Annoncée, à grands renforts de publicité, la visite de Jean-Yves Le Drian, à Bamako, a débuté dimanche dernier. Officiellement, il s’agit pour la France de rassurer les autorités de la transition du soutien de la France. Mais pas seulement.
Au cours de son séjour dans la capitale malienne, le chef de la diplomatie française sera, tour à tour, reçu en audience par le président, le vice-président et le Premier ministre de la Transition.
Il signera, avec les autorités maliennes, plusieurs projets de coopération. D’un montant global de 92 milliards CFA, ces projets portent, entre autres, sur l’amélioration du réseau électrique national, l’amélioration de l’accès à l’eau potable en faveur de six localités, l’autonomisation des femmes, la lutte contre la pauvreté….
La mise en œuvre intégrale de l’Accord pour la paix
Mais, officieusement, le chef de la diplomatie française est venu prendre langue avec les autorités de la transition pour relancer l’application « intégrale » de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale.
Signé, en 2015, par l’Etat du Mali et les Groupes armés, sa mise en œuvre pose problème : elle consacre la partition de fait du Mali. Comme ce fût le cas, récemment, au Soudan.
Elaboré, par des officiels français qui assistaient le MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad) dans les couloirs des négociations, cet Accord octroie plus de 2/3 du territoire national au Groupe séparatiste touareg. Notamment, les trois régions du Nord, peuplés à majorité de sonrhaï, peulh, bambara, bozo, somono, arabe, bellah…
Les touareg, toutes communautés confondues, représentent 11,6 % des populations du Nord. A l’échelle nationale, ils ne représentent moins de 0,98 % des 20 millions de Maliens.
Malgré tout, la France continue de soutenir les séparatistes touareg, afin de pouvoir faire main basse sur les ressources naturelles, dont regorge le septentrion malien : pétrole, uranium, or, bauxite, manganèse, phosphate, gaz naturel, fer, eau naturelle…
Plus grave encore, plus de 80 % des Maliens ignorent, jusqu’à ce jour, le contenu de cet « Accord », signé par le président de la République d’alors, sous la pression de l’Elysée.
Pire, l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale n’a pas été soumis à l’appréciation de l’Assemblée nationale. Avant d’être signé par l’Etat.
C’est pourquoi, la relecture de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale a été la principale recommandation du Dialogue National Inclusif auquel les Groupes armés signataires de l’Accord ont participé.
Dans un entretien accordé, lundi matin à l’ORTM, l’ambassadeur de France à Bamako rappelle que « seule la mise en œuvre intégrale de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale permettra au Mali de retrouver le chemin de la paix et de la stabilité ».
En clair, le Mali ne sera en paix que le jour où, il acceptera de se séparer de son riche septentrion au profit de la France. Ou de ses complices : le MNLA, rebaptisé, à dessein, CMA (Coordination des Mouvements de l’Azawad).
Accusée, par les Maliens, de soutenir les séparatistes touareg depuis 2010, la France est mal perçue au Mali ; mais aussi, dans les pays voisins, qui l’accusent de vouloir créer un « Etat », dénommé « Azawad » au Nord du Mali. Un précédent fâcheux que ni l’Algérie, ni la Mauritanie, ni le Niger, encore moins le Burkina Faso, qui abritent des populations touareg ne sont prêts à accepter.
Au Mali, particulièrement, le « sentiment anti-français » est perceptible à tous les coins de rue. Le drapeau français avait été, maintes fois, brûlé par des manifestants en colère. Et la devanture de l’ambassade de France, occupée des jours durant, par des associations de jeunes, qui protestent contre l’occupation de Kidal par les troupes françaises.
Restituer Kidal à l’Etat malien
« Je souhaite redire, très clairement, que Kidal c’est le Mali. Et c’est l’Etat malien », déclarait le président français pour tenter de désamorcer le « sentiment anti-français » au Mali.
Aussi forte qu’elle puisse être, cette déclaration n’a pas convaincue grand monde, ni à Kidal où, les populations sont prises en otage, depuis sept ans, par la CMA. Avec la complicité de la France. Et de son « armée d’occupation ».
Pour convaincre le peuple malien de sa bonne foi, la France doit joindre l’acte à la parole : cesser, d’une part d’instrumentaliser une poignée de séparatistes touareg regroupés au sein de la CMA pour faire main basse les ressources naturelles du Nord du Mali. Et, d’autre part, aider l’Etat malien à reprendre pied à Kidal, région qu’elle a fourguée à la CMA à dessein.
Que la France et ses « complices » se le tiennent pour dit : l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale ne sera appliquée qu’après sa relecture, conformément, aux recommandations du Dialogue National Inclusif.
La nécessaire relecture de l’Accord d’Alger
L’inapplicabilité de l’Accord sur le terrain est la preuve irréfutable de sa nécessaire relecture. Les communautés majoritaires du Nord n’accepteront jamais de se plier au dicktat de la minorité touareg, fû-elle soutenue par la France. La majorité démographique ne se laissera jamais réduite à une minorité démocratique.
C’est pourquoi, d’ailleurs, la principale recommandation du Dialogue National Inclusif, auquel les Groupes signataires avaient participé, aura été la relecture des points controversés de l’Accord d’Alger.
Si, rien n’a filtré de l’audience accordée à Jean-Yves Le Drian, par le président et le vice-président de la Transition, le Premier ministre, lui, a transmis deux messages forts du peuple malien au chef de la diplomatie française.
Le premier est la décision du peuple souverain du Mali à dialoguer avec les djihadistes, qui le souhaitent ; tandis que le second est lié à la relecture des points controversés de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale.
Oumar Babi
Canard Dechaine