Dans cette interview exclusive, le ministre Attaher aborde plusieurs sujets. Entre autres, on peut citer
les multiples crises qui secouent le monde du sport du pays, la sélection nationale, les Aigles, la gestion
des infrastructures, la détermination de son département à jouer sa partition pour la réussite de la Transition.
L’Essor : Monsieur le ministre est-ce que vous vous attendiez à être nommé à la tête du ministère de la Jeunesse et des Sports. Y’a- t-il eu des tractations ?
Mossa Ag Attaher : Ma participation au gouvernement s’inscrit dans le cadre de l’implication de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) aux organes de la Transition, conformément aux engagements pris entre les parties. Ministre de la Jeunesse et des sports, je ne m’y attendais pas particulièrement. Mais à présent que c’est le cas, je considère cette mission qui m’a été confiée par les plus hautes autorités du pays comme un challenge à relever. Être choisi pour traiter et répondre aux préoccupations de la plus importante couche de la population de notre pays (65%), je veux parler de la jeunesse, est une fierté, mais également un défi à relever.
L’Essor : Votre département est connu pour être un ministère difficile à gérer. Avant d’être nommé ministre, est-ce qu’il vous est arrivé d’être impliqué dans la gestion du sport ou d’en être acteur ?
Mossa Ag Attaher : Je ne suis pas dans des appréhensions subjectives, ministère difficile ou facile. À mon avis, chaque département de l’attelage gouvernemental est difficile, pour la simple raison que nous sommes nommés pour justement affronter et régler les problèmes et sans vous le faire dire, le mot problème suffit pour imaginer de ce qui peut en découler. Si le ministère de la Jeunesse et des Sports peut paraitre difficile pour certains, pour d’autres, les difficultés c’est au niveau d’autres ministères. J’aime souvent dire à mes collaborateurs que nous ne devons jamais avoir peur d’affronter les problèmes. Il faut, par contre, avoir le courage de les poser et bien les poser. Je demeure convaincu que tout problème non résolu est très souvent un problème mal posé.
L’Essor : Est-ce que le ministre Ag Attaher a un passé sportif ? Autrement dit, est-ce que vous avez pratiqué le sport de haut niveau ou dirigé une entité sportive ?
Mossa Ag Attaher : Comme toute personne qui se soucie de sa santé, je pratique quotidiennement le sport. Je n’ai ni dirigé une entité sportive, ni été un compétiteur sportif de haut niveau. J’ai cependant pratiqué le taekwondo entre 1997 et 2000 au sein du dojo ‘’Koulouda’’ de Darsalam. Mes camarades et mon maître de l’époque peuvent en témoigner.
L’Essor : Le monde du sport de notre pays, notamment celui du football est régulièrement secoué par des crises ou plutôt des querelles de personne qui prennent souvent des tournures insoupçonnées.
Qu’envisagez-vous pour éviter une crise au monde du football lors des 18 prochains mois ? Avez-vous déjà une feuille de route ?
Mossa Ag Attaher : Les difficultés, les querelles intestines, les égos qui traversent l’instance en charge de la gestion des organes, et du développement du football, ont causé beaucoup de tort à notre football, en général et à l’avenir de nos jeunes talents sportifs. Cependant, il faut reconnaître que chaque fois qu’il s’est agi d’un domaine qui met en relation des individus d’horizons divers et variés ou qui appelle à la compétition, on doit s’attendre à des divergences, de visions différentes et des méthodes qui peuvent concourir à une situation de mésentente au sein du groupe.
Pour parler spécifiquement du monde du sport malien, notamment celui du football, beaucoup de facteurs peuvent participer à être optimiste. Il s’agit d’hommes et de femmes qui se connaissent pour la plupart, qui ont cheminé ensemble et qui partagent la même volonté, à savoir celle de faire rayonner le football malien dans le gotha international. Pour notre part, nous pensons que la seule raison qui vaille, c’est celle qui consiste à mettre l’intérêt supérieur de notre football au-dessus de toute considération. J’en appelle à l’esprit de responsabilité de tous, particulièrement, les acteurs de notre football.
L’Essor : Vous avez déjà rencontré certains acteurs du sport. Qu’avez-vous retenu de ces rencontres et qu’attendez-vous des acteurs que vous avez rencontrés ?
Mossa Ag Attaher : Dès les premiers jours de ma prise de fonction, j’ai entrepris des rencontres avec des acteurs clés, de ce que certains appellent «la crise du football malien». Je rappelle que c’est un sujet, qui date pratiquement d’une demi-décennie, mais si notre passage au département de la Jeunesse et des Sports peut être mis à contribution pour faciliter l’apaisement et induire une communion au sein de la Femafoot (Fédération malienne de football, ndlr), j’exprime sans réserve ma totale disponibilité. C’est dans la même dynamique que j’ai rencontré le comité exécutif de la Femafoot, d’une part et d’autre part, l’autre camp, regroupé au sein du «Collectif des ligues et clubs majoritaires».
