Le lien entre ethnies et conflits en Afrique est établi par de nombreux analystes. Pour les uns, le continent noir serait ‘’condamné’’ aux affrontements ethniques. D’autres, en revanche, ne voient pas en les ethnies la première cause des problèmes africains. Car, à leur avis, ces problèmes sont plutôt créés et nourris par les pouvoirs en place voire d’intérêts pour camoufler leurs véritables desseins.
D’après Paul D Williams, «Sans nier l’existence d’une «ethnie» au sens d’une «identité» distincte d’un autre groupe, il est en revanche aisé de démontrer que l’ethnie n’est pas une cause unique de conflit. Si tel était le cas, tous les groupes ethniques du monde seraient perpétuellement en conflit, alors que, la plupart du temps, ils vivent paisiblement côte à côte. Donc l’ethnie seule n’est pas une cause de conflit. Cela ne veut pas dire que les appartenances identitaires ne sont pas cruciales dans la guerre. Elles peuvent même très certainement venir alimenter le conflit ».
A son avis, les analystes doivent s’intéresser à l’ «ethnie plus», c’est-à-dire chercher les causes additionnelles aux conflits. Car l’ethnie n’est qu’un vecteur. Car ce qui apparaît à première vue comme des combats entre ethnies est bien souvent entièrement lié à des luttes entre les élites pour la puissance politique ou matérielle.
Ainsi, au Soudan du Sud, le conflit était au départ une opposition entre élites pour l’accès au pouvoir, avant de se cristalliser sur l’appartenance ethnique et une opposition entre Dinka et Nuer. Si ce conflit semble ethnique, sa cause est bien plus complexe.
Cette thèse soutenue par Williams semble très plausible. Les manipulations politiques, les crises politiques, les crises économiques, le problème d’accès aux ressources ou à la terre sont plutôt les principales causes des conflits dans le continent africain. Par exemple : si en Éthiopie, il est indéniable que la dimension ethnique est forte dans le conflit qui oppose les Oromos et les Amharas au régime éthiopien, ce serait toutefois une erreur d’analyse de réduire ces tensions à cette seule question?
Les Oromos, les Amharas et les Tigréens représentent chacun des groupes très hétérogènes. Les tensions actuelles dans cette vieille nation africaine sont certainement plus un problème de gouvernance qu’interethnique. Pour rappel : les contestations qui ont conduit en 2016 à la répression de l’opposition trouvent leurs racines dans l’annonce par l’administration de la capitale Addis-Abeba d’intégrer plusieurs municipalités voisines à son plan d’extension urbaine, et donc d’empiéter sur la région Oromo. A l’époque, les manifestants n’avaient jamais rejeté le fédéralisme mais s’opposaient au fait que le régime éthiopien ne se soit jamais démocratisé et que les retombées économiques ne bénéficient pas à tous.
Ces mêmes problèmes de gouvernance se rencontrent dans de nombreux pays d’Afrique. D’autant que les dirigeants ont la manie de considérer l’État comme leur bien personnel, en s’accaparant des ressources du pays. Il faut, pour progresser sur le plan économique et politique, que l’Afrique sorte de cette logique.
Gaoussou Madani Traoré