Ces petites mains utiles sont devenues des factotums dans nos foyers. Elles sont les premières à se lever et les dernières à regagner le lit.
Il faut admettre l’évidence, sans la présence de celles qu’on appelle péjorativement «les 52» ou aides ménagères ou encore bonnes à tout faire dans nos maisons, beaucoup de couples auraient volé en éclats. Ces employées de maison sont devenues, sans désobligeance aucune à nos épouses, mères et sœurs qui se prennent pour des houris (les femmes du paradis), indispensables à l’équilibre de nos foyers.
Pourtant, ces petites mains utiles sont très souvent rudoyées. Certaines d’entre elles essuient constamment la colère de leurs patronnes qui leur accordent quelques fois un traitement dégradant, humiliant, voire inhumain et le plus souvent pour des pécadilles. Les aides ménagères vivent quotidiennement entre reproches de leurs employeuses et exécution des besognes.
Les tâches ménagères et autres travaux domestiques relèvent des aides ménagères dans nos familles. Ces factotums sont les premières à se lever et les dernières à se coucher. Elles croulent sous la charge des tâches domestiques parce qu’elles doivent entretenir les maisons (en termes d’hygiène et d’assainissement), les enfants et même s’occuper des petits desiderata des époux de leurs employeuses.
Les difficiles conditions de vie de ces aides ménagères justifient que nos reporters s’intéressent à leur quotidien pour alerter la conscience collective sur l’urgence et la nécessité de revoir la copie à ce niveau. N’est-il pas temps que les femmes (en tout cas globalement) se réinventent dans le mariage ?
Certains maris s’accommodent mal de la place prise par les employées de maison dans la gestion de leurs familles. Personne ne peut reprocher à ces hommes de se préoccuper du phénomène. On se demande même si la situation peut continuer. En attendant les bonnes à tout faire continuent de souffrir dans nos maisons.
Ce jour d’octobre, l’adolescente Awa, installée sous un arbre à Banankabougou, se hâte à faire la vaisselle. Elle manipule habilement avec ses doigts marmites, assiettes, bols et autres récipients. Les cheveux ébouriffés, elle explique ignorer précisément à quelle heure elle débute ses besognes. «Je fais principalement la vaisselle et le balayage de la maison de ma patronne», indique-t-elle, avant de se précipiter dans la cour de la maison pour achever la toilette d’un enfant.
à quelques encablures de la maison où est employée Awa, une autre aide ménagère exécute les mêmes besognes. Elle se fait réprimander par une femme âgée d’une maison voisine à celle de sa patronne qui lui reproche «d’inonder» les lieux avec des eaux sales. Mais face à la furie de la dame, la «52» restera muette comme une carpe.
Au carrefour de Magnambougou, connu sous «Magnambougou Tournant», Ami Dembélé, âgée de 17 ans, vend à la criée des sachets d’eau fraiche de sa patronne. Elle n’apprécie guère une telle situation mais explique n’avoir pas le choix si elle ne veut pas perdre son emploi. Dans l’agenda de la bonne à tout faire, c’est une activité quotidienne bien calée qui l’exempte des autres tâches ménagères. «Je m’occupe du nettoyage des toilettes, de la vaisselle et de la lessive. Je fais également la cuisine. Une fois le repas prêt, je me consacre à la vente des sachets d’eau jusqu’à 19 heures avant de retourner à la maison», raconte Ami Dembélé avec amertume.
Au-delà des caprices de leurs employeuses, les aides ménagères sont aussi exposées à des agressions verbales, voire sexuelles de certains énergumènes. Ami Dembélé souligne avoir été agressée verbalement par un apprenti-chauffeur, sans vergogne, parce qu’elle aurait simplement refusé ses attouchements. «Il a failli me tabasser parce que je n’ai pas accepté qu’il me passe le bras autour du cou et me câliner», relève la bonne. Pour elle, les clauses des contrats tacites d’embauche des employées de maison restent floues. «On nous fait faire tout», s’indigne-t-elle.
Dans sa famille à Magnambougou, la sexagénaire Salimata Diakité trône. Elle déguste du thé vert, la boisson nationale, au milieu de ses quatre belles-filles. «Chez moi, l’aide ménagère s’occupe de la vaisselle, du nettoyage de la cour et des toilettes», explique la vieille dame. Mais elle s’empresse de préciser que l’employée de maison n’assure pas la lessive chez elle, ajoutant ne pas avoir de la gêne à invectiver une employée de maison qui ne fait pas correctement son travail.
Certaines patronnes, à tort ou à raison, reprochent aux aides ménagères un manque d’éducation. Certaines employées de maison ont des comportements qui jurent avec la décence. Comme pour corroborer ce constat, la mémé désigne du doigt la vaisselle de la matinée qui attend d’être lavée.
Bakoro Ballo est employée de maison chez Salimata Diakité, depuis trois ans. Elle est incapable de nous préciser son âge. Sa patronne déplore son retard récurrent parce que selon elle, la bonne doit commencer le travail à 7 heures. La petite bonne se consacre à ses obligations jusqu’à une heure indue où elle rentre dormir auprès des siens. Contrairement à son actuelle employeuse, la première patronne de Bakoro Ballo, n’était pas du tout tendre avec elle. « Elle n’hésitait pas à me battre parce qu’elle me jugeait paresseuse», se souvient encore Bakoro.
Massé Mariko, du haut de ses 16 bougies, commence à exécuter ses tâches ménagères à partir de 6 heures, surtout depuis la reprise des cours. Elle doit laver tôt les enfants de sa patronne avant qu’ils n’aillent à l’école, ensuite s’occuper de la vaisselle, de la lessive et du nettoyage. «Je termine cette corvée aux environs de 13 heures. Le soir, j’enchaîne encore avec la vaisselle et d’autres tâches ménagères jusqu’à 21 heures», explique l’adolescente qui reconnaît être un peu distraite.
Mme Diarra Rokia Bagayoko rend hommage aux aides ménagères. «Je ne sais pas comment j’allais m’entendre avec mes beaux-parents sans une bonne à tout faire. Je n’aime pas faire la lessive. Mais par la grâce d’Allah, ce n’est plus un souci pour moi avec la présence d’une employée domestique, explique-t-elle à qui veut l’entendre. « Tous les deux jours, elle lave les habits des enfants. Pour les miens et ceux de mon époux, cela se fait toutes les deux semaines», indique Rokia Bagayoko.
Pour Mme Maïga Hawa Kayentao, superviseure à Enda/Mali, les aides messagères jouent un rôle très important dans nos familles. Elle argumente. «Ces employées de maison appuient beaucoup les femmes de la capitale dans la gestion des obligations ménagères. Sans elles, souligne l’humanitaire, les femmes ne peuvent pas se consacrer pleinement à leurs activités professionnelles. Et d’exhorter les employeurs à réserver un traitement décent aux aides ménagères mais surtout d’avoir de la considération pour elles comme si ces petites mains utiles étaient les siennes.
Mohamed D. DIAWARA
Source : L’ESSOR