Je vous avoue qu’avec les deux acteurs, nos échanges ont été francs et porteurs d’espoir pour le football malien. Avec chaque partie, je me suis mis à l’écoute, j’ai enregistré leurs préoccupations, demandé leurs conseils et leur accompagnement pour que nous réussissions ensemble les rendez-vous présents et futurs de nos équipes. Tel doit être l’objectif ultime de tous ceux qui ont fait le choix de se mettre au service du football malien.
Il m’est arrivé de recevoir à huis clos les représentants des deux camps, auxquels j’ai indiqué les fondements de la mission du gouvernement de la Transition qui sont axés sur la transparence, l’inclusivité, la légalité et la cohésion nationale. Notre football doit constituer un facteur important de cohésion et non le contraire. Le processus d’échanges et de rapprochement des deux camps va continuer et je garde espoir que les violons seront accordés au grand bonheur du public sportif et de ces jeunes qui se sacrifient pour porter haut les couleurs nationales dans les stades du monde entier. Notre football a besoin de tout sauf d’une énième crise en son sein. Le ministère de la Jeunesse et des Sports va assurer et assumer tout le rôle de l’État dans le domaine des sports, mais se limitera aux seuls rôles de l’État.
L’Essor : Vous avez également visité certaines installations sportives du District de Bamako et selon nos informations, l’état de ces sites vous a choqué. Quelles sont les instructions que vous avez données aux responsables de ces infrastructures ?
Mossa Ag Attaher : Ma visite dans ces installations sportives auxquelles vous faites allusion s’inscrit dans la série de rencontres de prise de contact avec les services centraux et rattachés à mon département. L’objectif visé est de m’imprégner de l’état des lieux, du niveau d’exécution des chantiers en cours et de m’enquérir des préoccupations. Vous dites que j’ai été choqué, mais moi je dirais plutôt que j’ai fait des constats et déploré l’état de certaines de nos infrastructures.
De même que la gestion de certains responsables qui en ont la charge. À la fin de chaque visite, je me suis entretenu avec les personnes concernées et j’ai rappelé à tout le monde, l’importance que j’accorde à la gestion, à l’entretien et au suivi de chaque infrastructure. L’État n’a pas les moyens de tout faire, mais quand il investit dans des infrastructures, notre devoir est d’en assurer la bonne gestion. Les biens de l’État constituent notre patrimoine commun, aucune négligence à ce niveau ne doit faire l’objet de complaisance.
L’Essor : Plusieurs échéances attendent notre pays dans les prochaines semaines, notamment les éliminatoires de la CAN, Cameroun 2021. Les Aigles doivent affronter la Namibie en aller-retour. Le département a-t-il déjà pris les dispositions qui s’imposent pour permettre à la sélection nationale de préparer cette échéance dans les meilleures conditions ?
Mossa Ag Attaher : Lorsque vous évoquez ce seul match, cela donne l’impression que nos efforts visent à sauver les meubles pour une seule rencontre et retourner après à la case de départ. Ma vision et mon engagement durant mon passage à la tête du département consisteront à trouver des solutions durables à certains manquements qui ont constitué des handicaps majeurs dans la bonne gestion des choses.
Je suis conscient que je ne pourrais pas tout régler, je n’en ai aucunement la prétention, mais nous ferons en sorte que l’essentiel de ce qui peut être fait le soit pendant cette Transition. Pour cela, je voudrais vous faire savoir que le ministère de la Jeunesse et des Sports a toujours joué sa partition dans les préparatifs des grands évènements, surtout lorsqu’il s’agit d’une sortie de l’équipe nationale. Le match contre la Namibie ne fera pas exception à la règle.
En compagnie des membres de la Fédération malienne de football, j’ai déjà effectué une visite au stade du 26 Mars pour m’assurer que les recommandations des experts la CAF ont bien été prises en compte. Là également, j’ai donné des instructions pour la bonne exécution des travaux en cours. Je me rendrai ce vendredi à Kabala (aujourd’hui, ndlr), afin de m’imprégner des dernières dispositions prises pour l’accueil des joueurs de l’Équipe nationale afin de leur assurer un bon séjour en prélude à leur match contre la Namibie. Nous avons déjà entrepris ce qu’il faut, pour le match retour prévu le 17 novembre dans la capitale namibienne. Pour pallier à toute éventualité et au risque lié à l’irrégularité des vols commerciaux, nous avons pris le soin de réserver un vol spécial pour notre équipe nationale.
