Ce lundi matin, les autorités fédérales éthiopiennes ont déclaré se focaliser désormais sur les procédures judiciaires contre les chefs du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) et l’aide humanitaire. Addis-Abeba veut donner une image triomphante de sa campagne tigréenne. Des informations à prendre avec précaution.
Avec notre correspondant régional, Sébastien Németh
Le pouvoir fédéral estime travailler désormais sur l’arrestation des chefs du TPLF, la restauration de la loi et de l’ordre, ainsi que sur l’aide humanitaire à destination des civils. Addis-Abeba souhaite organiser le retour et l’installation des réfugiés et déplacés, mais aussi relancer les services de transport et communication. Des infrastructures détruites par le TPLF, selon le pouvoir. L’État fédéral affirme que la prise de Mekele, il y a 10 jours, s’est faite sans victime civile ni destruction de propriété.
Même si les communications sont quasi impossibles avec le Tigré, des habitants de la capitale régionale ont affirmé que la ville n’avait ni eau, ni électricité, et toujours aucun service bancaire. Des témoins ont aussi vu des blessés et des morts, ainsi que des maisons détruites par des bombardements.
Les chefs du mouvement sont toujours en fuite et plusieurs sources parlent de combats dans plusieurs zones. Les autorités estiment pourtant que le TPLF est « défait », « en déroute », avec « des capacités insignifiantes et insuffisantes pour entamer une insurrection ».
Des informations à prendre avec des pincettes. Le chercheur Kjetil Tronvoll appelle d’ailleurs à la prudence. Selon lui, « la propagande du Premier ministre ressemble à celle du DERG », la dictature qui a régné de 74 à 87. « Ceux qui connaissent l’histoire du Tigré savent qu’une guérilla est garantie s’il n’y a pas de compromis », estime-t-il.
Des pillages signalés
Des éléments qui semblent confirmer ceux du CICR. Il y a quelques jours, l’organisation décrivait les pénuries de matériel médical dans le principal hôpital de Mekele, et notamment le manque de sacs mortuaires. Plusieurs sources parlent également de pillages réguliers, perpétrés notamment par les soldats fédéraux qui occupent la ville.
Le groupe de travail mis en place par Addis-Abeba sur le Tigré reconnaît des vols, mais l’institution affirme qu’aucun militaire fédéral n’y a participé. Elle parle du vide sécuritaire laissé par le TPLF avant l’arrivée de l’administration intérimaire nommée par le Parlement mi-novembre. Le groupe de travail pointe aussi du doigt la présence de soldats du TPLF en civils qui se cacheraient parmi la population.
La situation humanitaire s’aggrave
Dans le même temps, plus le temps passe, plus la situation humanitaire s’amplifie. La barre des 50 000 réfugiés vient d’être franchie au Soudan et des transferts ont dû être organisés pour soulager certains sites saturés.
À l’intérieur du Tigré, l’aide internationale n’est toujours pas arrivée malgré l’accord signé mercredi avec Addis-Abeba. Une équipe onusienne s’est même vue refuser l’accès au camp de réfugiés érythréens de Shimelba qu’elle devait visiter. Le convoi aurait même essuyé des tirs avant d’être brièvement détenu.
RFI