New York, 8 décembre 2020 — Les autorités maliennes devraient libérer immédiatement et sans condition les journalistes Adama Diarra et Seydou Oumar Traoré et leur permettre de faire leur travail librement, a déclaré aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes.
Ce texte a initialement été publié sur le site de Committee to Protect Journalists
Le 20 octobre, Diarra, également connu sous le nom de Vieux Blen, a reçu une convocation de la Brigade d’investigation judiciaire du Mali, un organisme local d’application de la loi, selon une copie de la convocation postée sur sa page Facebook.
Le lendemain, Diarra a répondu à cette convocation et a comparu devant le tribunal de la Commune III du District de Bamako, la capitale, où il a été placé sous mandat de dépôt à la prison centrale de la ville, selon deux messages du 21 octobre postés sur cette page.
Le 22 octobre, la Brigade d’investigation judiciaire a délivrée une convocation à Traoré, selon une copie de cette convocation postée sur la page Facebook du journaliste ce jour-là.
Le 14 novembre, alors que Traoré ne s’était pas présenté à cette convocation, les forces de sécurité l’ont arrêté dans le village de Kati, à 15 kilomètres au nord-ouest de Bamako, et l’ont incarcéré à la prison centrale de Bamako en attendant son procès, selon les médias ainsi que Bassidiki Touré, président de l’Association des éditeurs de presse privée, un groupe professionnel local des médias, et Mahamadou Talata Maïga, directeur général de la Maison de la presse, un groupe d’organisations professionnelles des médias, qui se sont tous deux entretenus avec le CPJ via une application de messagerie.
Les deux journalistes sont détenus pour « outrage à magistrat », une forme de diffamation criminelle à l’encontre des membres du système judiciaire du pays, selon les médias ainsi que Touré et Maïga.
La prochaine comparution de Diarra et Traoré, où un jugement est attendu, est prévue pour le 15 décembre, selon l’un des messages Facebook de Diarra postés le 21 octobre, les médias, Touré et Maïga.
« Les autorités maliennes devraient libérer les journalistes Adama Diarra et Seydou Oumar Traoré immédiatement et sans condition, et réformer les lois du pays pour s’assurer que les membres de la presse ne soient pas emprisonnés en raison de leur travail, » a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ, depuis Durban, en Afrique du Sud. « En plus des graves préoccupations pour la liberté de la presse au Mali, les risques sanitaires liés à la détention pendant la pandémie de COVID-19 rendent l’emprisonnement de deux journalistes particulièrement alarmant. »
Diarra anime une émission de radio sur la chaîne privée Radio Voix des Jeunes, et est le fondateur du journal Dougouba Kônoko, qui couvre les questions politiques, sociales et économiques, selon les médias et une image de Dougouba Kônoko examinée par le CPJ. Il publie également des informations et des commentaires politiques sur sa page Facebook publique, où il compte environ 85 000 abonnés.
Traoré anime une émission de radio sur la chaîne privée Radio Jekafo, et publie également des informations et des commentaires politiques sur sa page Facebook publique, où il compte environ 35000 abonnés, selon l’examen de sa page par le CPJ.
L’arrestation de Diarra fait suite à une plainte du Syndicat autonome de la magistrature (SAM) et du Syndicat libre de la magistrature (SYLIMA), deux groupes professionnels représentant les magistrats, concernant sa critique, sur Facebook, de la conduite des autorités judiciaires dans l’affaire du musicien emprisonné Sidiki Diabaté, selon les médias, la page Facebook de Diarra, et Touré.
Dans les jours précédant la convocation du 20 octobre, Diarra a critiqué la prétendue mauvaise gestion de l’affaire Diabaté par les autorités judiciaires, notamment les prétendus retards de procédure. Diarra avait également critiqué les autorités judiciaires pendant des émissions de radio en direct, selon les médias, Touré et Maïga. Le CPJ n’a pas été en mesure d’écouter les épisodes des émissions de radio de Diarra.
La convocation de Traoré du 22 octobre faisait également suite à une plainte du Syndicat autonome de la magistrature et du Syndicat libre de la magistrature concernant sa couverture de l’affaire Diabaté ainsi que l’arrestation de Diarra, selon un message publié le 22 octobre sur la page Facebook de Traoré, Touré, et les médias.
Dans les jours précédant la convocation du 22 octobre, Traoré a critiqué à plusieurs reprises le prétendu harcèlement des autorités à l’encontre de Diarra et son arrestation, ainsi que le traitement d’autres affaires par les autorités judiciaires.
Le CPJ n’a pas été en mesure de déterminer la loi spécifique que les journalistes auraient enfreinte.
En vertu de l’article 115 du Code pénal malien, les condamnations pour diffamation criminelle des magistrats sont passibles de peines d’emprisonnement allant jusqu’à un an. Ces affaires peuvent également être instruites en vertu de la loi malienne sur la cybercriminalité de 2019, qui comprend plusieurs articles relatifs à l’expression en ligne passibles de peines d’emprisonnement allant de quelques mois à plusieurs années, selon une copie de la loi examinée par le CPJ et une analyse de la loi par le groupe de promotion des droits numériques CIPESA basé en Ouganda.
Le 3 décembre, Touré a déclaré au CPJ que Diarra, qui est physiquement handicapé, souffrait de maux de tête et de rhumes en détention.
Le 2 novembre 2020, le Syndicat libre de la magistrature et le Syndicat autonome de la magistrature ont publié une déclaration conjointe accusant « quelques hommes des médias » de lancer « des attaques imméritées contre l’institution judiciaire et ses acteurs centraux, les magistrats ». La déclaration n’a fait mention d’aucun journaliste en particulier. Elle a également souligné l’importance des valeurs telles que la liberté de presse et la liberté d’expression pour le Mali.
Le 3 décembre, le CPJ a appelé Abba Maïga, chef de la communication du Syndicat libre de la magistrature qui a demandé que les questions sur Traoré et Diarra lui soient envoyées via une application de messagerie. Il a accusé réception de ces questions le jour même, mais n’y a pas répondu.
Le 7 décembre, le CPJ a appelé le procureur du Tribunal de la commune III du district de Bamako, qui est également le président du Syndicat autonome de la magistrature, Mamoudou Kassogué. En raison d’une mauvaise connexion, Kassogué a accepté de communiquer via WhatsApp. Le CPJ l’a appelé et lui a envoyé des questions écrites via l’application et par texto, mais il n’y a pas répondu.
Dans un message publié sur Facebook le 16 octobre 2020, Diarra a affirmé que Kassogué « préparait une plainte » contre lui.
Source : Benbere