninNiouma, explique que Alima a énormément travaillé dans sa famille conjugale. Elle a cultivé pour nourrir ses enfants parce que le travail de plein temps de leur père était la chasse. Quant à l’éducation de Alima, elle était un peu austère. Elle n’hésitait point à se faire entendre à l’aide d’un fouet ou d’un bâton, comme la plupart des vieilles personnes de son époque, laisse entendre Mina.
Selon les témoignages de sa fille, dans son village, Alima est la seule vivante de sa génération. Ce qui expliquerait d’ailleurs tout le dégoût de cette vieille dame de la vie. Lui souhaiter longue vie, l’agace. A la place, elle préfère qu’on lui souhaite un bon voyage pour l’éternité.
Ses petits fils ne tarissent point d’éloges des qualités de cette vielles de plus de 130 ans. Drissa Diakité, enseignant dans une école fondamentale privée à Kabala, explique que malgré le poids de l’âge, Alima a le sens de l’humanisme. Elle traite tous les gens sur le même pied d’égalité. Son quotidien est partagé entre le sommeil et les causeries avec ses petits fils qui ne cessent de la taquiner.
Mais le drame, c’est de constater que chaque année, le mois d’octobre est consacré à la solidarité et à la lutte contre l’exclusion au Mali. Pourtant, une telle vieille personne vit dans un quartier périphérique de Bamako, mais dans la quasi-négligence des autorités de l’Etat. Selon Mina Diakité, sa mère n’a jamais reçu de dons provenant d’autorités politiques. Pourtant, à l’en croire, l’autorité communale de Kalaban-coro est bien au courant de son existence. Si les mois de solidarité et de lutte contre l’exclusion gardent réellement tout leur sens, Alima Sidibé doit bénéficier de toutes les largesses des autorités durant ce mois.
F.Togola
Source: Le Pays