Nicolas Sarkozy a balayé d’un revers de main les accusations le visant dans l’affaire des écoutes, les qualifiant d'”infamies”, lors de la reprise de son procès, lundi, à Paris.
L’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, a dénoncé, lundi 30 novembre, des “infamies”, lors de son procès pour corruption dans l’affaire des “écoutes”. Les audiences ont repris une semaine après un faux départ en présence des trois prévenus dont l’un, Gilbert Azibert, a échoué à obtenir un renvoi pour raisons de santé.
“M. Nicolas Sarkozy, vous êtes renvoyé devant ce tribunal pour avoir…” Alors que la présidente lit comme d’usage les infractions qui lui sont reprochées, l’ex-chef de l’État, mains jointes devant lui, se tient droit à la barre. Puis il demande à dire quelques mots : “Je ne reconnais aucune de ces infamies avec lesquelles on me poursuit depuis six ans”, déclare-t-il.
L’ancien occupant de l’Élysée (2007-2012) se rassoit ensuite près de son avocat Thierry Herzog, qui comparaît à ses côtés, et pour la première fois de l’ex-haut magistrat Gilbert Azibert, dont la chaise était restée vide la semaine dernière.
Invoquant sa santé fragile dans le contexte de l’épidémie de coronavirus, l’ex-haut magistrat de 73 ans avait sollicité un renvoi. Mais après avoir ordonné une expertise médicale, qui l’a jugé apte à comparaître, le tribunal l’avait sommé jeudi de venir, “en personne”, à l’audience.
Lundi, la 32e chambre correctionnelle a débuté l’examen de cette affaire avec, d’abord, de rugueux mais décisifs débats procéduraux, la défense contestant notamment la validité des poursuites.
L’avocate de Nicolas Sarkozy, Me Jacqueline Laffont, a commencé à plaider la “nullité de la procédure toute entière”, en raison selon elle de “nombreuses dérives” et de “violations répétées, graves” des droits de la défense dans ce dossier.
Informations en échange d’un poste prestigieux
Jamais un ancien chef de l’État n’a été jugé pour corruption sous la Ve République. Avant Nicolas Sarkozy, 65 ans, un seul ancien président, Jacques Chirac, a été jugé et condamné en 2011 dans l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris, mais sans avoir jamais comparu devant ses juges, pour des raisons de santé.
Retiré de la politique depuis sa défaite à la primaire de la droite fin 2016 mais toujours très influent chez Les Républicains, Nicolas Sarkozy encourt dix ans de prison et un million d’euros d’amende pour corruption et trafic d’influence, comme ses co-prévenus jugés en sus pour violation du secret professionnel. Ils contestent aussi toute infraction.
Dans ce dossier, il est soupçonné d’avoir, avec son avocat Thierry Herzog, tenté de corrompre Gilbert Azibert, alors en poste à la Cour de cassation.
Dans le cadre de ces investigations, les juges ont découvert en 2014 l’existence d’une ligne téléphonique officieuse entre l’ancien président et son avocat, Thierry Herzog, ouverte sous le nom de “Paul Bismuth”.
Les conversations interceptées sur cette ligne secrète sont au cœur du dossier des “écoutes” : elles sont la preuve, pour l’accusation, d’un “pacte de corruption”. Une mise sous écoute “illégale”, s’insurge la défense, qui estime que le secret des échanges entre un avocat et son client a été violé.
La défense doit aussi s’attaquer à l’affaire “bis”, celle des “fadettes” : une enquête préliminaire diligentée pour dénicher l’éventuelle “taupe” qui aurait informé Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog qu’ils étaient écoutés par la justice sur la ligne “Bismuth”.
Dans cette enquête parallèle, classée sans suite près de six ans après son ouverture, le parquet national financier (PNF) — qui représente l’accusation à l’audience — a épluché les factures téléphoniques détaillées (“fadettes”) de plusieurs ténors du barreau parisien — entorse majeure au secret professionnel et à la vie privée des avocats, selon les conseils des prévenus.
Avec AFP
Selon l’accusation, Nicolas Sarkozy cherchait à obtenir des informations couvertes par le secret, voire à peser sur une procédure engagée devant la haute juridiction liée à l’affaire Bettencourt dans laquelle il avait obtenu un non-lieu fin 2013.
En contrepartie, il aurait donné un “coup de pouce” à Gilbert Azibert pour un poste de prestige convoité par ce dernier à Monaco, mais qu’il n’a jamais obtenu.
Une ligne téléphonique officieuse
Cette affaire, aussi appelée “Bismuth”, a surgi d’un autre dossier qui concerne depuis des années l’ex-chef de l’État : celui des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, qui lui vaut une quadruple mise en examen.