Une enquête menée par le réseau de journalistes d’investigation Malina et publiée le 1er décembre révèle que la corruption sexuelle est aujourd’hui une pratique courante dans certains cursus universitaires.
Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud
Une fellation contre une bonne note à l’examen, un rapport sexuel pour s’assurer une place dans telle filière… C’est un mal rampant dont on parle encore peu sur la Grande Île et qui pourtant semble s’être immiscé dans tous les secteurs d’activité.
Il y a deux mois, les journalistes du réseau Malina démarrent une enquête sur les cas de corruption sexuelle dans le milieu universitaire, et notamment au sein de la faculté de Médecine d’Antananarivo. Très vite, les témoignages d’étudiants se multiplient, dénonçant des agissements totalement répréhensibles de professeurs et hauts responsables à l’égard de jeunes étudiantes.
Pratiques « courantes »
« Nous avons rencontré des représentants de syndicats et des médecins des hôpitaux et nous avons la confirmation que ce sont des pratiques qui sont courantes, presque institutionnalisées au sein de cette grande faculté », explique Mialisoa Randriamampianina, la rédactrice en chef du réseau.
Selon la journaliste, il y a deux urgences majeures pour enrayer ce phénomène : « La première, serait de convaincre les victimes de parler. Elles n’ont pas encore le courage de briser le silence si bien que les auteurs restent toujours protégés par ce silence, omerta, presque généralisé des victimes et de leurs proches. La deuxième chose, c’est de mettre en place des structures pour les accompagner dans leur démarche de dénoncer et d’être protégées, parce que la plupart des personnes interviewées, ont vraiment cette peur de voir leur vie être détruite, leur carrière ruinée, leur famille en situation d’insécurité, juste parce qu’elles décident de parler ».
« I-toroka »
Face à l’absence pour l’instant de structures dédiées, Faly Ralai – Manampisoa, directeur chargé de l’éducation et de la prévention au Bianco, le Bureau Indépendant de lutte anti-corruption, encourage les victimes à utiliser les services de la plateforme « I-toroka » (« oser dénoncer », en malgache). « Un système de dénonciation anonyme, sécurisé par internet mis en place en 2019. Comme toutes les doléances de corruption, on va exploiter à bon escient, et transmettre le dossier à la juridiction compétente », explique-t-il.
Aujourd’hui, il n’existe pas de juridiction spécialisée pour traiter ce type d’affaires. C’est donc devant les tribunaux pénaux que devraient être jugés ces dossiers. D’après le code pénal malgache, l’auteur de faits de corruption sexuelle encourt jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et une amende pouvant s’élever jusqu’à 10 millions d’ariary.