Depuis quelques jours, l’appel au boycott des produits français se répand sur les réseaux sociaux du monde musulman, en réaction aux propos du président Macron. Lors de l’hommage au professeur Samuel Paty, il avait indiqué que la France ne renoncerait pas aux caricatures du prophète Mohamet. Les exportations françaises vont-elles pâtir de cet appel ?
Cela dépendra du succès de cet appel, encore à confirmer, et aussi du poids des échanges commerciaux avec les pays les plus mobilisés. Même si le Koweït s’est montré très réactif, les fromages emblématiques Kiri et Babybel ont déjà été retirés des grandes surfaces de l’Émirat et une soixantaine de coopératives koweitiennes annoncent que les produits tricolores ne seront plus distribués, l’effet négatif sera limité dans ce pays, car les exportations françaises y sont faibles, elles se montent à quelques centaines de millions d’euros seulement.
Si l’appel s’amplifie, c’est un risque pour les produits les plus exposés au grand public. Ceux de l’agro-alimentaire, de la cosmétique et des parfums. Trois industries qui contribuent positivement à la balance commerciale française et qui souffrent déjà en ce moment des conséquences du Covid-19. Outre le Bahrein, au Qatar, deux chaînes de supermarchés – Al Meera et Souq el Baladi – ont vidé leurs rayons des produits tricolores. En Arabie saoudite circule un message de boycott des magasins Carrefour.
Ponctuellement un boycott peut-il nuire à une entreprise ?
Danone en a fait les frais au Maroc il y a deux ans. Suite à un appel relayé par Facebook, son lait jugé trop cher ne trouve plus aucun acheteur. Son chiffre de ventes annuel a reculé de 178 millions d’euros dans ce pays, un incident qui a pesé sur son bénéfice global. Les marques prennent très au sérieux les boycotts relayés par les médias sociaux. Elles craignent plus pour leur image que pour leurs ventes et s’engagent souvent à prendre en compte les attentes des consommateurs qui les boudent. Au Maroc, Danone a ainsi abaissé le prix de son lait. Dans la menace lancée la semaine dernière contre les produits français, les entreprises ont en revanche peu de prise, puisqu’elles ne sont pas directement mises en cause.
L’Élysée pourrait revoir sa position pour protéger les entreprises françaises ?
L’histoire démontre que si les entreprises peuvent s’amender pour échapper au boycott, en revanche les États ne capitulent jamais. Le gouvernement français demande d’ailleurs aux dirigeants des pays concernés de faire cesser ces appels au boycott, sans revenir sur les propos du président. L’exemple le plus frappant de l’inflexibilité des États est celui d’Israël, soumis depuis 15 ans au mouvement BDS pour « Boycott, Desinvest, Sanction ». Un appel lancé par des groupes palestiniens. Israël combat cette campagne sur tous les fronts, avec les outils du droit et de la diplomatie. Bien que ses exportations en souffrent peu puisqu’elles sont concentrées sur les produits technologiques à haute valeur ajoutée difficiles à remplacer et souvent importés non pas par des particuliers mais des entreprises ou des États.
Les exportations françaises vers les pays arabes sont-elles dans la même situation ?
En grande partie. Dans les pays du Golfe, la France exporte des armes et surtout des avions. C’est 60% des exportations vers le Qatar et Bahrein. En Arabie, les achats de radars constituent le premier poste pour l’année 2019. Ces contrats font l’objet d’appels d’offre de longue haleine où les considérations politiques sont aussi prises en compte. Idem pour le blé, le premier produit exporté par la France au Maroc et en Algérie. Sur ces produits de haute technologie, ou de première nécessité, les appels au boycott lancé par la société civile sont impuissants.
EN BREF
Dans la Chine communiste, la ligne économique des cinq prochaines années se décide cette semaine lors du plénum du comité central du parti
Cette instance très politique qui se réunit à partir de ce lundi à Pékin détermine en grand secret le plan quinquennal des années 2021-2025. Face aux « vents contraires » mentionnés par Xi Jinping, Pékin devrait réaffirmer la priorité au développement de la demande intérieure.