Contre toute attente les transferts d’argent de la diaspora sont en forte hausse dans beaucoup de pays. Ils constituent une source majeure de revenus. Comme si les émigrés mettaient les bouchées doubles pour aider les familles restées au pays.
La Banque mondiale a annoncé le pire à l’issue du premier confinement : en avril ses experts estiment que les transferts baisseront de 20% en 2020. En octobre ils sont moins pessimistes, la baisse ne devrait être que de 7%. Et depuis quelques semaines les chiffres fournis par les banques centrales des pays bénéficiaires racontent une histoire beaucoup plus optimiste : au Mexique le montant envoyé en mars a explosé par rapport aux années précédentes, et la tendance s’est confirmé dans les mois suivants. Dans beaucoup de pays les envois d’argent ont plongé au printemps, mais ils se sont fortement redressé depuis. En République dominicaine, mais aussi au Pakistan, au Kenya, en Égypte, en Tunisie ou au Maroc, les transferts sur les dix premiers mois de l’année sont en forte hausse par rapport à 2019.
Comment expliquer cette résilience ?
C’est souvent pour soutenir leurs proches que certains ont fait le choix d’émigrer. En situation de crise ils ont à cœur de remplir leur mission “quoi qu’il en coûte”. En cumulant les petits boulots ou en puisant dans leur épargne. Si les flux sont restés élevés, voire en augmentation c’est aussi parce que ces travailleurs étrangers occupent souvent les emplois dits essentiels, en première ligne, les emplois non affectés par le confinement. Ceux qui ont perdu leur emploi ont aussi bénéficié de l’assurance chômage ou d’autres subventions. Les transferts de la diaspora sont une source de revenu primordiale dans de nombreux pays, jusqu’à 30% du PIB. En Afrique l’enveloppe totale est supérieure à celle de l’aide publique au développement. Cette contribution spontanée sert une fois encore d’amortisseur à la crise.
Le caractère contracyclique de ces transferts se confirme avec la pandémie ?
Mais attention : les chiffres sont parfois trompeurs. On voit par exemple que les flux ont explosé au Zimbabwe, +48%. Cela parait incroyable. En fait pour certains analystes, ce qui a bondi ce sont les flux officiels. Dans l’incapacité de retourner chez eux, ou de confier l’argent à des voyageurs à cause de la paralysie du trafic aérien, beaucoup d’émigrés du Zimbabwe ont privilégié le transfert via les établissements financiers officiels, d’où ce rebond apparent, mais qui est peut-être en réalité bien moindre. Au Nigeria c’est l’inverse, les transferts se sont effondré. De 40% au deuxième trimestre. Là aussi le chiffre déclaré ne reflète pas forcément la réalité. Étant donné que le taux de change pratiqué par la banque centrale est beaucoup moins avantageux que celui qui a cours au marché noir, les Nigérians expatriés ont sans doute cherché à transférer leur argent par d’autres canaux.
La Banque centrale du Nigeria a bien compris le message.
Depuis le début de la semaine elle autorise le retrait des transferts en dollars, libre au receveur de le changer en naira là où il veut. Enfin dans certains pays la soudaine inflation des transferts est de mauvais augure. Elle est alimentée par ceux qui rapatrient toute leur épargne avant de rentrer définitivement chez eux. Aux Philippines on s’attend au retour de 300 000 émigrés. Et l’OCDE constate que le nombre de visas de résidents accordés les dix premiers mois de l’année a chuté de 46%.
EN BREF
L’Australie renoue déjà avec la croissance
La récession provoquée par la pandémie aura été de courte durée: deux trimestres de croissance négative et voilà que l’économie rebondit fortement, +3,3% au troisième trimestre. Mais la crise connue par ses clients continuera à peser sur cet exportateur de produits miniers et agricoles.
Les entreprises de la Silicon Valley pourront continuer à recruter des talents étrangers, une cour californienne vient de trancher en leur faveur.
Le gel des visas décidé par Donald Trump en juin est donc annulé. C’est un revers pour le président sortant qui voulait protéger les emplois américains en raison de la crise économique.
RFI