À vélo ou à pied, ils sillonnent les quartiers de la capitale en longueur de journée et sont d’une grande utilité pour les clients qui veulent raccommoder des habits usagés sans se déplacer
Un jeune homme trapu roule sur un vélo d’un autre âge. Sur le porte-bagages est attachée une machine à coudre. Le cycliste signale sa présence dans la rue par les cliquetis de ses ciseaux. Une façon pour lui d’alerter d’éventuels clients. Sa stratégie marketing ne tarde pas à faire son effet. Tout d’un coup, un garçonnet l’interpelle. Il rebrousse chemin. Une dame de la quarantaine lui propose des habits d’enfant à recoudre. Ils conviennent du prix.
Le jeune tailleur, visiblement dynamique, se met à la tâche avec entrain. Ousmane Diakité, c’est son nom, n’est pas le seul à faire ce métier pour assurer son autonomie financière. Après l’hivernage pour certains et les récoltes pour d’autres, Bamako et les différents centres urbains du pays reçoivent ces jeunes gens qui pratiquent le métier de tailleur ambulant.
Communément «Togolotogolo», ces jeunes sillonnent les rues toute la journée en faisant claquer leurs paires de ciseaux pour alerter les clients. Si certains circulent à vélo, d’autres sont à pied, portant leur machine sur les épaules.
Ousmane Diakité, la trentaine, vient du village de Chi, dans le Cercle de San. Il nous apprend qu’il pratique ce métier depuis 2012. «J’aime bien la couture. Je l’ai apprise au village avant de venir à Bamako», explique ce garçon qui révèle qu’à ses débuts, il pouvait gagner entre 2.500 à 10.000 Fcfa par jour.
Ces dernières années, on assiste à une ruée de jeunes ruraux vers ce métier. «Nous quittons nos villages chaque année après les récoltes pour Bamako. Moi, j’habite à Kalaban-coura. Chaque jour, je sillonne les rues de ce quartier jusqu’au petit soir. J’économise mes recettes pour acheter du bétail une fois de retour au village», explique le tailleur ambulant. Si les affaires ne marchent pas à Bamako, il compte tenter sa chance à Nioro du Sahel, Diéma ou Kayes. Il ambitionne, à terme, d’ouvrir un atelier de couture.
DES CLIENTS TRÈS GÉNÉREUX- Madou Tangara, originaire de Woletona dans la Région de Ségou, est tailleur ambulant depuis seulement trois ans. Nous l’avons rencontré aux environs de 18 heures en train de pédaler son vélo pour rallier le domicile. «Je suis revenu du village, il y a près d’un mois. Cela fait trois ans que je viens à Bamako après les travaux champêtres. Je sillonne deux quartiers et je peux gagner entre 3.500 à 4.000 Fcfa par jour», confie-t-il.
Cela non pas sans difficultés. «Nous rentrons très épuisés à la maison. En outre, nous avons parfois des incompréhensions avec des clients. Certains refusent de payer quand ils sont insatisfaits de la qualité du service», exprime le jeune tailleur.
En dépit de ces problèmes, certains réussissent à fidéliser la clientèle. C’est le cas de Madou Konaté qui dit avoir plusieurs clients fidèles dans différents quartiers. «Au début, ce n’était pas facile. Mais quand j’ai eu un portable, j’ai commencé à fidéliser les clients. Certains m’appellent pour me donner rendez-vous. D’autres me demandent de passer chaque deux samedi ou dimanche», explique celui qui a derrière lui une dizaine d’années dans cette activité. Certains clients très généreux lui donnent parfois jusqu’à 3.000 Fcfa après le travail.
Qu’en pensent les clients ? «Il faut reconnaître que ces tailleurs sont d’une grande utilité. Les couturiers expérimentés refusent le raccommodage. Tu leur donnes un habit pour une petite réparation, ils font 10 jours avec sans se donner le temps de le réparer. Alors qu’en un clin d’œil, ces tailleurs ambulants font le travail et à bas prix», témoigne Mah Fomba, soulignant que ces jeunes gens font bien leur travail.
Aïssatou pense que ce sont les plus expérimentés parmi ces tailleurs ambulants qui donnent satisfaction aux clients. «Il y a beaucoup de jeunes dans le domaine actuellement qui ne se sont pas donné assez de temps pour bien apprendre le métier. Si tu leur donnes un habit, ils font du n’importe quoi et après ils te réclament de d’argent», déplore-t-elle.
Comme dit un adage : «il n’y a pas de sot métier». Avec cette activité, beaucoup de jeunes campagnards échappent aux multiples pièges de la grande ville : banditisme, drogue, etc.
Aminata Dindi SISSOKO
Source : L’ESSOR