Affaire des mallettes, concussion entre les députés et le pouvoir en place : en 2018 à Madagascar, les scandales retentissent sur les bancs de l’Assemblée nationale. En 2019, comme un désaveu de la population vis-à-vis de cette élite politique, le taux d’abstention bat des records aux législatives…
Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud
C’est face à ces constats que l’ONG Tolotsoa décide de lancer son observatoire parlementaire citoyen baptisé « Balaky », qui signifie « éclairer », en dialecte malgache. L’esprit du projet : éduquer les citoyens sur le rôle du Parlement, les travaux qui s’y déroulent, et leur droit à demander des comptes. Mais rappeler aussi aux législateurs qu’ils sont désormais observés. Et qu’ils ont été élus pour faire le bien commun et non satisfaire leurs affaires personnelles.
Dans les tribunes de l’Assemblée nationale…
Hier, jeudi 5 novembre au matin, ils étaient deux observateurs dans les tribunes de l’Assemblée nationale à assister au vote de la loi sur le code éthique et de déontologie du Parlement, à l’ordre du jour pour la troisième fois en un an et demi. Mais une fois de plus, « le vote a été ajourné ».
Julie Manandraharisoa, l’une des observatrices du projet « Balaky » présente hier, explique : « Quand il s’agit d’une loi ou de quelque chose que la population estime être d’une grande importance, ils reportent systématiquement le vote de cette loi. Mais quand il s’agit d’autre chose, comme la pension de retraite des députés, ca va passer comme si de rien n’était. C’est ce type de comportements qu’on traque pendant les séances plénières et qu’on rapporte via les réseaux sociaux ou notre site web. Parce que ce type de comportement ne reflète pas du tout ce que les électeurs attendent d’eux. Ils devraient plus prendre au sérieux leur rôle en tant que législateur et représentant du peuple malgache. »
Le coordonnateur du projet, Tsimihipa Andriamazarivo, parle, lui, de déconnexion entre les questions débattues au niveau du Parlement, et les priorités des citoyens : « Nous, ce qu’on espère à travers ce projet-là, c’est de pouvoir combler le fossé, qu’il y ait plus d’échanges entre les parlementaires et les personnes qui sont censées être représentées de manière à ce que le Parlement devienne une caisse de résonnance véritable, et que ça se retrouve par écho dans les politiques publiques du gouvernement. »
Et le contrôle de l’action gouvernementale ?
D’après les membres du projet « Balaky », les citoyens, comme les Parlementaires, ignorent le rôle qui leur est dévolu. L’un des aspects du projet est donc d’éduquer : « Les parlementaires sont censés faire des rapports au niveau de leur circonscription, mais ce n’est pas vraiment un réflexe qu’ils ont. Ici, les rapports sont surtout faits quand il y a des dissensions entre les forces politiques. Le peuple ignore aussi souvent que l’Assemblée nationale et le Sénat ont un rôle de contrôle de l’action gouvernementale. Or, dans notre pays, il y a rarement des commissions d’enquête au niveau du Parlement. Concernant la gestion des fonds Covid qui a soulevé beaucoup de questions dans l’opinion, les parlementaires sont restés en retrait et ne se sont pas saisis du débat alors que c’était dans leur rôle et dans leur mandat. »
Le sitebalaky.org lancé cette semaine est déjà bien fourni. On y trouve le trombinoscope des élus (inexistants sur les sites des deux chambres), les partis aux couleurs desquelles ils ont été élus, les commissions auxquelles ils appartiennent. On peut y lire des articles sur les débats en cours (il n’existe pas de chaîne parlementaire sur l’île ; les séances plénières, sauf rares exceptions, ne sont pas retransmises à la télévision), l’ordre du jour, les travaux de commissions et la plupart des textes de lois. Le but, offrir une vue à 360° du Parlement et donner le plus de détails pour que la population, une fois informée, puisse demander plus de redevabilité à ses élus.
RFI