Emmanuel Macron a réuni, cette semaine, par visioconférence des dizaines de chefs d’État et de gouvernement, des ministres et des représentants d’institutions financières et d’ONG pour venir en aide au Liban. Mais le président français a tenu à rappeler que la création d’un gouvernement était nécessaire pour cela.
De notre correspondant à Beyrouth,
Avec ce soutien du président français et des autres partenaires, l’objectif est d’assurer à la population libanaise les besoins les plus pressants alors que le pays, frappé par une grave crise économique, est au seuil d’une crise humanitaire. Mais Emmanuel Macron a rappelé que « ce soutien ne saurait remplacer l’engagement des forces politiques libanaises à former le plus rapidement possible un gouvernement et mettre en œuvre la feuille de route de réformes sans laquelle l’aide structurelle internationale ne pourrait être déclenchée ».
Une crise politique complexe
Car malgré les appels pressants et les pressions de la communauté internationale, et en dépit de l’urgence de la situation, le Liban est toujours sans gouvernement depuis quatre mois. La crise économique qui frappe le pays depuis plus d’un an et qui a déclenché le mouvement de contestation populaire le 17 octobre 2019 s’est aujourd’hui muée crise politique. Cette crise est complexe en raison du système libanais basé sur une répartition des fonctions politiques et des postes administratifs entre les communautés religieuses.
Depuis la double explosion du 4 août, deux tentatives de former un gouvernement ont échoué. La première s’est achevée avec le désistement du Premier ministre désigné, Moustapha Adib, le 30 septembre. La seconde n’a toujours pas abouti bien que six semaines se soient écoulées depuis la nomination de Saad Hariri, le 22 octobre.
Querelles entre partis
Dans les deux cas, les querelles entre les principales forces politiques sont à l’origine des blocages. Les partis traditionnels qui contrôlent le Parlement ont du mal à abandonner une habitude qui date du lendemain de la guerre civile, en 1990, et qui consiste à nommer eux-mêmes leurs représentants au sein de l’exécutif.
Avec Moustapha Adib, les chiites se sont montrés intraitables, en exigeant le portefeuille des finances et la nomination de leurs ministres. Actuellement, c’est le président de la République Michel Aoun qui exige d’avoir un droit de regard sur les noms des ministres chrétiens.
Sa position part du principe que toutes les communautés doivent être traitées sur un pied d’égalité. Si Saad Hariri accorde aux partis chiites le droit de nommer leurs ministres, il n’y a pas de raison, aux yeux du chef de l’État, que les mêmes critères ne soient pas appliqués aux autres confessions, en l’occurrence les chrétiens.
Composer avec les influences étrangères
Évidemment la dimension externe est bien présente. Et dans ce cadre, le rôle des États-Unis est assez ambigu. À chaque fois que le Liban était engagé dans un processus de formation de gouvernement, l’administration américaine imposait des sanctions contre des personnalités politiques libanaises, en invoquant la lutte contre la corruption ou contre le Hezbollah.
Lorsque Moustapha Adib essayait de former son cabinet, le Trésor américain a sanctionné le bras droit du président du Parlement, Nabih Berri, qui est la principale personnalité politique chiite de l’État. Cette mesure a provoqué le raidissement des chiites, qui ont craint une tentative de les isoler politiquement.
Dès que Saad Hariri a entamé ses négociations pour former son équipe, Washington a usé de la loi Magninski contre Gebran Bassil, chef du plus grand parti chrétien et gendre du président Aoun. Maintenant, ce sont les chrétiens qui sont intraitables.
D’une manière ou d’une autre, l’approche américaine du dossier libanais contribue à compliquer la crise à un tel point que la présidence française a dit mercredi dans un communiqué que ces sanctions ne facilitent pas les choses au Liban.