L’Essor : Vous le saviez sans doute avant votre nomination à la tête du département, à chaque regroupement des sélections nationales, toutes disciplines confondues, se posent des problèmes de primes, d’hébergement, de voyage etc. Que comptez-vous faire pour soigner l’image des sélections nationales ?
Mossa Ag Attaher : Vous savez, je préfère considérer que tous ces problèmes que vous énumérez n’existent pas tant qu’ils ne sont pas réellement posés. Quand ils seront posés nous allons les affronter et chercher à les résoudre dans la mesure du possible. Les manquements, les déficits, les imperfections font partie du quotidien de l’œuvre humaine. Le plus important, c’est d’avoir la volonté de les anticiper et de les résoudre. D’ores et déjà, je puis vous assurer que la volonté ne fera pas défaut. Et je ferai le plaidoyer nécessaire aussi bien au niveau du gouvernement que des partenaires pour avoir les moyens qui nous permettront de résoudre au mieux les aspects financiers de notre mission.
L’Essor : Qui parle de sport, parle forcément de jeunesse. Depuis plusieurs années, les jeunes du Mali réclament une vraie représentativité dans les organes de décision. Que leur promettez-vous dans les dix-huit mois à venir ?
Mossa Ag Attaher : Vous savez, la jeunesse malienne a reçu par le passé suffisamment de promesses, donc suffisamment d’espoirs déçus. En venant au département de la Jeunesse et des Sports, j’apporte plutôt aux jeunes l’invitation au travail, à l’initiative et à l’exploitation de l’énorme potentiel qu’elle représente. La plupart des préoccupations de la jeunesse malienne sont légitimes, car les jeunes du Mali ne demandent que deux choses : le droit à la formation et le droit à l’emploi. Notre mission, c’est de les accompagner sur le chemin qui mène à l’atteinte de ces deux préoccupations.
En répondant à la préoccupation de la formation et à celle de l’emploi, nous répondons également à la question de la représentation des jeunes. C’est dans cette logique que nous avons décidé de procéder à la relecture de la Politique cadre de développement de la jeunesse (PCDJ) afin de l’adapter au contexte actuel, en y intégrant les phénomènes nouveaux qui assaillent leur monde d’aujourd’hui et provoquent la peur de demain, notamment l’extrémisme violent, la migration clandestine, entre autres.
C’est dans le cadre de la suite du processus de relecture de cette politique que nous avons décidé d’aller à la rencontre de la jeunesse malienne dans toutes les régions du pays, afin de recueillir son avis et ses préoccupations à travers les concertations régionales de la jeunesse dont le lancement se fera à Bougouni, ce dimanche 1er novembre, en marge de la célébration de la Journée africaine de la jeunesse.
Au bout de ce processus de relecture, nous envisageons d’organiser le Forum national de la jeunesse du Mali. Qui sera le couronnement de notre démarche. Il faut ajouter qu’une table ronde des bailleurs de fonds et des partenaires est déjà programmée pour la mobilisation des ressources nécessaires pour la concrétisation de notre politique pour la jeunesse. Plus que de la politique de la jeunesse, nous ferons de l’action politique pour la jeunesse.
L’Essor : Vous êtes à la tête du département depuis le 5 octobre et vous avez déjà eu plusieurs séances de travail avec les travailleurs du ministère, mais aussi les agents d’autres structures. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué lors de ces rencontres ?
Mossa Ag Attaher : Je retiens des différentes sessions de travail avec mes collaborateurs et des agents des structures rattachées de la volonté, de la détermination et souvent de la passion dans ce qu’ils font et dans ce qu’ils envisagent de faire. À mes yeux, ce sont des aspects importants qui peuvent nous aider à atteindre nos objectifs. Je ferai en sorte que ces atouts se développent davantage. J’ai remarqué à certains endroits, des travailleurs qui sont dans des conditions difficiles, parfois sans même le minimum adéquat des conditions de travail, notamment la connexion Internet, la régularité de l’électricité, le manque d’ordinateurs, mais surtout de moyens de locomotion pour les services.
Mais on ne ressent pas cela dans le travail produit. Cependant, malgré toutes ces réalités, nous avons l’obligation, conformément à la lettre de cadrage du chef de l’État et à la feuille de route du Premier ministre, durant cette Transition, de promouvoir la bonne gouvernance qui exige des actions concrètes en termes de transparence, de la lutte contre la corruption et l’impunité, mais aussi de la communication pour donner de la visibilité à toutes nos actions. Pour ce faire, je compte sur l’accompagnement des médias, qui constituent des acteurs importants dans la promotion de la jeunesse et des sports.
Interview réalisée
par la Rédaction
Source: L’Essor